Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 6 décembre 2020

 

La PAC

 

A l’heure où les discussions sont engagées pour définir la Politique Agricole Commune 2021-2027, il nous semble important de faire un retour sur son histoire, sa mise en place et ses évolutions. Quelles logiques successives ont orienté les choix de la politique agricole de l’UE, au sein de la politique globale communautaire ?

 1 - Rappels

 

C’est au lendemain de la 2ème guerre mondiale que les organisations européennes prennent forme. Le Traité de Paris (1952) institue la CECA – Communauté européenne du charbon et de l’acier : cette organisation internationale est fondée pour 50 ans (elle n’existe plus depuis 2002).

Le Traité de Rome (25.03.1957) institue la CEE – Communauté économique européenne - et l’EURATOM (énergie atomique). Dès l’origine, l’Europe se construit comme un marché commun entre les 6 pays pionniers de cette construction : Allemagne de l’Ouest, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas. Politique du pas à pas vers la libéralisation. En 1965, la commission européenne est créée et la fusion des CECA, CEE et EURATOM est réalisée. En 1986, l’Acte unique européen  institue le marché unique (libre circulation des biens, des personnes et des capitaux) se substituant au marché commun ; il prendra forme en 1993, après la signature, en 1992, du traité de Maastricht, accroissant les compétences européennes, la communauté européenne devient l’Union Européenne (économique et monétaire). La PAC naît du traité de Rome.

 

Elle représente une part importante du budget européen (40 %) qui se répartit en 2020, comme suit :

-        une aide directe aux exploitations (1er pilier) pour 258.60 milliards €, gérée par le fonds européen de garantie agricole

-        une aide au développement rural pour 77.80 milliards €, 2ème pilier, piloté et cofinancé par l’UE, les Etats et les régions, est en charge du fonds européen de développement rural.

 

Les ressources financières de l’UE proviennent à 72 % des contributions directes des Etats membres, et pour le reste, des droits de douanes et des transferts d’une partie de la TVA des pays membres.

 

Les lois d’orientation de la PAC sont proposées par la Commission Européenne, et SA Commission agricole, pour être discutées, ensuite, au Parlement européen (et SA commission agriculture).

 

Depuis  sa création, la PAC a adapté ses objectifs au marché et a mis en place des outils spécifiques passant des prix et des revenus garantis, à l’aide à la surface, découplée de la production, ou encore par la limitation des productions dont des quotas pour le lait et les céréales. L’UE s’accorde aux règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce, créée en 1995), elle signe en 1994 les accords agricoles de l’OMC, réduit ses aides à l’export et aux prix, entrés en vigueur au 1er janvier 1995. La PAC change de logique.  

 

2 – Les deux tournants de la construction de la PAC

 

Après la 2ème guerre mondiale, la France et d’autres pays européens, sont exsangues et le plan Marshall (1947-1952), rend la politique alimentaire des pays d’Europe totalement dépendante des Etats-Unis. La question qui se pose, alors, aux Européens est la suivante : continuer à acheter les produits US ou créer un marché agricole commun ?

A cette époque, l’agriculture européenne est rudimentaire, les propriétés exploitées sont morcelées en petites parcelles, la mécanisation est quasi nulle (les chevaux sont essentiels) et les rendements sont faibles. Comment, dans ces conditions, assurer la sécurité alimentaire ? Comment assurer l’approvisionnement des ménages, en particulier, en lait et en pain ?

 

Après de longues discussions entre les six pays pionniers de l’Union européenne, dans lesquelles la France fut moteur, la préférence communautaire et la solidarité financière sont acceptées. Dans la foulée de la construction européenne (CEE en 1957, marché commun en 1959), est créée la PAC qui sera effective en 1962. Ces années-là, le budget agricole commun est le premier poste des dépenses de la CEE.

 

1962

 

La PAC s’appuie, alors, sur la politique des prix garantis. Il s’agit d’assurer des revenus réguliers aux producteurs et d’offrir des prix stables aux consommateurs en garantissant l’approvisionnement. C’est la période des incitations à la production, chaque secteur ayant ses règles et son organisation : vin, légumes, porc, volaille, etc. L’objectif est d’augmenter la productivité agricole de la CEE qui aura rapidement pour effets : l’augmentation des surfaces exploitées (le remembrement des terres agricoles a eu lieu à partir de 1959), la mécanisation favorisée par le recours aux emprunts auprès du Crédit Agricole (les tracteurs remplacent les chevaux) et des rendements améliorés. Par exemple pour le blé : de 20 quintaux/hectare en 1950 on passe à 40 quintaux en 1965. Les rendements améliorés, l’extension des fermes, etc. ne cesseront plus et ce, au détriment des petits paysans et au profit de grandes exploitations. 

 

Cette politique d’incitation à la production européenne intérieure, au moment des Trente Glorieuses, aboutit à un phénomène de surproduction (exemple du beurre européen) : l’exportation entre les pays de l’Europe se développe ; en 1968, les droits de douanes intra-communautaires sont supprimés. Et l’exportation est financièrement soutenue, au-delà des pays de l’Europe. Elle pèse lourdement dans le budget avec les compensations financières entre les prix européens et les cours mondiaux agricoles.

 

Les importations des pays extérieurs à la CEE  sont dissuadées par l’instauration de taxes, ce qui fit grincer des dents les Etats-Unis, jugeant les mesures protectionnistes contraires aux règles du GATT (puis de l’OMC). Les conséquences de cette politique contraignent l’Europe, pour enrayer la surproduction, à prendre des mesures comme la limitation des productions dont les quotas laitiers en 1984.  

 

Dans le contexte du traité de Maastricht (1992) et de la création de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), l’UE est contrainte à entrer de plain-pied dans le libéralisme débridé, où la concurrence libre et non faussée est la règle absolue. C’est le grand tournant de 1992.

 

1992

 

En 1992, l’objectif de compétitivité de l’agriculture est inclus dans l’accord donnant naissance à l’OMC. Il s’agit pour l’UE de se mettre en conformité avec ses règles. L’objectif principal et de s’adapter au contexte international et de rendre l’agriculture européenne plus compétitive, entre autres, par une baisse des prix agricoles et des mesures compensatoires pour les producteurs. Cette orientation va bouleverser le principe de garantie des prix et institue des aides techniques à l’exploitation : une aide unique à l’exploitation est mise en place. Elle se substitue aux différentes aides à l’exploitation. L’aide est fixée par la Commission et régionalisée, selon les rendements historiques moyens.

 

Pour le lait, le régime des quotas reste l’outil principal pour réguler la production, pour les céréales également : le principe est le suivant, au-delà d’un quota défini par région et par exploitation, celui qui produit plus voit son prix de vente diminuer ou doit payer des pénalités.

 

Au fil des années, ces politiques de production « contrôlée » s’accentuent. En 2003, les aides sont conditionnées et indépendantes de la façon de travailler les sols. Bruxelles impose le gel des terres pour faire face à la surproduction. En 2014-2015, les aides en faveur de l’élevage (notamment intensif) sont réajustées. En 2015, les quotas laitiers sont supprimés. Parmi les effets de la PAC, il faut souligner  la chute du nombre d’exploitations laitières : de 427 000 exploitations en 1983 à 70 000 en 2014. De même, le beurre exporté par l’UE passe de 380 000 tonnes en 1983 à 150 000 tonnes en 2014.

 

Le Parlement européen, co-législateur avec la Commission de l’UE, détermine ses priorités pour le développement rural, dont un soutien à l’innovation, un renforcement de la compétitivité et de l’utilisation efficace des ressources. En 1999, l’élargissement de l’UE aux pays de l’Est, nécessite d’abonder les fonds structurels en faveur de ces pays. Le poids de la PAC passe de près de 70 % dans les années 1980 à moins de 50 % depuis 2000.

 

Les producteurs sont soumis à une plus forte volatilité des prix, les diktats du marché s’imposent, il faut  produire – vendre – pour produire plus, augmenter les surfaces exploitées, utiliser des intrants (pesticides, fongicides, engrais…) pour des rendements toujours plus performants, s’endetter par l’achat de matériels toujours plus puissants…  Dans ce cycle infernal, au mépris de l’écosystème, les exploitations et les petits paysans qui ont longtemps constitué le tissu environnemental social et économique de nos campagnes disparaissent. Entre 1955, la France compte 2,3 millions d’exploitations, 1 million en 1989 et 500 000 en 2014. La politique agricole européenne a favorisé la concentration des terres, la disparition de nombre de paysans, principalement les « moins performants » au profit de l’agro-business industriel, multipliant la culture du soja, maïs, etc… sans se soucier de la souveraineté alimentaire.

 

Parmi les effets négatifs des PAC successives, il a été constaté la création de rentes et d’inégalités. Les producteurs de fruits et légumes, par exemple, sont les grands oubliés et l’Allemagne n’a jamais respecté la politique des quotas laitiers, préférant payer les pénalités.

 

et pour 2021-2027 ?

 

La négociation est engagée pour définir « une PAC 2021-2027 plus verte mais surtout plus juste » a déclaré le ministre de l’agriculture français. Ce qui s’annonce, selon la Confédération paysanne, s’éloigne du caractère commun de la PAC en faveur d’une logique bien plus individuelle : pas de régulation des marchés, mais une « flexibilité nécessaire pour garantir la compétitivité des agriculteurs », soit la course à l’agrandissement et à la spécialisation, tournant ainsi le dos aux solutions indispensables face au changement climatique et aux aléas du marché.

 

Parmi les innovations technologiques qui impacteront l’agriculture mondiale et l’alimentation, citons le steak in vitro sans animaux, inventé en 2013 et déjà en vente. L’agriculture verticale (inventée en 1999), à savoir une ferme en gratte-ciel, des petites surfaces et des rendements plus grands, avec des récoltes toute l’année, une ferme pourrait nourrir 50 000 personnes !

 

La Confédération paysanne défend une nouvelle PAC qui favorise le revenu et l’emploi paysan et notamment

-        en garantissant la rémunération du travail par des prix couvrant les coûts et la production

-        en maintenant une activité diversifiée sur le territoire (grâce à primes plus justes). La PAC doit soutenir les productions locales, les marchés locaux, les outils de transformation et les zones défavorisées.

-        en donnant un coup d’arrêt à la disparition des exploitations. En Europe, une ferme disparaît toutes les 3 minutes.

 

Denis Favez, le 01.12.2020  

 

 

 

Les Nouvelles Routes de la Soie

 

L’article de Jean-Louis, ci-après, pose indirectement la question de l’analyse de l’expansionnisme commercial de la Chine et de la nature actuelle de son régime. Dans l’idéologie dominante, on identifie les différentes périodes de l’histoire de la Chine, comme si elles évoluaient forcément sur un même modèle. En fait, l’histoire de la Chine est marquée par des luttes intenses entre différentes conceptions et une volonté de se démarquer de l’Union soviétique. Il serait intéressant de rappeler à la fois la distance prise par Mao Tsé-toung dès l’origine de la création du parti communiste chinois, en prétendant qu’il était impossible de passer par une étape capitaliste, comme le défendait Staline en soutenant le Kuomintang (période de Sun Yat-sen),  du fait même de la nature de la bourgeoisie chinoise compradore, liée aux intérêts étrangers. Il a été ainsi amené à construire la théorie de la guerre populaire qui fut reprise ensuite par les Vietnamiens… ; en 1949, c’est le modèle russe qui s’imposa provoquant une mise en minorité de Mao Tsé-toung  puis son retour avec les périodes successives des Cent fleurs, des Communes populaires puis de la Révolution culturelle qui aboutiront à des échecs et à un retour d’un modèle de capitalisme d’Etat mixte, avec ouverture aux investissements étrangers.  Le tournant fut opéré par Den Xiao Ping et la répression qui s’ensuivit, place Tienanmen.

Par ailleurs, la montée en puissance de la Chine actuelle pose la question des rapports de forces mondiaux, après les échecs successifs de l’impérialisme états-unien d’imposer une libéralisation sauvage dans l’ex-URSS, ce qui a produit une reprise en main nationaliste avec Poutine. De même, l’affaiblissement des Etats-Unis, suite aux guerres au Moyen-Orient, ainsi que la prédominance mondiale du néolibéralisme, sont des facteurs d’accroissement des tensions.  

Ce qui est nouveau dans la période, c’est la volonté des dirigeants chinois d’accroître la vitesse de la circulation de leurs capitaux et de leurs marchandises en installant des infrastructures dans nombre parties du monde. L’une des conséquences est l’accroissement de la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine qui peut déraper à tout moment. GD.

 

 

 

Ce projet connu aussi sous le nom de « Belt and Road Initiative » (une ceinture, une route) est le plus grand projet d’investissement de l’histoire avec, pour commencer un investissement de 1 000 milliards de dollars sur 10 ans. Il a été lancé en 2013 par Xi Jinping, le Président (à vie depuis 2018) de la République Populaire de Chine. L’objectif gravé dans la Constitution chinoise est de construire

 

« Une Communauté de Destin pour l’Humanité »

 

Sous cette appellation humaniste, il s’agit en fait d’un gigantesque business : constructions de voies ferrées, routes, ports, aéroports, centrales électriques… visant plus d’une centaine de pays sur tous les continents. A titre d’exemple, la construction du métro à Belgrade en Serbie, à Bogota en Colombie, une ligne de chemin de fer Djibouti- Addis-Abeba et pour donner une idée de l’importance des travaux :

 

Un corridor économique sino-pakistanais

Son but est de relier l’Est de la Chine au Port pakistanais de Gwadar : Il se compose d’un agrandissement du port pour accueillir les pétroliers et autres navires de grands gabarits, un hôpital sino-pakistanais, un nouvel aéroport, une usine de dessalement de l’eau de mer, une voie de 2500 kms comprenant une autoroute à 6 voies, une voie de chemin de fer, un pipeline, un oléoduc, la fibre optique et plusieurs centrales électriques à charbon. Le but économique est de permettre dans un sens la circulation rapide des produits chinois vers les pays du Golfe et dans l’autre sens la circulation du gaz et du pétrole venant de ces mêmes pays, nécessaire à la croissance chinoise. Autre exemple qui nous concerne plus directement :

 

La liaison ferroviaire et routière entre la Chine et l’Europe

 

Actuellement les produits chinois, de plus en plus souvent fabriqués à l’intérieur du pays, doivent déjà rejoindre par le train les grands ports de la côte Est puis, par bateau, traverser la mer de Chine, le détroit de Malacca, la mer Rouge, le canal de Suez, la mer Méditerranée, le détroit de Gibraltar pour rejoindre les grands ports du Nord de l’Europe (Le Havre, Rotterdam, Hambourg). Ce voyage dure presque 2 mois.

Certains produits rejoignent actuellement l’Europe par le rail en passant par le Kirghizistan, le Kazakhstan, la Russie... Chaque trajet durant plus de 15 jours nécessite trois transbordements car l’écartement des rails change selon les pays traversés et coûte beaucoup plus cher que les trajets en bateau ; donc, est prévue :

 

La construction d’une voie rapide,

 

voie ferroviaire doublée d’une autoroute, les deux, à grande vitesse, sur 11 000 kms. La partie kirghize est déjà construite « à la chinoise » ; le Kirghizistan étant en grande partie un désert extrêmement venté, les Chinois ont donc construit le long de cette voie de nombreux parcs éoliens, par exemple celui de Dabancheng : 84 kms de long, 30 de large. Ils sont couverts d’éoliennes, au début, elles ont été achetées à une entreprise allemande que la Chine a finalement réussi à racheter. Elle est maintenant

 

le numéro 1 mondial pour la construction d’éoliennes.

 

Cette ouverture de la Chine vers l’Europe par cette voie terrestre n’est pas encore rentable financièrement mais elle pourrait le devenir rapidement si, par exemple, les tensions militaires en mer de Chine perturbaient le trafic maritime. Une telle éventualité est possible si Pékin concrétisait par exemple ses menaces militaires à l’encontre de Taïwan.

 

Tous ces grands travaux permettront à la Chine d’utiliser au mieux les trois surplus fondamentaux du pays :

-        surplus de devises dues aux excédents commerciaux qui serviront à financer les projets

-        surplus de productions chinoises (ciments, aciers qui seront consommés dans ces travaux)

-        surplus de main d’œuvre qui sera utilisée pour la réalisation de ces travaux

 

Les milliards investis dans ces Nouvelles Routes de la Soie profitent, en grande partie, aux entreprises d’Etat chinoises. Loin de suivre les règles du commerce international, les appels d’offres sont souvent biaisés, voire inexistants.

Ces cadeaux faits aux pays souvent « en voie de développement » peuvent, dans un premier temps, paraître attractifs, les gens de Bogota peuvent prendre le métro. Mais c’est avant tout le moyen pour la Chine de se placer dans ces pays et d’y importer le modèle sociétal et idéologique chinois avec tout ce que cela implique, et là certains risquent de déchanter.

 

En Chine, pas de syndicats libres, seulement des syndicats d’entreprises à la botte du Parti Communiste. Pas de droit de grève (retiré de la Constitution en 1982). Ceux qui osent braver le pouvoir chinois le paient très cher : arrêtés, emprisonnés, licenciés, massacrés comme à Tienanmen, et récemment à Hong Kong. 

 

La loi prévoit 50 heures de travail par semaine mais quasiment tous les ouvriers travaillent selon la formule du 996, c’est-à-dire de 9 h du matin à 9 h du soir, 6 jours par semaine. Les ouvriers sont fortement incités à accepter ces heures supplémentaires (cf paragraphe suivant)

Jack Ma ex-patron d’Ali Baba, l’Amazone chinois, considérait que c’est « une bénédiction pour ces salariés de travailler 72 h par semaine ». 

 

En Chine, les gens sont notés par le Comité de quartier, selon leur « civisme » et leurs comportements. Les « bons » citoyens peuvent voyager à l’intérieur de la Chine, les « très bons » ont le droit de voyager à l’international (13% de la population), les « mauvais » citoyens ont le droit de ... rester chez eux ! Ce sont ces mêmes Comités de quartier qui, à Wuhan ont contrôlé pendant 72 jours la population qui n’avait pas le droit de mettre un pied en dehors de leur appartement.

 

En Chine, plus de 600 millions de caméras à reconnaissance faciale sont installées (même le masque n’empêche pas l’identification de la personne). Les nouveaux appartements sont équipés de nouvelles serrures électroniques qui transmettent directement à la police les heures de départ et d’arrivée des occupants...

 

En Chine, il était interdit à partir de 1980 d’avoir plus d’un enfant. Un demi-million de fonctionnaires étaient chargés de surveiller l’application de cette loi. Si la naissance d’un second enfant était constatée, les parents payaient une forte amende... En 2013, les couples dont l’un des conjoints est lui-même un enfant unique sont autorisés à avoir 2 enfants. En 2015, l’autorisation est étendue à tous les couples mariés.

 

En Chine mieux vaut ne pas faire d’humour avec les hauts responsables politiques. Ren Zhiqiang, un magnat de l’immobilier qui avait vertement critiqué le manque de liberté de la Presse, et la manière dont Xi Jinping avait  géré la crise Covid 19 en déclarant « c’est un clown » a été exclu du Parti Communiste pour sérieuse violation de la discipline et de la loi, et « accessoirement » condamné le 22 septembre à 18 ans de prison.

 

En Chine, les minorités sont « normalisées » manu militari. Les Tibétains en ont fait l’expérience. Actuellement, ce sont les Ouïgours qui « profitent » de ce traitement de choc. La nouvelle voie ferrée, qui rejoindra l’Europe traverse le territoire de cette minorité turcophone et musulmane (12 millions de personnes), prévue pour leur apporter « le bonheur », cette voie ferrée a surtout servi à acheminer les troupes chinoises pour les mettre au pas. Actuellement environ 1 million d’Ouïgours sont parqués dans des Centres de Détention  et environ 2 millions sont en Centre de Rééducation appelés officiellement « Centre de formation professionnelle ». Sous couvert de la lutte anti-terrorisme, cette mise au pas a commencé en 2016. 

 

Certains bénéficiaires des cadeaux des Nouvelles Routes de la Soie commencent d’ailleurs à regretter de les avoir acceptés, par exemple le Sri Lanka, où la Chine a construit le port en eau profonde de Hambantota. Elle a financé 85% des 360 millions d’investissement, mais le Sri Lanka, ne pouvant pas rembourser les 15% restants, s’est vu obligé de lui céder le port pour 99 ans.

 

Derrière toutes ces infrastructures « offertes aux pays en voie de développement », se dissimule l’idéologie chinoise du modèle de Xi Jinping qui veut redonner à la Chine la place de leader mondial qu’elle a eue pendant des siècles : l’efficacité économique avant tout, au mépris du respect des Droits de l’Homme, de la Femme et de l’Enfant.

 

Jean-Louis Lamboley

 

 

Des guerres aux soulèvements populaires

Editorial de PES n° 67

 

Pour l’essentiel, le pouvoir et les médias dominants restreignent l’information à la réalité angoissante du Covid et du crime d’un illuminé d’Allah. Rien, ou si peu, ne se passe en dehors de nos frontières ? « En guerre », nous sommes. Les conseils de défense tournent au burlesque et le petit Prince, général, s’apparente à Tartarin de Paris, chassant les fauves : offensive contre le Covid qui circule si peu le jour, au travail et dans les transports. Son lieutenant concentre ses tirs sur la viande hallal. Tout doit être fait pour masquer les faiblesses du front sanitaire dégarni, et surtout, les secousses sismiques qui ébranlent nombre de pays.

 

Il y a la persistance des guerres (Syrie, Libye, Afghanistan), leur extension géographique (Haut Karabakh), la montée des tensions (Chine, Etats-Unis, Inde…) qui provoquent des migrations de populations, mais surtout, des révoltes populaires perturbant l’ordre capitaliste. C’est la multiplication de ces soulèvements que l’on voudrait évoquer ci-après afin de dégager, au-delà de leurs spécificités,  leurs caractéristiques communes.

 

Dans les pays du Sud, comme à l’Est, le vent de la contestation souffle par bourrasques.

 

Au Nigéria, pays le plus riche d’Afrique (200 millions d’habitants) où les inégalités sont abyssales, la jeunesse urbaine affronte les violences policières. A Lagos (20 millions d’habitants) et dans les grandes villes, les manifestants persistent à demander la démission du président Buhari, la suppression de la brigade spéciale pratiquant tortures et exécutions sommaires, malgré les tirs à balles réelles (plus de 13 morts et des dizaines de blessés). La pègre soudoyée est utilisée pour semer le trouble. Les jeunes (60 % de la population a moins de 24 ans) exigent le changement, la fin du grand banditisme dans le delta du Niger, l’aide aux populations rurales, gangrenées par Boko Haram, et la distribution de la rente pétrolière.

Après le Mali, la Guinée Conakry s’insurge contre les élections truquées et la modification arbitraire de la Constitution permettant au despote Alpha Condé de se maintenir au pouvoir tout en continuant à manipuler les divisons ethniques entre Peuls et Malinkés. Depuis octobre 2019, 104 personnes ont été tuées. Malgré la répression, ils sont des milliers de la société civile, des syndicats et partis d’opposition à continuent de se mobiliser.

De fait, toute l’Afrique, notamment de l’ouest, est grosse de révoltes à venir. Au Burkina Faso, au Togo, au Bénin, en passant par la Côte d’Ivoire… néocolonialisme, corruption, élections truquées et misère rurale sont les ferments de destabilisation des satrapes.

 

En Asie du Sud, on assiste à des phénomènes similaires.

En Thaïlande, l’oligarchie militaro-monarchique est sur la sellette. A Bangkok et dans d’autres villes, la jeunesse étudiante et lycéenne occupe la rue, exige la démission du 1er ministre, remet en cause le roi, son immense fortune (30 milliards $), brocarde son caractère divin, se moque du crime de lèse-majesté (12/15 ans de prison !). Le pouvoir réprime mais hésite à étouffer dans le sang cette contestation qui gagne en popularité dans le pays. La sacralité du roi, la constitution liberticide de 1972, le poids des généraux dans l’appareil d’Etat, semblent obsolètes… d’autant que l’industrie touristique s’est effondrée, accroissant le nombre de chômeurs (14 millions avant la pandémie).

La situation en Indonésie est encore plus emblématique de notre époque. Dans le plus grand pays musulman du monde (260 millions d’habitants) dans lequel s’est imposé un régime parlementariste, les régressions néolibérales ne passent pas. Le président Widodo, réélu en 2010, lié aux puissants milieux d’affaires, prétend mettre en œuvre des lois, susceptibles de faire écho dans la France macronienne. Raison du black-out médiatique ? 7 millions de chômeurs, une gestion catastrophique de la pandémie et dans ce contexte, la volonté du gouvernement de supprimer le Smic, de réduire les droits des travailleurs, les indemnités de licenciements, de légitimer la déforestation intensive et, dans le même temps, de réduire les impôts des sociétés capitalistes, de supprimer les prérogatives de l’agence de lutte contre la corruption. Le 8 octobre, des milliers d’ouvriers, employés, syndicalistes, rejoints par des écologistes, défenseurs des droits de l’homme, ont envahi les rues de la capitale et des grandes villes. Ils sont soutenus par les associations musulmanes ( !) qui dénoncent les projets de loi favorisant les capitalistes.

 

A l’Est, dans l’ex-empire dit soviétique, le vent de la contestation souffle par rafales.

En Biélorussie, les élections truquées du 9 août ont soulevé les populations. Les ouvriers ont rejoint la classe moyenne, les femmes se sont mises au premier rang des manifestants pour contenir la répression policière, les tortures pratiquées dans les prisons. 50 jours de mobilisation, 10 500 arrestations, pour exiger la démission du dictateur Loukachenko, de nouvelles élections, la libération des prisonniers politiques. Ce président d’un autre temps se réfugie dans l’ombre de Poutine, ses opposants, instruits par l’expérience ukrainienne, affirment que leur pays doit rester indépendant de l’Est et de l’Ouest…

Au Kirghizistan, en Asie centrale, la fraude aux législatives a provoqué des émeutes depuis le 4 octobre, sur fond de tensions ethniques, de corruption des élites. Dans ce pays riche de mines d’or, de charbon, la pauvreté est devenue insupportable.

En Bulgarie, ce pays de l’UE, des milliers de jeunes étudiants manifestent tous les soirs depuis 3 mois. Ils réclament la démission du 1er ministre Borissov et du procureur général Guechev. Ils dénoncent la corruption maffieuse, le détournement de fonds, les arrestations arbitraires… La commission européenne s’abstient de tout commentaire ou critique, tout comme vis-à-vis de la Pologne : le Tribunal constitutionnel, aux ordres du pouvoir, interdit l’avortement. Des milliers de « femmes en noir » ont protesté devant le domicile du 1er ministre Kaczynski. Sa réponse : gaz lacrymogènes.

 

A l’autre extrémité de la planète, au Chili, la mobilisation a repris malgré la pandémie, afin d’obtenir la suppression de la constitution Pinochet. Le 18 octobre, sur la place de la Dignité ( !), des dizaines de milliers de manifestants ont affronté les violences policières… la droite affairiste vient de concéder l’organisation d’un référendum de révision de la constitution de sinistre mémoire néolibérale.

 

Après l’échec des printemps arabes, les peuples semblent, dans le contexte de crise économique et sanitaire, se remettre en mouvement. S’ils dénoncent tous les inégalités, la corruption, le despotisme, les trucages électoraux, ils ne sont pas à l’abri de détournements de leurs aspirations, de l’instrumentalisation de leurs frustrations, faute de projets et d’organisations autonomes. Il n’empêche, dans l’action, les peuples apprennent de leurs propres insuffisances…

 

GD, le 28.10.2020