Sur la Turquie, le 9 juin 2013,
de la part de Jacques Chastaing - réseau des anticapitalistes et révolutionnaires du Grand Est
Bonjour,
Ci-dessous le point de vue de l'écrivain Orhan Pamuk paru dans le
monde du 7 juin. Avant quelques chiffres:
La Turquie est derrière le Mexique le pays de l’OCDE où les inégalités de
revenus sont les plus fortes et où le pourcentage de personnes vivant en dessous
du seuil de pauvreté est le plus important. On compte officiellement trois
millions de chômeurs, sans compter les millions de travailleurs sans contrat de
travail non déclarés au chômage et n'ayant pas droit à la sécurité sociale. Dix
mille travailleurs sont morts à la suite d’accidents du travail de 2002 à 2011.
La productivité dans l’industrie a augmenté de plus de 20% entre 2005 et 2010,
les salaires réels ont baissé de 10%. L’inflation oscille entre 5 et 28% depuis
dix ans, 9% en 2012. Ce qui rogne régulièrement les salaires. L’âge de la
retraite, va être relevé à 65 ans avec des pensions dérisoires et que pour les
travailleurs déclarés. Pour la grande majorité des retraités, continuer à
travailler est une nécessité.
Au nom des exigences de l'Europe pour pouvoir y
être intégrée, la loi régissant les « relations du travail » adoptée en 2003 au
nom de « l’occidentalisation » du droit a exclu de tout droit les entreprises de
moins de trente personnes, soit les deux tiers environ des travailleurs. Les
fonctionnaires, n’ont pas le droit de grève.
La durée
hebdomadaire légale de travail est de 45 heures pour un salaire minimum
d’environ 330 euros. Dans les faits, elle s’élève le plus souvent à 60 ou 65
heures. Le contrat à durée déterminée n’a plus aucune limite dans le temps et la
flexibilité a été généralisée. L'arbitraire patronal domine si les travailleurs
ne s’organisent pas. Les syndicats turcs n'ont rien fait jusqu'à présent pour
lutter contre le gouvernement d'Erdogan. Ils ont au contraire endossé ses
mesures pro-capitalistes en réponse à la crise de 2008 en le rejoignant pour
sponsoriser une campagne s'appuyant sur le slogan, « Allez faire des achats.
» Les syndicats ne veulent pas voir une confrontation décisive avec ce
gouvernement. Ils sont déjà largement intégrés dans les comités consultatifs de
l'Union européenne, qu'ils soutiennent, et sont allés jusqu'à soutenir
l'imposition par l'UE des mesures d'austérité à la Grèce voisine et
ailleurs.
Malgré ça, les travailleurs n’ont jamais cessé de s’affronter au
patronat ou dans le secteur nationalisé avec seulement un léger reflux depuis
l'arrivé au pouvoir de l'AKP mais peut-être un regain depuis un an.
2010 a
été marqué par la grève des 12 000 travailleurs de Tekel, l’ancien monopole des
tabacs privatisé. Dans le cadre d'une privatisation, comme ça s'est fait dans
d'autres secteurs, le gouvernement proposait : soit les salariés acceptaient le
licenciement et les primes qui l’accompagneraient, soit ils optaient pour le
statut dit « 4/C », qui signifiait la perte de la sécurité de leur emploi, la
baisse de moitié de leurs salaires, et la fin d’une grande partie de leurs
droits. Erdogan expliqua que ces travailleurs étaient des « fainéants qui
veulent gagner de l’argent sans faire aucun travail ». À cette annonce, les
travailleurs, dont beaucoup venus des usines du Kurdistan, affluèrent à Ankara
et s’installèrent dans des camps de toile durant plusieurs semaines, avec
l’appui et l’aide de nombreux habitants, des étudiants malgré un froid intense
dans une ambiance festive, suivie avec une grande sympathie par des millions de
travailleurs. Ils exigèrent, indépendamment de leurs origines, hommes et femmes
au coude à coude, un véritable reclassement avec maintien de leur statut et de
leurs droits. Malgré la charge brutale de la police, la mobilisation ne faiblit
pas. « Mourir dans l’honneur plutôt que vivre dans la misère » était
écrit sur certaines banderoles.
Dans la fonction publique, malgré
l'interdiction de faire grève, il y a eu trois journées de grève l’an passé,
bien suivies, dans l’éducation, la santé et les transports avec notamment la
compagnie Turkish Airlines qui depis a récidivé, comme les salariés de
l'électricité. Enfin l’été dernier, des ouvriers du textile de la zone
industrielle de Gaziantep, ont déclenché une grève contre leurs conditions de
travail et les bas salaires. La grève, dirigée par un comité de lutte, s’est
rapidement étendue à plusieurs usines, impliquant plusieurs milliers de
travailleurs. Ayant peur de la contagion, le patronat a reculé. Il y a deux mois
une grève bien suivie a eu lieu à l’usine Renault de Bursa a aussi eu un
retentissement national.
Je ne sais pas si la participation de deux syndicats
à cette lutte, provient d'une pression ouvrière (comme ce qui s'était passé en
Egypte) ou pour d'autres raisons, mais il serait bien possible dans la période
qui vient, que les mouvements de grève se multiplient. Il y a quelques jours,
le premier ministre, Gül, s'est exprimé lors d'une réunion de l'Association des
investisseurs internationaux en Turquie, pour tenter de les rassurer un jour
seulement après que la bourse d'Istanbul a chuté de 10,5% en réaction au
soulèvement populaire.
« Il y a deux ans à Londres, des voitures ont été
brûlées et des magasins ont été pillés pour des raisons similaires, » a dit
Gül. « Au cours des révoltes en Espagne dues à la crise économique, les gens
se sont rassemblés sur les places. Le mouvement Occupy Wall Street a continué
pendant des mois aux États-Unis. Ce qui se passe en Turquie est comparable à ces
pays-là. »
Autrement dit: "continuez à investir en Turquie, cette contestation sociétale
que nous ne craignons pas, n'atteindra pas le domaine social". Rien n'est moins
sûr.
Mais un discours qui entre en résonance avec ce qu'on entend dans les
médias ici sur le 68 turc comme hier en Egypte ou Tunisie sur les révolutions
facebook et qui dit les craintes de la planète
capitaliste
Jacques
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