Jupi
t’es (plus) rien
(Editorial
de PES n° 98 – nov/déc. 2023)
Il
essaie encore d’exister sur le plan international et d’éviter, sur le plan
intérieur, le piège du 49-3, tout en maintenant à distance le rejet populaire (75
% de la population) dont il fait l’objet, après l’amputation de 2 ans de pension
qu’il nous a imposée.
En
effet, il a réussi l’exploit, après Hollande, d’éjecter la France de l’Afrique
de l’ouest, et ce, au moins dans trois pays
(Burkina Faso, Mali, Niger). Il a cru se refaire une santé en se
précipitant derrière le tuteur américain pour soutenir l’extrême droite
israélienne dans sa guerre contre les Gazaouis. Il a surtout montré la
puissance de son impuissance. Ses propositions de grande alliance contre le
Hamas étant de fait rejetées, il a ensuite virevolté entre un humanitarisme bon
teint, suggérant que Netanyahou pouvait, bien entendu, pour se défendre,
bombarder, massacrer et détruire en masse les habitations les écoles, les
hôpitaux… tout en « s’efforçant de ne pas cibler les civils ». Puis,
nouveaux zigzags, se contredisant et prônant
désormais (tièdement) le cessez-le-feu. De même, il s’est fendu d’une petite
visite écourtée à la COP28 pour promouvoir l’industrie nucléaire après s’être
assuré des approvisionnements en uranium et en pétrole auprès du Kazakhstan,
accompagné de toute une cohorte
d’industriels, comme EDF, Eiffage, TotalEnergies…
Au
plan national, c’est plutôt ju-piteux, l’arrogant doit en effet en
rabattre ; bientôt le département français Mayotte sera le symbole d’une
France qui, sous certains aspects, rejoint le Quart Monde. Il n’est peut-être
pas le seul en cause si l’on considère que gérer c’est prévoir, mais quand
même ! Les canalisations d’eau sont pourries. Le ramassage des poubelles
n’est pas organisé, l’usine de dessalement n’est toujours pas en fonction et
pour satisfaire les besoins en eau, il n’a pas trouvé mieux, avec sa clique
gouvernementale que d’acheminer des bouteilles en plastique qui, désormais,
couvrent les plages de Mayotte. Et il n’y a toujours pas de déchetterie.
Alors,
Macron immobile ? Pour éviter le 49,3 ? Pas tout à fait. Il reste en
effet, malgré son illégitimité, le chef d’orchestre des désastres à
venir : la profondeur des inégalités ne cesse de s’accroître, les
nationalistes identitaires concurrencent les néofascistes, la restriction des
libertés rend le climat des plus moroses sur fond de pourrissement de la parole
publique. Alors Macron encore 4 ans ? Un sénateur centriste en arrive à
dire : « cela ne peut pas
durer ».
Reste
le pas de deux avec Ciotti, et Darmanin battant la mesure entre aide médicale
d’Etat et aide médicale d’urgence pour désigner à la vindicte publique les
migrants qui viendraient dans notre « beau » pays uniquement pour se
faire soigner au frais du contribuable français ! Cacophonie : les
médecins invoquent le serment d’Hippocrate et les risques d’épidémie si l’on ne
soigne les exilés et autres sans papiers que s’ils sont déjà très malades,
provoquant de fait, des surcoûts
hospitaliers.
Alors
on passe à la valse à 3 temps afin de contourner le parlement et
rallier les LR récalcitrants. La musique change. Le référendum est évoqué, flop !
Tout comme l’IVG dans la Constitution et le Conseil National de la Refondation,
flop, flop et toutes les conventions
citoyennes du même topo, y compris les convocations partenariales avec les
partis politiques, dès la deuxième danse, c’est encore flop. Pour s’y rendre, « le méprisant de la République »* ne
trouva à ses pieds que le RN, EELV et le PC « très radical »
( !) Pitoyable, cette valse à 3 temps qui tente de rameuter le RN en lui
déroulant le tapis brun pour une valse à 4 temps. Sur fond de pauvreté
galopante, d’inégalités, d’inflation et de plus de 3 000 enfants à la rue, la
danse se transforme en agitation désordonnée.
Et
dans le camp dit de gauche ça ne va pas mieux. Le cadet-Roussel ne sait plus où
habiter, lui qui a trois maisons à sa disposition, la première, la sienne, qui
rétrécit, la deuxième, encombrée de toute la Nupes qui se déchire, la troisième,
sans la rebelle LFI décidée à faire barrage à une politique dite de
gouvernement néolibérale et voulant promouvoir, pour le moins, une orientation
altermondialiste.
Alors,
peut-on faire advenir l’improbable, autrement dit éviter la pente glissante
qui conduit à nous imposer des
aventuriers rétrogrades comme c’est le cas dans le monde actuel. Après
Berlusconi, Trump et Bolsonaro on en est à assister au défilé des figures de
malheur, Meloni, Orban et Milaï l’argentin qui fit campagne, tronçonneuse à la
main. En France, au-delà de la figure de Le Pen, il s’agit de nous habituer aux déambulations au pas de l’oie des milices
fascistes à Lyon et à leurs exactions à Romans-sur-Isère. Ainsi, il
apparaîtrait qu’il vaut mieux, dans ce cas, choisir un RN
« normalisé » avec la droite extrême des LR, bref, à une
configuration proche de celle de la « démocratie ( !) israélienne ».
La
fin de règne de Macron, lui, le fondé de pouvoir de l’oligarchie mise en place
par les donateurs, les sondeurs et les médias manipulateurs, risque d’être
difficile. Pourtant, dans ce gouvernement, comme le révèle Monique Pinçon-Charlot,
outre Elisabeth Borne il y a quand même 18 millionnaires. Ne maîtrisant plus
rien ou pas grand-chose, Macron devient le renfrogné de service, il en arrive à
dire, désabusé, « Je ferai tout ce
que je peux jusqu’en 2027 ». Il prie pour cela à la fête juive installée
à l’Elysée dans la République laïque et à Notre-Dame de Paris…
GD,
le 8 décembre 2023
· livre de Monique Pinçon-Charlot
(éditions Textuel), septembre 2023