Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 2 décembre 2016

les arbres se dessèchent
les champs se dessouchent
la terre se crevasse
les sources s’assèchent
l’air se raréfie
l’océan s’enflamme
le ciel s’enfume
l’homme s’épuise
la vie se tarit

mais ceux qui sont aux commandes
continuent de rigoler
tant que leurs affaires prospèrent
que leurs comptes s’enflent
que leurs coffres s’emplissent

et leurs serviteurs les singent
rêvant de devenir comme eux


Pedro Vianna
In livre XLIX – Climats
21.VIII.2016




Pire c’est, mieux c’est ?
(édito du PES n° 28)

Les élections aux Etats-Unis et la primaire de la droite en France laissent augurer des soubresauts sociaux et répressifs dont on a du mal à appréhender l’ampleur. Trump, le  « boni-menteur », est le produit du cauchemar étatsunien, celui de la désespérance sociale et des inégalités inégalées, conjuguées avec la volonté d’une minorité d’escrocs, prêts à tout pour accroître leurs privilèges. La désindustrialisation massive, l’exploitation de milliers de sans-droits et sans-papiers sont le terreau raciste sur lequel ont prospéré les propos d’un charlatan qui promet le retour au rêve américain isolationniste. Sur fond de rejet de Clinton et de l’impuissance d’Obama a surgi cette alliance improbable entre les rapaces et ces « petits blancs » laissés-pour-compte du système auquel ils croient. Au-delà des propos outranciers de l’énergumène, c’est son entourage qu’il faut examiner(1) : des banquiers spéculatifs, des escrocs, des affairistes, bref, des loups de Wall Street qui font bon ménage avec des racistes jusqu’au-boutistes, des militaristes prêts, comme dit leur chef, à « écraser sous les bombes les terroristes ». Les ouvriers désenchantés et pauvres du Middle West, les Afro-américains, les Hispaniques parviendront-ils à dépasser leurs rivalités instrumentalisées ? Ce serait mieux !

En France, le social-libéralisme, les coups de menton de Valls, ont réduit en miettes la soi-disant gauche de gouvernement et, avec elle, l’espérance sociale malgré toutes les mobilisations résistantes. A surgi, comme premier de la classe, Fillon, le collaborateur  de Sarko, cet enfant gâté du sérail, ce pur produit paroissial du système, qui prétend remplacer le scooter par le bolide ultra-libéral, pour relancer un capitalisme à la traîne. Ces 10% du corps électoral qui l’ont élu, rêvent comme lui, d’une punition infligée aux démunis et exploités et d’un retour nostalgique à l’uniforme des blouses grises dans les écoles. Pour la reconquête de la croissance en berne : les 35 H liquidées, les aides sociales rabiotées, les retraites allongées et réduites, l’Etat allégé de 500 000 fonctionnaires, les allocations chômage réduites. « Salauds de pauvres ! » faut payer : en TVA (+ 2%) 16 milliards d’€, 110 milliards pour des hôpitaux, des écoles, des services (au) public exsangues. Faut ça pour accorder plus de 100 milliards de baisse des cotisations patronales, sans compter la suppression de l’impôt sur la fortune. C’est Sarko et Juppé réunis, en pire.

Bref, ça va déchanter sec ! Pas sûr ? Va falloir choisir entre soumission et révolte !    
Peuvent en effet prévaloir les passions tristes sur fond d’aigreurs, d’angoisses, de résignations, de rancoeurs, qui dressent chacun contre tous. Cette stérilité volontaire peut prospérer sur fond de xénophobie raciste. Pour conjurer l’attraction du pire, il faut tenter l’incandescence démocratique, celle de la communauté des égaux dans la diversité. C’est mieux.

Dans cette attente, les élections qui viennent, apparaissent comme le passage vers l’urne funéraire. La « gauche de gauche » toujours divisée ne fait toujours pas rêver. Les mouvements sociaux sont restés sur la défensive. Bref ! Il est (pour tous) « grand temps d’apprendre l’espérance » (Ernst Bloch)



(1)  Un article dans le prochain numéro traitera de l’élection de Trump et des conséquences que l’on peut en déduire 
Nous avons lu


Royaume d’asphalte
Jeunesse saoudienne en révolte
« Dans le rétroviseur, je vois un énorme nuage de poussière…  c’est une voiture lancée en dérapage latéral à plus de 200km/h. Propulsé hors de mon siège par une terreur rétrospective, il me faut bien 15 minutes pour retrouver mon calme. Ce n’est pas fini. Les pneus hurlants, produisant un énorme nuage de poussière et de fumée, la voiture revient. Rampant sur le bitume, comme suspendue à des fils invisibles, la carrosserie semble avoir été libérée des lois de la dynamique par quelque décret divin. Le vacarme est assourdissant…. Je viens de rencontrer les mfahhatin (pilotes de rodéo) ».Fruit de 4 années d’enquête ethnographique à Riyad, l‘auteur nous fait parcourir l’univers des rodéos urbains, comme une forme de contestation, de défi à l’Etat et à la police qui veut tout contrôler. Courses de l’extrême qui mènent souvent à l’accident et parfois à la mort. Issus le plus souvent des quartiers de migrants ruraux et de Bédouins, ils sont à 45% des étudiants. Ils se retrouvent aux marges de la ville, poursuivis par la police qui les perd dans une ville qu’ils connaissent parfaitement. La politique d’urbanisation menée à Riyad, a étendu à l’infini des quartiers organisés en damier sans âme où la voiture est reine. A part les mosquées, les centres commerciaux et les routes, il y a peu d’espaces publics et ils sont sous surveillance. Après minuit, la ville ennuyeuse et disciplinée pendant la journée devient un terrain de jeu sauvage. Cette forme de délinquance juvénile révèle les lignes de fracture d’une société répressive. Ces jeunes hommes créent des espaces de liberté et de révolte, reprennent possession de l’espace et par là-même, peut-être, un jour de l’espace social et politique. Cela reste une question. OM.
Pascal Menoret, éd. La Découverte, 2016, 23€


Le cauchemar syrien
Les auteurs fournissent une synthèse remarquable du conflit le plus barbare depuis la seconde guerre mondiale : 300 000 morts, des centaines de milliers de blessés, 5 millions d’exilés… pour une population de 20 millions d’habitants. Le boucher Assad aurait sombré depuis bien longtemps sans l’assistance de ses alliés iraniens et russes et sans sa capacité à manipuler les djihadistes de l’Etat Islamique. Ce livre rend compte des différentes stratégies des puissances régionales qui s’ingèrent dans cette guerre civile, leurs interactions mortifères et l’instrumentalisation des communautés religieuses dressées les unes contre les autres (sunnites, chiites, chrétiens...). Il démontre également la responsabilité première des Etats-Unis et des pétromonarchies dans l’essor du djihadisme. D’une « étonnante » complicité avec le clan des Assad, Washington semble apparemment impuissante. Elle en est réduite après son relatif échec en Irak à mener contre l’EI une guerre par procuration, tout en soutenant l’interventionnisme de l’Arabie Saoudite et des pays du Golfe. Quant à l’Europe, avec la France « hollandaise » en première ligne, elle reste à la remorque de l’ambiguïté états-unienne, prête à se résoudre à remettre en selle Assad avec l’appui de Poutine. L’Iran, la Turquie, les pétromonarchies, avec leurs parrains respectifs qui les contrôlent plus ou moins, balkanisent cette région du monde. Les pays limitrophes en sont déjà les victimes collatérales : Jordanie, Liban et évidemment les Palestiniens. Sur cette poudrière dont les métastases sont les exilés qui se pressent aux frontières de l’Europe ainsi que les attentats djihadistes, les dirigeants du monde tel qu’il est préparent, pour le moins, la désintégration des Etats tels qu’ils ont été construits après la 1ère guerre mondiale. A lire pour entrevoir la possible extension du cauchemar syrien dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. GD
Ignace Dalle et Wladimir Glasman, éd. Fayard, 2016, 23€

L’ordre de la dette
Enquête sur les infortunes de l’Etat et la prospérité du marché
Quand le sociologue se fait  historien de l’évolution politique et économique, il montre comment « l’ordre de la dette », cette construction politique et médiatique s’est imposée en « contrainte suprême ». Ce livre restitue la généalogie qui a transformé l’Etat d’après-guerre, qui se finançait hors marché, en un Etat de dépendance à la finance. De Valéry Giscard d’Estaing à Barre, puis après la brève parenthèse de 1981-1982, de Bérégovoy à DSK puis Jospin, c’est toute une stratégie d’acceptation sociale qui a été mise en œuvre : le poids de la dette publique a permis de justifier privatisations et austérité en invoquant le souhait de « penser aux générations futures » tout en affirmant que la France, de plus en plus inégalitaire, vivait au-dessus de ses moyens. Certes, le modèle états-unien et celui de la construction européenne ont joué un rôle déterminant. Mais celui-ci n’a pu s’exercer qu’en s’appuyant sur des forces économiques et politiques qui oeuvraient dans le même sens. Le sauvetage des banques, lors de la crise de 2007-2008, a encore accentué « l’ordre de la dette ». Les marchés sont devenus désormais, les « geôliers de la démocratie ». L’Etat réduit, transformé, n’est désormais plus en capacité de remplir ses obligations les plus élémentaires dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la fourniture de logements décents et accessibles. « Le combat pour faire admettre l’illégitimité de la dette » est, selon, l’auteur impératif.
Benjamin Lemoine, éd. La Découverte, 2016, 22€  

Manuel d’économie critique
Libre-échange, finance, partage des richesses… des mécanismes à la portée de tous
Tel est l’objectif des auteurs de ce manuel destiné à rendre l’économie accessible au plus grand nombre. « L’économie dominante se grime volontiers en science ‘exacte’. Aux mathématiques elle emprunte les équations ; à la physique, les lois implacables ; à la biologie, l’idée d’une évolution  ‘naturelle’ des sociétés. Cette vision de la discipline conforte l’idée dominante que l’économie est ‘neutre’ fondamentalement ». Pour critiquer de manière constructive cette scientificité de l’économie et introduire sa nature profondément politique, les auteurs abordent les thèmes principaux comme la croissance, la monnaie ou encore l’emploi et la concurrence en abordant le chapitre par « une idée reçue », puis un « avant et ailleurs » pour terminer par « d’autres possibles ». C’est fait de textes simples, d’illustrations d’hier et d’aujourd’hui, de peu de chiffres et de tableaux compliqués. A faire lire à tous de 15 à 99 ans.

Coordonné par Renaud Lambert, Sylvain Leder, Laura Raim, Hélène Richard, Pierre Rimbert et Frédéric Farah, Hors-série du Monde Diplomatique, 2016, 12€