Inflation et hausse des prix
Un
abonné nous a demandé d’éclaircir les relations qu’il pourrait y avoir entre
l’inflation et la hausse des prix. C’est une question relativement difficile
dans la mesure où il n’y a pas véritablement de relations entre des causes
déterminées et leurs conséquences.
Toutefois,
dans la dernière période de la fin des Trente
Glorieuses, le capitalisme occidental a eu recours à la mondialisation de la production et des
échanges et ce, afin de tenter de restaurer ses taux de profit. Il s’agissait
d’utiliser la main d’oeuvre à bas coût, tout particulièrement dans les pays de
l’est et certains pays du sud. En effet, pour délocaliser, il fallait pouvoir
disposer de main d’oeuvre qualifiée afin que la délocalisation des entreprises
et des capitaux puisse être mise en oeuvre à brève échéance.
La
deuxième condition pour la réalisation consista à obtenir la réduction, voire l’élimination des
barrières douanières ce qui fut fait. Ainsi, l’inflation, pendant la période
des Trente Glorieuses jusque dans les
années 1970-1980, résultait de la baisse tendancielle du taux de profit,
alimentée par la concurrence et le recours simultané à des machines et des
technologies de plus en plus onéreuses. Cette situation était renforcée par des
revendications salariales alimentant elles-mêmes la course entre salaires et capitaux à accumuler. En effet, pour
exploiter le travail, il n’y a pas 36 manières : soit on augmente la durée
du travail, soit on intensifie, jusqu’au burnout, l’accélération des cadences.
Pour sortir de l’impasse, il n’y avait d’autres moyens que celui de la
mondialisation. Dès lors, on assista à l’implantation des multinationales dans
les pays du sud mais également à la sous-traitance, aux externalisations, pour
réduire « le cout de la force de travail » et ce, afin d’augmenter
les profits.
Enfin,
au terme de ce processus de plus en plus
chaotique, misant sur des taux d’emprunt très bas, voire négatifs,
l’accélération de la croissance mondiale
fut de retour. On assista à une accumulation de produits et de capitaux qui
trouvèrent de moins en moins de preneurs et les crises se multiplièrent jusqu’à
la dernière en date, dont l’ampleur fit penser à celle des années 1929-30. Ce
fut la crise des subprimes puis de l’endettement des pays, pour l’étouffer et
empêcher sa propagation. L’inflation dans la dernière période s’est réfugiée
dans les titres de propriété (les actions) ainsi que dans le capital
immobilier, objets tous les deux d’une spéculation démesurée.
On
en vint même, pour appâter les plus riches, à des prises de position permettant
aux entreprises de racheter leurs actions afin de susciter la hausse de leur
rendement. Chaotique, cette
suraccumulation de capital « obligea » certains patrons à recourir au
télétravail, à se délester de l’immobilier, ce qui provoqua la crise dans ce
secteur. L’inflation qui était
« cachée » jusqu’ici dans le secteur des actifs financiers et
bancaires, s’est répandue dans
l’ensemble de l’économie.
Désormais,
ce sont des causes conjoncturelles
qui frappent le plus durement les populations les plus fragiles. Il faut regarder les évènements brutaux qui ont
déréglé encore plus la « machine » capitaliste : la guerre en
Ukraine avec l’arrêt ou le sabotage de l’approvisionnement en pétrole et en gaz
provenant de la Russie à des coûts bien moins onéreux que ceux des Etats-Unis,
la décision de l’OPEP de réduire la production de pétrole en organisant une
relative rareté, poussant ainsi à
l’augmentation des prix.
La
guerre en Ukraine, elle-même, crée des goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement du blé et des céréales
d’Ukraine vers les pays du sud.
L’après
Covid, qui suscita l’arrêt relatif de l’économie, fut marqué à la fois par le déstockage
des produits non acheminés du sud vers le nord. Il se heurta à la capacité insuffisante
du transport maritime (tankers), autant d’éléments, qui liés à l’inflation structurelle, provoquent effectivement une inflation globale. Se conjuguent en
effet les causes conjoncturelles aux causes structurelles (suraccumulation de
capital, y compris fictive).
Toutefois,
les banques centrales, et d’abord la FED (banque centrale états-unienne), ont
augmenté insidieusement leurs taux directeurs, provoquant la multiplication des
prêts accordés par les banques privées. Il s’agit, dans l’esprit des
économistes dominants, de freiner l’activité industrielle et commerciale, de
ralentir la croissance capitaliste et ce, dans l’espoir que la conséquence en
sera la baisse de l’inflation au risque de la récession qui guette.
Gérard
Deneux, le 7.12.2023