Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 29 janvier 2021

 

Liberté pour Julian Assange

Chronique intempestive

 

Son nom s’écrie « Liberté ! », c’est un cri pour lui et pour notre liberté de savoir. Il a œuvré, au temps des illusions de l’internet libre, avant que cet instrument ne soit phagocyté par les GAFA. Emprisonné illégalement depuis des lustres, son cas est traité par les médias dominants, dans un silence assourdissant. Comme aux temps reculés de la féodalité, les Etats-Unis veulent le jeter dans un cul de basse fosse, aux oubliettes, pour ne plus entendre les révélations dont il nous a nourris pour résister aux guerres illégales. Comme lors de l’avènement de la Commune de Paris, il est à l’image de Blanqui, « l’enfermé », traité pire qu’un criminel. Encore faut-il rappeler que les nazis ont eu droit à un procès à Nuremberg, procès public avec droit à la défense, comme Eichmann. Si Julian Assange est enfermé à vie, c’est une nouvelle affaire Dreyfus, propre à notre époque liberticide qui s’annonce.

 

Mais, qui est donc Julian Assange ?

 

C’est d’abord un génie informatique, un pacifiste qui entend dénoncer les mensonges d’Etat, comme les armes de destruction massive qu’aurait possédées Saddam Hussein, ou l’opération Fer à Cheval permettant la guerre menée par l’OTAN en Yougoslavie. Mais ses révélations vont bien au-delà, elles concernent la corruption, dans laquelle nagent les gouvernements, les marchands d’armes, ainsi que les pratiques d’assassinats ciblés, y compris de journalistes.

 

Cet Australien crée le système Wikileaks, fonde une société en Islande, sur le conseil d’Eva Joly. Wikileaks est un système informatique crypté garantissant l’anonymat aux lanceurs d’alerte. Les documents produits sont vérifiés par un réseau d’une centaine de journalistes qui en examinent le contenu et expurgent tout ce qui concerne la vie intime. Julian Assange crée, par ailleurs, un partenariat avec la presse, les documents fournis sont gratuits. Dix ans plus tard, lorsqu’il sera emprisonné, les milliardaires possédant ces journaux imposent la censure à leurs rédacteurs. Julian Assange n’est plus une « bonne affaire » qui fait vendre.

 

Les motivations de Julian Assange sont claires : contre la désinformation, la manipulation, la surveillance globale, il met en lumière le fonctionnement réel des gouvernements : face au « secret-défense », pour lui, « la vérité est sacrée ». Elle est susceptible, pour lui, d’empêcher les guerres.

 

Les révélations de Julian Assange et les ripostes du gouvernement US

 

Parmi les nombreux documents fournis, les guerres illégales en Afghanistan et en Irak, sans autorisation de l’ONU, sont révélées, tout comme la collusion de Tony Blair avec le grand-frère américain. Bilan : 1,5 million de victimes afghanes et autant en Irak. A quoi il faut ajouter les assassinats ciblés de civils et de journalistes, qu’Obama et les agents israéliens ont perpétrés. Ces crimes de guerre, voire ces crimes contre l’Humanité, pointent du doigt les humiliations, les  tortures, les prisons secrètes, en dehors de Guantanamo. Ce qui va provoquer l’ire du gouvernement américain, ce sont les documents prouvant les manigances menées par Hilary Clinton pour évincer Bernie Sanders, avec l’appui de l’appareil démocrate, lors de la présidentielle l’opposant à Trump. Les accusations portées contre Julian Assange, affirmant qu’il agissait comme un agent russe, ne pourront étouffer les déclarations publiées d’Hilary Clinton, voulant porter la guerre contre l’Iran, tout en reconnaissant que l’Arabie Saoudite et le Qatar financent les terroristes en Syrie. 

 

Face à ces millions de documents publiés, on oppose souvent le cas de Bradley/Chelsea Manning qui n’aurait pas été protégé par le système Wikileaks. C’est faux. En fait, ce soldat US, avant de confier ses documents à Wikileaks, les a transmis au New York Times et au Washington Post, qui ont refusé de les publier, puis s’est confié à un hacker qui n’était autre qu’un agent de la CIA. Résultat : il a été condamné et emprisonné.

 

La riposte américaine s’est faite en deux temps : d’abord, par la nomination de 12 agents US, spécialistes en informatique, chargés de détruire le système Wikileaks. Ce fut un échec technique : inviolable ou trop long à décoder. Le second scénario s’est révélé à la fois plus cynique et plus rocambolesque. Il s’agissait, non plus de s’en prendre au système mais à son créateur, afin de casser sa notoriété et, par voie de conséquence, de décourager et intimider les lanceurs d’alerte, permettant ainsi de tarir les sources. Il s’agissait d’obtenir son extradition afin de pouvoir l’incarcérer ad vitam aeternam aux USA. L’opportunité saisie consistait en une fausse affaire de viol : un procureur suédois s’est servi des confidences de deux femmes qui s’inquiétaient de la possibilité d’avoir contracté le Sida, suite à des rapports consentis avec Julian Assange, Précisons que la législation suédoise considère que les rapports consentis non protégés sont un « viol mineur ». En fait, les deux femmes n’ont jamais porté plainte et ont refusé de signer un PV préparé. Malgré cela, un mandat d’arrêt fut délivré par le procureur. Julian Assange, sentant le piège d’une extradition, alors même qu’il était en Grande-Bretagne, refusa de se déplacer en Suède. Le procureur avait tout loisir de se déplacer à Londres pour entendre le témoignage de Julian Assange. La collusion avec la justice anglaise fut ensuite manifeste : il fut placé en liberté surveillée, assigné à résidence, toute liberté de mouvement lui fut interdite. Dans le même temps, une campagne de presse occidentale fut orchestrée, ce journaliste renommé, ce « génie » informatique fut réduit à l’état de « sale type », de « pédophile », le Guardian le traitera même « d’étron ».      

 

De l’asile politique accordé puis bafoué

 

L’étau se resserrait. Julian Assange se réfugia donc à l’ambassade d’Equateur, l’asile politique lui fut accordé par le président Correa. Invoquant sa maladie et donc, la possibilité de recourir à un couloir humanitaire, comme en avait bénéficié Pinochet, en son temps ( !),il essuya un refus catégorique. En avril 2017, eut lieu en Equateur un changement de gouvernement pro-américain. Le nouveau personnel au sein de l’ambassade eut pour consigne de lui pourrir la vie ; Un système de caméras-vidéos enregistrant ses faits et gestes 24H/24, y compris lors des visites de ses avocats, fut installé par une société fantôme, derrière laquelle se cachait la CIA ; des journalistes révélèrent que son siège à Quito était vide.

Quelque temps plus tard, il fut extirpé manu militari de l’ambassade pour être enfermé dans une prison de Haute Sécurité britannique, appelée le « petit Guantanamo », réservée aux assassins en série. Ses affaires furent confisquées et pendant 8 mois, il n’eut aucun contact avec ses avocats.

L’accusation était ténue : en se réfugiant à l’ambassade équatorienne, il s’était soustrait à la justice britannique.         

 

 Arsenal juridique US et soutiens à Julian Assange

 

C’est Obama qui mobilisa de nombreux juristes pour dissocier la liberté de la presse, dont avait usé nombre de journaux, dont le New York Times, d’avec la mise en cause de Julian Assange. Il n’était qu’un pirate, un hacker, un espion, un violeur. La campagne de presse contre ce « personnage » fut orchestrée par les médias, aux mains de la finance.  Ces éléments de langage diffusés pendant 10 ans jetaient la suspicion, oblitérant le droit de savoir invoqué par Julian Assange. Les juristes patentés expurgèrent une vieille loi jamais utilisée, l’Espionnage Act de 1917 qui visait les objecteurs de conscience refusant l’incorporation dans les armées. Cette loi liberticide restreint les droits de la défense et pour éviter toute démoralisation de l’armée, elle interdit aux prévenus de présenter leurs motivations.

Mais l’arme ultime reste la loi d’extraterritorialité de la justice américaine, acceptée par de nombreux gouvernements, notamment occidentaux. Selon cette loi « totalitaire », Julian Assange risque 175 ans de prison en Quartier de Haute Sécurité, assortis de mesures spéciales : pas d’accès aux médias et un seul coup de fil par mois de 15 minutes adressé à une liste restreinte de personnes, dont la famille. Il serait jugé par une cour spéciale composée uniquement de militaires et d’agents de la CIA, sans possibilité d’appel.

 

A ce stade, on peut noter les incroyables pressions exercées sur les gouvernements européens, leur subordination fut éloquente face à une équipe de 120 agents parcourant les pays européens. Mike Pompeo, le faucon belliciste de Trump, se déplaça d’ailleurs personnellement en Suisse, menaçant : « Ne vous avisez pas de donner l’asile politique à Julian Assange ». Auparavant, les mêmes pressions avaient été exercées sur la Suède, pour renouveler les enquêtes préliminaires sur les supposés viols, alors que le dossier était vide, avant, qu’enfin, l’affaire ne soit classée sans suite.

 

Julian Assange n’est pas seul. Il a le soutien des fédérations de syndicats de journalistes, y compris anglais, d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de Reporters sans frontières. De nombreuses pétitions appelant à sa libération ont été signées par des milliers d’avocats, de juristes, de journalistes, d’artistes, tels que Ken Loach, Oliver Stone, John Pilger… Ils dénoncent tous la torture psychologique infligée à Julian Assange et qualifient cette opération de crime contre l’Humanité. Mais ils furent tous marginalisés, voire censurés : ces voix, on ne voulait pas les entendre.   

 

Le procès

 

Pour la justice britannique, il s’agissait d’extrader « l’incriminé » et d’éviter le plus possible les manifestations de soutien. Ainsi, le procès fut déporté hors de Londres, dans un no man’s land difficile d’accès, truffé de check points. 50 ONG, dont Reporters sans Frontières et Amnesty International, furent interdites d’accès ; toutefois, une salle annexe fut installée, munie d’une vidéo qui s’avéra défectueuse (interruptions du son, puis de l’image…). C’est le 7 septembre 2020 que se tint ce procès politique bâillon, kafkaïen. Julian Assange fut présenté dans une cage de verre avec l’impossibilité de se concerter avec ses avocats.

Les accusations américaines transmises au procureur et aux avocats s’avérèrent changeantes jusqu’au dernier moment, pour déstabiliser la défense. Furent invoqués successivement le grand banditisme international puis l’espionnage, la trahison du secret-défense (alors même qu’aucun document n’avait été livré à une puissance étrangère mais au public…), mise en danger de vies humaines…   

Au cours de l’audience, 4 heures furent réservées à l’accusation, une seule heure pour la défense. Les avocats, scandalisés, eurent néanmoins une bonne surprise : le témoignage de Daniel Ellsberg, 80 ans, (ex-fonctionnaire US - 1er lanceur d’alerte, transmit au New York Times puis au Washington Post, en 1971, pour publication, les Pentagone Papers relatifs au processus de décision au cours de la guerre du Vietnam) déclara : « Ce que j’ai fait, c’est ce que Julian Assange a fait, moi avec du papier, lui avec la technologie ».

Malgré les précautions prises par le gouvernement britannique, l’affaire s’ébruita dans les médias. Magnanime !! Le tribunal refusa l’extradition pour des motifs humanitaires et remit l’intéressé dans sa prison de Haute Sécurité, où 70 % des détenus ont le Covid. Dernière nouvelle : la justice étatsunienne a décidé de faire appel.  Quant à la demande des avocats de sa mise en liberté, elle fut à nouveau refusée au motif que Julian Assange ne peut être libéré puisqu’il n’est pas condamné !   

 

Eléments de conclusion

 

Le seul « crime » de Julian Assange est d’avoir osé transgresser un tabou : révéler ce que les puissants trament dans l’ombre contre les peuples, les manigances des spéculateurs bénéficiant des paradis fiscaux, ce qui lui vaut plus de 10 ans sans voir le soleil. Il est à l’image du courageux Edward Snowden, réfugié en Russie, après avoir dénoncé la surveillance globale pratiquée par la NSA. On se souvient que, même le téléphone portable de Merkel était espionné, ce qui fit dire à Eva Joly « l’œil et l’oreille de la CIA sont partout ».

Une autre leçon peut être tirée de cette affaire : la complicité incroyable entre gouvernements, procureurs, presse. Tout doit être justifié jusqu’à l’injustifiable par des journalistes embarqués (guerre en Irak) ou par des journalistes prompteurs qui, pour se dédouaner, invoqueront leur neutralité, cette déontologie de bazar qui les rend complices.

A l’heure du déclin relatif de l’impérialisme US, les nouvelles technologies et l’extraterritorialité de la justice américaine, s’appuyant sur la suprématie du dollar, tentent d’asphyxier les gouvernements récalcitrants à l’aide de sanctions pharaoniques et d’embargos unilatéraux (Cuba, Venezuela, Iran…).

Comme le déclare Viktor Dedaj (avocat) : « la justice états-unienne est un instrument de pouvoir pas de justice, tout est affaire de négoce » et de chantages.

La restriction des libertés et du droit de savoir a bien des adeptes en France avec la loi « Sécurité globale ». Quant à la presse dominante, bien docile, elle se contente d’être un commentateur du prêt-à-penser.

 

Gérard Deneux, le 22 janvier 2021

 

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter les sources sur youtube : Le grand soir interview de Viktor Dedaj et le canard réfractaire

  

 

 

 

 

 

 

Grèce. Urgent

 

Yannis Youlountas nous alerte, à nouveau, sur la situation politique et sociale de la Grèce, qui ne peut nous laisser indifférents et nous interpelle sur les crises qui s’annoncent en France et ailleurs.

 

Extraits.

L’extrême-droite est loin d’avoir disparu en Grèce. Après l’emprisonnement des principaux dirigeants d’Aube Dorée, le 1er ministre Mitsotakis renforce sa présence dans son gouvernement ce qui conduit à un Etat encore plus brutal, autoritaire et raciste, notamment par

- la répression féroce contre les anarchistes et autres révolutionnaires, premières cibles

- l’évacuation violente du quartier libertaire d’Exarcheia et d’autres squats

- la suppression de l’asile universitaire et autres mesures symboliques prises à l’issue de la chute de la dictature des Colonels en 1974

- le harcèlement des initiatives solidaires autogérées

- la situation catastrophique dans les prisons

- l’interdiction aux ONG présentes dans les camps de réfugiés, à Lesbos notamment, de révéler ce qu’elles voient, la détresse des exilés, et le soutien renforcé par le 1er ministre aux gardiens des camps et aux garde-côtes en mer Egée.

- les agressions racistes contre les réfugiés

 

Ce n’est pas parce que les principaux dirigeants d’un parti fasciste ont fini par être mis en prison que le fascisme a pour autant disparu en Grèce. La Grèce passe au bleu marine.

- Makis Voridis - l’une des figures historiques du fascisme - devient ministre de l’intérieur. Militant pour le rétablissement de la dictature, surnommé « La hache » avec laquelle il agressait les étudiants gauchistes, il adhère en 2005 au LAOS, parti nationaliste grec, puis, en 2012, rejoint par opportunisme, l’aile droite de Nouvelle Démocratie. Il est le premier flic de Grèce.

- Sofia Voultepsi, députée notoirement anti-migrants, promue ministre adjointe à l’intégration des réfugiés. Pour elle, les migrants sont des « envahisseurs non armés » 

- Adonis Georgiadis - autre figure d’extrême-droite – ministre de la croissance et de l’investissement a co-écrit, en 2006, un pamphlet antisémite, faisant l’apologie d’Hitler. Il affirme que la gauche a « remis la Grèce entre les mains des musulmans et autres déchets comme ça ».

 

Le capitalisme ne nous protège pas du fascisme, il en est la forme ultime. Combattre la dérive autoritaire en Grèce sans remettre en question la société qui légitime les rapports de domination et tout le système qu’il engendre, c’est jeter des pierres dans l’eau. Le fascisme prend toujours de l’avance en temps de crise. Il est le joker du capitalisme.

 

La Grèce commence à vivre une nouvelle crise sociale et humanitaire peut-être encore plus grave que la précédente. La dette va atteindre 200 % du PIB. L’Etat double son budget militaire, achète des armes : 18 Rafales à Dassault, mais aussi frégates, hélicoptères, drones… A cause d’Erdogan ? En apparence oui, mais en réalité, ces armes vont également servir en politique intérieure, d’autant que les risques de troubles dans cette période de plus en plus sombre où la base sociale s’enfonce dans la misère, font craindre leur radicalisation, même si on semble aujourd’hui très loin d’un nouveau soulèvement en Grèce.

 

L’Etat prétend que l’économie est en bonne santé et qu’il est en train de rembourser sa dette au FMI (3.6 milliards) mais il n’a pas l’argent et il emprunte sur les marchés financiers. Par ailleurs, il fait des cadeaux aux patrons et actionnaires, en baissant les impôts qu’il compensera par une probable hausse de la TVA. Le très libéral ministre du travail, Hadjidakis veut en finir avec les ruines du droit du travail. Les étudiants les plus pauvres voient disparaître 20 000 places dans les universités en 2021 au bénéfice des écoles privées. Le budget à la santé va baisser de 17 % en 2021… La crise sanitaire est l’arbre qui cache la forêt de la crise sociale. En Grèce, 1/3 de la population vit sous le seuil de pauvreté (3.5 millions d’habitants) et la moitié des sans-abris d’Athènes survivent avec moins de 20€/mois.

 

Face à cette situation, « nous avons décidé de vous alerter, pour que celles et ceux qui peuvent contribuer, soutiennent le mouvement social qui a choisi l’autogestion et l’indépendance la plus totale dans ses actions de solidarité. Sans convoi humanitaire possible, sans film actuellement (à venir en septembre « Nous n’avons pas peur des ruines »), sans concerts de soutien il ne nous reste plus que cet appel crucial pour parvenir à réaliser les actions les plus nécessaires et urgentes en Grèce ».  Maud et Yannis.

 

Rappel des trois façons de participer (de préférence par virement ou Paypal, car ça va plus vite que par chèque) :

1 – pour effecteur un virement à ANEPOS

IBAN : FR462004 1010 1610 8545 7L03 730

BIC : PSSTFRPPTOU

Objet : « Action Solidarité Grèce » 

 

2- Pour participer via PAYPAL, suivre le lien :

https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=LMQPCV4FHXUGY&source=url

 

3 – pour envoyer un chèque à l’ordre de ANEPOS

Objet : « Action Solidarité Grèce »

à  ANEPOS – Action Solidarité Grèce -  6 allée Hernando 13500 Martigues

contact : solidarite@anepos.net   tél 06.24.06.67.98     

 

 

 

Rwanda.

Pays du miracle quoiqu’il en coûte… ?

 

Un petit pays de moins de 12 millions d’habitants, situé dans l‘Est de l’Afrique, dans la région des Grands Lacs, est considéré aujourd’hui comme la Suisse, ou le Singapour de ce continent. Sa capitale est un lieu très prisé des « décideurs », à la pointe de l’innovation, le nouveau « hub » des grands congrès internationaux. Ce pays, qui connaît une croissance moyenne depuis l’année 2000 de près de 8%, accueille (accueillait) nombreux touristes qui venaient contempler les paysages, et observer les animaux sauvages, ou se recueillir au Mémorial du Génocide.

Ce pays c’est le RWANDA, sa capitale KIGALI. C’est ce même pays qui a vécu, en 1994, une tragédie meurtrière. Entre avril et juillet, près d’un million de personnes y furent systématiquement, méthodiquement, massacrées en raison de leurs classes sociales (les Tutsis), en raison de leurs actes (les Hutus modérés qui ont tenté de leur venir en aide). Près d’un million de morts sur une population d’environ 8 millions !

Le Rwanda, pays aux mille collines, d’une superficie proche de celle de la Bretagne, est essentiellement agricole. Son sol volcanique, fertile et son climat chaud et humide ont toujours favorisé cette activité. On est dans une région verdoyante loin des déserts sahéliens. Son éloignement des côtes lui a permis d’échapper à l’esclavage et d’être colonisé assez tardivement.

 

Ce sont les Allemands qui arrivent en 1894. Ils y trouvent une population homogène, vivant plutôt bien des produits de l’agriculture. Tous parlent la même langue, tous ont les mêmes croyances. Ils font partie du même groupe ethnique. Des différenciations sociales existent cependant. Les Tutsis, éleveurs (minoritaires), sont plus riches, et dirigent le pays à travers une monarchie. Les Hutus, agriculteurs, ne participent pas au pouvoir. Il n’y a pas de réelle domination des Tutsis envers les Hutus.

 

Rapidement c’est la Belgique sous mandat de la SDN (Société des Nations) qui va coloniser le pays. Pour cela les Belges vont s’appuyer sur les Tutsis et renforcer leurs pouvoirs. Ils vont surtout créer artificiellement une différence ethnique là où il n’y avait qu’une différence sociale et ils vont faire figurer sur les papiers d’identité des rwandais les termes de Tutsi ou de Hutu. Cette différence qui n’était que sociale va se transformer au fil du temps en une haine entre les deux communautés, les colonisateurs réservant par exemple l’accès aux études ou aux postes administratifs aux Tutsis. Tutsi devient alors synonyme de noble,   Hutu de roturier.

 

Dans les années 50, les Tutsis étant devenus peut-être « un peu trop » instruits, « un peu trop » émancipés commencent à parler d’indépendance. Les Belges vont alors renverser leur alliance et soutenir les Hutus, plus faciles à contrôler. En 1959 une guerre civile éclate et entraîne le départ en exil de 300 000 Tutsis. En novembre de cette même année, la majorité Hutu prend le pouvoir avec le soutien de la Belgique et de l’église catholique.

 

Le 1er juillet 1962 le pays est indépendant avec, à sa tête, un gouvernement hutu. Le 1er août les troupes belges quittent le pays. Dès lors, les Tutsis vont être systématiquement discriminés avec des pics de violences sporadiques. Par exemple en décembre 1962, des affrontements entraînent la mort de 10 000 à 20 000 Tutsis.

En 1972, les élèves et les professeurs tutsis sont expulsés des écoles ce qui entraîne une vague d’exode notamment en Ouganda où les exilés tutsis vivent avec l’espoir d’un retour et d’une revanche.

 

En 1973, Juvenal Habyarimana (hutu) prend le pouvoir. La France signe avec lui un accord militaire. En 1978, il instaure un régime de parti unique qui comptera plusieurs millions d’adhérents puisque tous les Rwandais en étaient membres d’office... ! La situation des Tutsis est bien résumée par le journaliste Gérard Prunier : « Les Tutsis n’avaient pas la vie facile car ils étaient victimes de discriminations institutionnelles. Dans la vie quotidienne la situation restait tolérable, il y avait un accord tacite : ne vous mêlez pas de politique c’est la prérogative des Hutus. Tant qu’ils respectaient ce principe on les laissait en paix. »

 

Dans les années 80 les Tutsis vont se mêler de politique. Intérieurement, en réclamant un meilleur partage du pouvoir, extérieurement, en créant le Front Patriotique Rwandais (FPR), en Ouganda sous la houlette Paul Kagamé. En 1990, le FPR multiplie les incursions militaires aux frontières du pays. Celles-ci sont bloquées par l’armée française dans le cadre de l’opération Noroît. Tout est en place pour arriver à une guerre civile ou des massacres de populations : le pouvoir Hutu, toujours soutenu par la France, de plus en plus répressif et autoritaire d’une part et d’autre part une armée extérieure Tutsi de plus en plus organisée, active et « revancharde ».

 

Il suffit d’une étincelle. Ce sera le 6 avril 1994 quand l’avion du Président J. Habyarimana est abattu par un tir de roquettes entrainant sa mort. On ne sait toujours pas qui a tiré. Mais les Hutus extrémistes ont tout naturellement désigné les Tutsis comme responsables. Ils vont se venger en massacrant les Tutsis et également les Hutus modérés qui tentaient de les protéger. L’armée française et les casques bleus présents ne s’interposeront pas. L’ONU retire ses troupes. La France évacue ses ressortissants puis observe, alors que le pays est le théâtre de massacres généralisés. Presqu’1 million de personnes vont être tuées sous les yeux des soldats français. Ces massacres étaient orchestrés, encouragés, organisés par le gouvernement rwandais avec le soutien de l’Eglise catholique. Le 23 juin, la France mandatée par l’ONU lance l’opération Turquoise. Celle-ci consiste à créer une zone humanitaire dans le sud-ouest du pays, censée protéger les rescapés Tutsis mais va également, et surtout, permettre aux génocidaires Hutus de fuir le pays face à l’avancée du FPR. Celui-ci prend le pouvoir à Kigali le 4 juillet. 2 millions de réfugiés fuient au Zaïre, l’actuelle République Démocratique du Congo. Le Rwanda est dévasté, presque 1 million de morts, 2 millions d’exilés sur une population de moins de 8 millions d’habitants. La reconnaissance par l’ONU du crime de génocide donnera lieu en novembre 1994 à la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda qui siègera en Tanzanie. Pierre Hazan, spécialiste de la justice internationale et de l’action humanitaire, résume l’action du TPIR en ces termes : « c’est le plus grand fiasco de la justice internationale ». Les accusés sont beaucoup mieux traités que les victimes, il y aura très peu de condamnations, et la France semble bien être devenue un havre de paix pour nombre de génocidaires. Au Rwanda, dans chaque famille, dans chaque village vont devoir cohabiter des assassins et des parents de victimes.

 

Tout laissait à penser que ces derniers allaient se venger et enclencher un nouveau cycle de violences. Pourtant cela ne s’est pas produit. Les femmes rwandaises ont pris une grande part dans cette réconciliation nationale et dans la reconstruction du pays, les morts du génocide étant majoritairement des hommes. Et puis, après avoir atteint un tel niveau d’horreurs, le besoin de revivre pacifiquement a certainement pris le pas sur le désir de vengeance. Paul Kagamé, l’homme fort du nouveau régime a pris sa part dans cette pacification puisqu’il supprimera les termes de Tutsi et Hutu sur les cartes d’identité. Il tournera le dos à la France, accusant celle-ci d’avoir été complice du génocide et rendra l’anglais, langue officielle du pays.

 

Le Rwanda connait à partir de cette époque une modernisation spectaculaire. Quelques chiffres : depuis 2000 quasiment 8% de croissance annuelle, 96 % de la population ont accès à la 4G, la capitale est entièrement reliée à la fibre optique… Le 27 février 2019, le Rwanda lance un satellite depuis la base de Kourou en Guyane française pour connecter les écoles rurales à internet, 92% de la population disposent d’une « couverture maladie publique ». A Kigali, on paie les transports en commun avec son téléphone portable, le pays dispose d’un réel réseau routier en bon état. Concernant la santé, les infrastructures, l’organisation dans les zones urbaines est proche des standards européens. C’est le seul pays au monde où les femmes sont majoritaires au Parlement : 64 %. Certes celui-ci n’a pas un rôle principal dans le fonctionnement du pays, c’est Paul Kagamé qui le dirige, mais on n’a guère de leçons à donner en matière de démocratie parlementaire !

Pour une fois que des bonnes nouvelles viennent d’Afrique, on ne va pas bouder notre plaisir… !

 

Pourtant le tableau n’est pas aussi parfait qu’il n’y paraît. La modernisation et l’amélioration des conditions de vie des habitants ne touchent pas toutes les couches de la population, la communauté paysanne Hutu par exemple est en dehors des effets du progrès. Kigali est un exemple frappant. C’est une ville moderne, propre, sûre, où les bidonvilles ont été rasés, mais les gens pauvres qui y vivaient, ont été « priés » de disparaître du paysage. Ils ont été remplacés par une classe sociale plus élevée. Un samedi par mois, les habitants de Kigali doivent nettoyer la ville. C’est un travail bénévole et obligatoire.

 

Mais surtout, cette évolution ne repose pas sur une base démocratique. Le pouvoir est entre les mains d’un homme et d’un clan et pour arriver à leurs objectifs : pas de discussion, pas de concertation, pas d’explication, Paul Kagamé décide et les Rwandais sont priés d’exécuter ! Ce dernier par un référendum de 2015 s’est autorisé à exercer le pouvoir jusqu’à 2034. Amnesty International note que « les médias sont fortement réprimés, les journalistes emprisonnés, harcelés, parfois assassinés, ou contraints à l’exil ». En 201O, les deux journaux indépendants du pays ont été suspendus de parution pour critique du régime. Le rédacteur en chef de l’un des deux a été retrouvé… tué par balles. Amnesty décrie également « un manque évident d’opposition politique, des dérives répressives du pouvoir, par exemple l’assassinat de l’opposant Jean Damascene Habarugira le 11 mai 2017. Depuis que le FPR est au pouvoir, il est difficile aux Rwandais de participer à la vie publique et de critiquer les politiques gouvernementales, certains le paient de leur vie... »

 

A écouter les autorités rwandaises ce pays est devenu un paradis sur terre. Certes, par rapport à la situation de 1994, il n’y a aucune comparaison. Beaucoup de Maliens, de Guinéens ou de Soudanais aimeraient y vivre. Mais reposant seulement sur un homme et son clan, sur une répression féroce de toutes oppositions, et pas sur une organisation démocratique du pays, c’est une situation extrêmement précaire et instable.

Ces « bonnes » nouvelles dissimulent une réalité bien plus sombre. Seule une véritable participation de l’ensemble du peuple rwandais dans un cadre réellement démocratique pourra assurer à ce pays et à sa population un avenir meilleur.

Et au Rwanda aujourd’hui, on en est encore très très loin… !

 

Jean-Louis Lamboley

le 24.01.2021

 

Encart

La France complice du génocide

« Dans ces pays-là, un génocide ce n’est pas très important ». Cette phrase du président Mitterrand, en 1994, résume le mépris et le cynisme de la politique française en Afrique. En cessant de soutenir son allié rwandais, la France risquait de perdre pied dans ce pays aux portes du Zaïre (devenu RDC) et de ses richesses minières. Elle  apporta donc son soutien au pouvoir rwandais. Les intérêts géopolitiques de la France et sa fidélité à ses alliés, fussent-ils des régimes autoritaires et criminels, furent les priorités de l’engagement français. Elles le sont toujours dans d’autres pays africains que la France considère comme son pré-carré, la Françafrique, dénoncée par l’association Survie depuis plus de 30 ans.

Agone éditions et Survie viennent de publier : « l’Etat français et le génocide des Tutsis au Rwanda », de Raphaël Doridant et François Graner. Ils affirment : « La complicité d’un petit groupe de décideurs français (Mitterrand et quelques militaires proches), qui ont soutenu des génocidaires en connaissance de cause, nous paraît avérée ».

Survie, la FIDH, la LDH sont partie civile dans 4 actions concernant le génocide, ont déposé des plaintes mais le secret-défense est bien gardé… Macron, qui avait promis (tout comme Hollande qui ne l’a pas fait) l’ouverture des archives, vient, en partie, de faire marche arrière. http://survie.org