Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 1 mars 2020


Essoufflement en bas. Zizanie en haut.

 éditorial du n° 60 de PES (voir ci-dessous pour vous abonner)

Le mouvement gréviste de la SNCF et de la RATP n’a pas réussi à entraîner massivement d’autres secteurs, et ce, malgré la détermination dont il a fait preuve. Ce long conflit ponctué de manifestations, malgré la sympathie dont il bénéficie toujours, s’est essoufflé. Bien des facteurs structurels rendent compte de sa faiblesse relative (1). Qu’il suffise, ici, de signaler l’absence d’un discours de vérité : s’attaquer à cette « réforme » régressive signifiait désigner la cible, Macron et l’oligarchie capitalo-financière qu’il représente et les directives de Bruxelles qu’il partage. Face à l’entêtement du pouvoir, aucune négociation n’était possible. La revendication du retrait du projet allait en ce sens, tout en s’inscrivant dans ses propres limites : la collaboration d’états-majors syndicaux (CFDT, CFTC…), la faiblesse de l’implantation syndicale combattive, les tentatives bien trop timides d’imposer une démocratie de masse à la base (assemblées générales), des noyaux militants trop restreints, l’absence d’un projet alternatif, largement partagé, sur les retraites. Sur ce dernier point, l’annonce bien tardive d’une conférence entre les directions syndicales (CGT, FO, SUD…) est révélatrice.

Il n’empêche, des coups de boutoir furent assénés au pouvoir : rejet du macronisme, séquence parlementaire agitée qui se prolonge (recours probable au 49.3, passage au Sénat, commission mixte, retour au Parlement avec de nouveau, le 49-3), défaite électorale annoncée, conférence de financement en trompe l’oeil, ordonnances… Tels sont les ingrédients d’une agitation sociale qui pourrait rebondir sur l’accroissement de l’impopularité du pouvoir autoritariste et répressif.

L’obstination de la coterie macronienne se heurte à ses propres défaillances : le projet dit universel multiplie les régimes spécifiques, son opacité sur la valeur du point, la persistance d’une mobilisation, l’impatience du Medef, lui qui se serait contenté d’un recul d’âge et du laminage des régimes spéciaux, la persistance des revendications des hospitaliers, des avocats, des enseignants... Malaise ! Pire ! Des couacs à répétition, la rapacité et les moeurs d’un gang de parvenus.

Quand la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, proclame, sans honte, « mentir pour servir Macron », quand Castagner pond une circulaire pour masquer la Berezina annoncée des municipales et se fait retoquer par le Conseil d’Etat, c’est la tromperie qui est instituée. Lorsque l’amendement d’allongement du congé pour deuil d’un enfant est rejeté après deux séances du Conseil des ministres et des députés macronistes, c’est la bronca dans les réseaux sociaux et les circonscriptions. Quant à l’injonction du monarque, son revirement contraint, d’être humain, c’est toute la macronie qui est blessée. La séance de calinothérapie à l’Elysée n’a pas suffi à calmer la zizanie qui s’installe. Et que dire des choix opérés par Macron lui-même, Loiseau Nathalie virée de la liste européenne, Goulard exclue de la commission européenne abandonnant ses ambitions, Delevoye démissionnaire, tous, pour des raisons de corruption et d’avidité larvée. Déjà 17 sous-ministres délégués et secrétaires d’Etat démissionnaires et tous ces dépités, ces godillots qui traînent les pieds ou font marche arrière.

Et comme si cela ne suffisait pas, il y eut l’affaire du grivois apprenti-scénariste. Ce foutriquet arrogant, à bonne école macronienne, cet élève de Strauss Khan et de ses parties fines, se voyait déjà à la tête de Paris, détruisant la gare de l’Est pour y installer un central Park - les bobos parisiens effarés auraient-ils supporté tous ces bruits et marteaux piqueurs dans le Grand Paris déjà encombré par les grands travaux entamés pour les Jeux Olympiques ? Il n’était, de fait, qu’un adolescent immature. Les médias tentèrent de l’excuser en tonnant contre l’atteinte à sa vie privée - qu’il n’hésitait pas à exhiber - d’autres y ont vu la main de Moscou. Cachons cette main qu’ils ne sauraient voir ! Rien n’y fit. Ceux d’en bas, goguenards, se tapèrent sur les cuisses. Ils se gaussèrent de cette nouvelle macronade lorsqu’ils apprirent que la floraison des vidéos avait été activée par un ex-macronien, le député viré Forget (50 000 suiveurs) et le fortuné Monsieur Alexandre, éditorialiste à l’Express (74 000) et même Benalla se mit à tweeter ! Ce fut viral et du plus croquignolesque. Contrit, Griveaux démissionna pour laisser la place à la prude Buzin qui, en toute urgence, abandonna les hôpitaux. Cette macroconnerie révèle les moeurs cyniques de la garde rapprochée de Macron. Vite, il fallait se dépêtrer de toutes ces avanies, prendre la mesure écologique du rétrécissement du glacier du Mont Blanc ; et le 1er de cordée s’y employa, éructant également contre le séparatisme musulman puis vint rassurer les agriculteurs inquiets de la réduction de la Politique Agricole Commune. Toutes ces diversions ne règlent rien. La droite misant sur l’écoeurement et l’abstentionnisme, tente de refaire surface en se déclarant précautionneuse de la sécurité des Français et, en même temps, plus sociale ! Mais le procès Fillon-Pénélope risque de la rappeler à ses propres turpitudes.

Le chemin des reconquêtes sociales et politiques, s’il est entrepris, devra récuser tous les socio-libéraux et tous les politiciens d’un autre âge. Un second souffle du mouvement social est possible tant la précarité, la baisse des indemnités-chômage, la désertification de la ruralité, la pauvreté, attisent les braises. L’espoir ne peut naître toutefois que d’un projet politique de transformation sociale et écologique. Reste le danger le plus immédiat, le repli nationaliste et xénophobe et les modalités de l’autoritarisme d’un régime dont la base sociale se rétrécit.

GD le 27.02.2020

(1)   lire article La grève, malgré tous les obstacles de Sophie Berout et Jean-Marie Pernot, le Monde Diplomatique mars 2020
Pour s'abonner au Monde Diplomatique
- 12 numéros pour 59€
Rendez-vous sur le site www.monde-diplomatique.fr/abo 


Bulletin d'abonnement à Pour l'Emancipation Sociale

- 10 numéros - abonnement postal = 25€
- 10 numéros - abonnement courriel = 6€
Abonnement pour les faibles ressources = en fonction des moyens
Abonnement de soutien (ou don) = "sans limites"

à envoyer à Pour l'Emancipation Sociale -Gérard Deneux
76 avenue Carnot - 70200 LURE
chèque libellé à PES   


L’insécurité

Comment peut-on laisser faire
les forces de l’ordre et de sécurité
mutiler, handicaper
et dans certains cas prendre la vie ?
pour le moment ni la justice ni le gouvernement
n’osent leur commettre de tort 
tous les procès font partie du théâtre, du décor
pour limiter la casse et éviter de payer le prix d’or
ils sont sans états d’âme, sans remords
ils seraient prêts à recommencer
et frapper encore plus fort
de la matraque ils sont passés au LBD-météore
c’est une politique de corps à corps
et ils sont entraînés comme des cadors
à répondre aux ordre de Médor (Castagnor)
reste à ta place et fais le mort
l’Etat s’occupe des bavures du décor
celles qui se remarquent dans les coups durs
nul besoin d’un procès pour les condamner
c’est ce qu’il y a de sûr
le gouvernement refait à chaque fois la couture
des violations, de la souffrance et de l’ignorance
il triture ces blessures il nous travaille à l’usure
voilà la vraie nature de ces forces obscures
la violence du monde porte sa signature
et pour le peuple la répression est plus dure
un chien peut mordre
quand il sent crainte ou faiblesse
mais ces caniches ont attrapé la rage
ils ont condamné le village
à un rapport de forces à notre désavantage
ils ont besoin d’un éclair émotionnel
pour sortir de leur sommeil
c’est vital essentiel
cet Etat nous ensorcèle
sortons de notre bouteille
pour protéger nos merveilles

Hassen


Moyen-Orient.
Les puissances étatiques et les peuples

Les logiques cyniques de confrontation des puissances à l’œuvre au Moyen-Orient ne peuvent se comprendre qu’en évoquant les bouleversements qu’ont connus les différents pays qui le composent. L’article qui suit n’épuisera pas le sujet. En effet, l’angle d’interprétation se focalise, pour l’essentiel, sur les stratégies états-uniennes successives. Il entend néanmoins, fixer des repères historiques pour saisir la complexité morbide de manipulation des peuples.

Les années 80. Le coup de tonnerre khomeinyste

Avant le soulèvement contre le shah d’Iran et sa police politique, les Etats-Unis dominaient la région constituée de protectorats dont ils s’assuraient l’allégeance à coup de ventes d’armes et d’importations. De l’Arabie Saoudite aux pays du Golfe, en passant par l’Iran et la Turquie membre de l’OTAN, leur hégémonie était assurée. Restaient bien des régimes nationalistes réticents mais ils étaient en voie de perversion kleptocratique ou patrimoniale. Les encourager dans cette voie ne semblait pas poser problème sauf que persistait la question palestinienne. Les accords d’Oslo étaient censés la résoudre : un proto-Etat croupion dépendant d’Israël pour s’associer à la répression contre les aspirations nationales, le grignotage territorial des colons et la corruption de l’Autorité palestinienne feraient le reste.

Dès la « révolution » khomeinyste, la donne a changé. Elle s’est compliquée avec l’engagement des USA à combattre contre l’URSS, le régime afghan dit communiste qui s’était emparé du pouvoir à Kaboul. Pour soutenir ceux que, sans rire, les Etats-Unis désignaient comme « des combattants de la liberté », les islamistes furent mis à contribution et armés. Ils allaient proliférer, donnant naissance à Al Qaïda et aux talibans.

Entre temps, Téhéran diffusait sa version chiite de la théocratie après avoir humilié la superpuissance US avec l’occupation de l’ambassade américaine et sa prise d’otages. En sous-main, le Pentagone, avec la complicité d’Israël, livrait des armes, ce qui permit la « libération » de l’ambassade. Le scandale ne devait éclater qu’en 1985-1986, ce fut l’Irangate. Mais cette affaire en cachait deux autres, d’une part le soutien à la contre-révolution sandiniste et surtout, la stratégie US poursuivie jusqu’en 1988, consistant à pousser Iran et Irak à la confrontation armée. Il fallait, pour les USA, tenir compte d’Israël, pour qui Saddam Hussein était l’ennemi à abattre du fait de l’aide qu’il apportait aux Palestiniens. En 1981 déjà, Tel Aviv avait bombardé le réacteur nucléaire que la France construisait en Irak. Il suffisait d’entretenir la mégalomanie du dictateur irakien et lui donner le feu vert pour attaquer l’Iran. Et ce fut une guerre longue, sanglante. Elle devait durer près de 8 ans. Le stratège US s’en réjouissait, les armes affluaient pour maintenir le plus longtemps possible ce conflit afin de ramasser la mise. Fin de la guerre, match nul, les deux pays sont certes à bout de souffle mais la théocratie iranienne s’est durcie et Saddam Hussein toujours là, s’en prend au Koweït.

Les deux guerres du Golfe, l’occupation US et ses « déboires »

L’invasion du Koweït va fournir aux USA le moyen d’entrer en guerre contre l’Irak. Il faudra toutefois une deuxième guerre pour liquider le régime. Tout en s’appuyant sur la population chiite et surtout en faisant revenir d’exil des membres des deux partis chiites, Dawa et le Conseil suprême islamique. La collaboration de fait avec l’Iran permit une stabilisation en trompe l’œil. Il y eut certes une alliance avec les forces chiites irakiennes pour réduire les forces baathistes évincées et les sunnites sur lesquels elles s’appuyaient. Mais cette guerre civile prit la forme d’un conflit religieux qui donna naissance à Al Qaïda dans la région puis à l’Etat islamique. L’Iran en profita pour renforcer son influence et envoyer ses propres milices. Cette pénétration iranienne fut favorisée par le changement de stratégie US : pour contenir, réduire la révolte sunnite islamiste, l’armée US tenta, en vain, de mobiliser les tribus sunnites contre l’Etat islamique naissant. Ce fut un échec à plusieurs faces.

D’une part, le système confessionnel, comme au Liban, où cohabitent chiites dominants, kurdes irakiens, sunnites collaborateurs, provoque une instabilité grandissante, opposant partis et populations manipulées ; d’autre part, l’armée irakienne, même avec l’aide iranienne, ne parvient pas à réduire la rébellion sunnite djihadiste. Par ailleurs, dès 2011, suite aux « printemps arabes », le soulèvement syrien complique la donne (voir plus loin). Les milices pro-iraniennes, y compris celles provenant du Liban (Hezbollah), de l’Irak, soutiennent Bachar Al Assad. En 2014, l’Etat islamique met en déroute l’armée irakienne qui frôle la débâcle. Il s’empare d’une partie considérable de l’Irak. Le gouvernement irakien sollicite l’armée US. Une coalition occidentale est formée, mais désormais, la tentation de « gouverner de l’arrière » et de privilégier les bombardements massifs prévaut. Encore faut-il des fantassins pour déloger les djihadistes au sol. Choix est fait d’utiliser en Irak les milices chiites, en Syrie les Kurdes, surtout après leur résistance héroïque à Kobané et le sauvetage des populations yézidis, notamment. Même si la « ligne rouge » - l’utilisation de gaz toxiques par Bachar le Boucher - est franchie, Obama refuse de s’investir en Syrie, concentrant ses forces contre l’Etat islamique. Tous les Occidentaux pensent que le régime syrien va s’effondrer. C’est le général iranien Soleïmani et Assad, qui font appel à Poutine, celui-ci voit l’occasion de remettre en selle l’influence perdue de la Russie dans la région. La stratégie russe et celle d’Assad se conjuguent : écraser la rébellion, de fait gangrenée par l’influence salafiste-djihadiste,  à la fois par les pays du Golfe et la Turquie. L’imbroglio est à son comble. Les Etats-Unis voient surgir trois concurrents qu’ils espéraient maîtriser : l’Iran, la Turquie, la Russie.  

Affrontements entre puissances secondaires : au bord du gouffre

L’unilatéralisme US avec Trump marque, en ce qui concerne le Moyen-Orient, des hésitations quant à la stratégie à suivre : protéger d’abord les intérêts US signifie éviter de s’embourber en Irak, en destabilisant autant que faire se peut, les puissances secondaires qui s’affrontent dans ces guerres par procuration. L’essentiel est de soutenir les monarchies du Golfe et Israël, en tentant d’impliquer les Etats européens de plus en plus réticents. L’Etat islamique vaincu en tant qu’entité territoriale, la lutte contre le djihadisme prend désormais une configuration différente : laisser faire le « sale boulot » à Assad et Poutine en Syrie, à la France au Sahel. L’autre facette de cette stratégie consiste à réduire l’influence de l’Iran dans la région du Moyen-Orient. Y compris au Yémen, où l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis sont empêtrés. Pas simple d’autant qu’en Libye, la situation tourne à l’affrontement indirect entre d’une part la Turquie soutenant le gouvernement reconnu par l’ONU et d’autre part le général Haftar épaulé par l’Egypte d’Al Sissi, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, les Emirats Arabes Unis et même la France de Macron. Difficile de s’imposer sa loi dans l’enchevêtrement d’intrigues lorsque l’on veut se désengager pour pivoter vers l’Asie-Pacifique.

Reste que désormais avec Trump, les relations déjà tendues avec l’Iran depuis 2018 ont pris une tournure de plus en plus antagoniste. La remise en cause unilatérale de l’accord sur le nucléaire et les sanctions qui l’accompagnent, visent à asphyxier ce pays en provoquant ainsi un changement de régime. Force est de constater qu’en fait, les USA ne contrôlent plus grand-chose en Irak. Dès lors, les affrontements militaires au bord du gouffre se multiplient. Bombardements iraniens sur les installations pétrolières de l’Arabie Saoudite, assassinat ciblé du général iranien Soleïmani commandité par Trump, réplique des milices chiites irakiennes visant l’ambassade US en Irak… pour ne relever que quelques « actions » les plus emblématiques. Par ailleurs, la Turquie s’en prend directement à l’armée de Bachar Al Assad et indirectement à la Russie. Le sultan Erdogan et son rêve d’empire ottoman se heurtent à la volonté d’Assad-Poutine de reconquête de l’ensemble du territoire syrien. Les cessez-le-feu successifs étaient conditionnés au désarmement des milices djihadistes pro-turques, contre nettoyage ethnique et réimplantation de réfugiés. Ces trêves ont permis un grignotage de la poche d’Idlib à la fois par les forces d’Erdogan et celles d’Assad et un repli des forces kurdes, facilité par la complicité de Trump. Le désastre humanitaire ne trouble pas le sommeil des Occidentaux, mise à part la crainte des flux de réfugiés dans lesquels pourraient s’insérer des djihadistes…

Les soulèvements populaires changent-ils la donne ?

Les classes dominantes du Moyen-Orient, sclérosées, corrompues, kleptocrates, sectaires ont été ébranlées par les soulèvements populaires en 2011. Mis à part le cas de la Tunisie, ces mouvements ont été durement réprimés. De fait, les contre-réformes libérales mises en œuvre ont produit des résultats catastrophiques ; tous les pays concernés connaissent des taux de chômage les plus élevés du monde. L’absence de perspectives de transformation réelle, de leadership organisationnel, le poids de l’islam instrumentalisé, furent autant de facteurs négatifs conduisant à l’échec. Cette première vague populaire puissante aspirant à la démocratie, rejetait tous les appareils d’Etat : Qu’ils s’en aillent tous ! En Egypte, le rejet de Morsi et son régime islamiste, la confiance naïve dans l’armée, ont suscité le coup d’Etat d’Al Sissi et son cortège répressif. En Syrie, le boucher Assad, les interventions étrangères, ont écrasé les aspirations démocratiques, transformant cette lutte en guerre civile, religieuse et ethnique. Quand il n’y a pas d’alternative crédible, les populations ont tendance à assimiler les discours des régimes répressifs : « c’est nous ou le chaos » ; ainsi va la tragédie syrienne : terreur d’Etat ou terreur islamique voire la conjugaison des deux. Qui plus est, l’agenda néolibéral maintenu après la crise de 2008 comme en Tunisie, ne peut être mis en œuvre dans les pays du Sud que par un modèle de type Pinochet.

Malgré tout, une deuxième vague de soulèvements populaires a déferlé au Soudan, en Algérie, au Liban, en Irak et en Iran et pourquoi pas demain en Turquie ? Dans les trois premiers pays précités, le rejet des régimes s’accompagne du rejet des pouvoirs et sectes religieuses et les femmes semblent prendre place dans ces mouvements. Au Soudan, une situation de double pouvoir entre des organisations progressistes et les militaires compromis dans les génocides, et ce, au sein de l’Etat, ne peut durer.  Reste que, le Rojava en Syrie, pour autant qu’il puisse résister à l’étau turc et syrien, est aujourd’hui l’expérience la plus progressiste.

En définitive, les peuples de cette région du monde doivent se débarrasser à la fois des fondamentalismes islamiques et des « sectarismes » ethniques qui les entravent. Promus par l’Arabie Saoudite et parrainés par Washington comme antidotes à leurs aspirations sociales et démocratiques et à leur volonté d’indépendance, ou répandus par la théocratie iranienne ou par les visions ottomanes d’Erdogan, ils sont autant de conceptions réactionnaires permettant d’assurer le pouvoir des castes kleptocrates. Sans leadership d’organisations démocratiques et révolutionnaires, en capacité d’impulser ces mouvements de masse, la lassitude et la récupération intéressée des fractions de classes dominantes, l’emporteront (temporairement ?) pour restaurer l’ordre ancien. Mais rien n’est joué.

L’évolution de la situation est à la croisée des chemins : soit la révolution démocratique, soit la guerre avec son cortège de chauvinisme, d’affrontements religieux. Face à ce dilemme, et pour en sortir positivement, au sein des peuples occidentaux devrait se développer un mouvement antiguerre et de soutien internationaliste afin de briser l’oppression dont sont victimes les peuples du Moyen-Orient. Est-ce possible ? Pour l’heure, rien n’est moins sûr, au vu du peu de compréhension des drames qui affectent la Syrie. L’affaiblissement relatif de l’impérialisme US et la réduction de l’Etat islamique pourraient, peut-être, amener à une compréhension plus rationnelle des enjeux de domination qui surdéterminent leurs affrontements.

Gérard Deneux, le 20.02.2020

Pour en savoir lus
-        cf mon article plus centré sur la Syrie  A propos du conflit syrien  publié sur le blog des AES
-        Symptômes morbides de Gilbert Achcar – Actes Sud
-        site alencontre.fr