Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 6 décembre 2020

 

Fraternité et liberté l’emportent !

 

Le verdict pour Pierre-Alain Mannoni est tombé le 28 octobre : RELAXE ! « La justice a rejoint les valeurs essentielles que nous défendons, même s’il a fallu tant de temps et tant d’énergie (4 ans de procédure)  pour en arriver là, à savoir qu’en France, on a le droit et même le devoir d’aider des personnes en détresse ». La fraternité n’est pas un délit ! (cf Ils, elles luttent n° 66) www.delinquantssolidaires.org/

 

RELAXE pour les 5 militants « décrocheurs » de portraits de Macron, par le tribunal correctionnel d’Auch, considérant que « l’exercice de la liberté d’expression neutralise l’infraction de vol ». Lors d’une opération commando pacifique du groupe Action non violente-Cop 21, ils avaient décroché le portrait du président de la République dans 3 mairies du Gers à l’été 2019.  Accusés de vol en réunion.  « Des juges démocratiques qui ne se laissent pas intimider par la répression étatique au service de l’ordre établi par les dominants, il y en a encore… mais le Parquet, revanchard annonce qu’il va faire appel ». Alain Mouetaux – ATTAC Réunion 

 

Un enfant qui se tient sage…

 

La supériorité de l’adulte sur l’enfant est rarement remise en cause. De l’avis général, les mômes seraient naturellement inférieurs. De toutes les formes de domination, celle que les adultes exercent sur les minots est sans doute la plus répandue, la plus visible et, paradoxalement, la moins questionnée. Pourquoi des voix dissonantes militent pour  l’abrogation du statut de mineur ? Comment les « valeurs » capitalistes – concurrence, compétition- et ses méthodes punitives s’appliquent à eux ? N’y-a-t-il pas d’alternatives ? Quid des « tenues républicaines »

 

C’est pour ton bien…

 

Dans l’immense majorité des familles, tous milieux sociaux confondus, il est communément admis de contraindre les enfants et de décider à leur place : après tout, c’est pour leur bien… Car un gamin, on est quasiment tous d’accord là-dessus, ça ne se rend pas compte, c’est fragile, ça ne sait pas faire. Autant de justifications qu’Yves Bonnardel, auteur du livre La Domination adulte : l’oppression des mineurs refuse en bloc. Pour lui, cette domination est à envisager au même titre que les autres : systémique et politique.

 

« Quel type de régime se caractériserait par l’imposition des horaires pour manger, dormir, travailler, par le contrôle de ses fréquentations et de son emploi du temps, par l’impossibilité de saisir la justice, par l’obligation de demander l’autorisation pour tout et n’importe quoi ? Un régime dictatorial ? Un régime esclavagiste ? Un régime totalitaire ? Certes, mais c’est aussi le régime de l’enfance ». Voici comment la sociologue Charlotte Debest résume le propos de M. Bonnardel.

 

Ce livre aborde l’abrogation du statut de mineur, thème réfléchi depuis longtemps. John Holt, éducateur et écrivain, avançait déjà il y a plusieurs décennies que, sous prétexte de protéger l’enfant, le statut de mineur le prive en fait de la plupart des droits fondamentaux qui nous permettent de nous soustraire à l’arbitraire et à la violence des autres. Et c’est parfois de leur famille qu’ils devraient pouvoir se protéger : 1 enfant meurt tous les 4 jours sous les coups de ses parents (1). En 2018, 85% des parents disaient user de violence sur leurs enfants. Jusqu’en 2019 et la loi contre les violences éducatives ordinaires, les enfants étaient d’ailleurs la seule catégorie de la population envers laquelle il était légalement permis de faire preuve de violence. La pédocriminalité a mis longtemps à être reconnue comme un problème de société majeur. Sur les 300 000 victimes de viols estimées chaque année, 60% sont des enfants (et seul 0,3% des violeurs sont condamnés).

 

Sous l’Ancien Régime, l’enfant était la propriété du père. Aujourd’hui on se garde bien de parler de propriété, on parle d’autorité sur l’enfant dans son « intérêt supérieur ». Mais dans les faits, les parents gardent le pouvoir sur lui et continuent de le considérer comme « à eux ». Il y a d’ailleurs une idée fondamentalement ancrée selon laquelle les parents peuvent faire ce qu’ils veulent de leurs enfants : les éduquer comme ils l’entendent, leur faire croire à la religion qu’ils choisissent ou modeler leur corps sans leur consentement.

 

La société, l’Etat et les institutions continuent de s’approprier l’enfant. Notamment à travers l’école, où le jeune œuvre surtout à la reproduction sociale : il s’agit pour l’enfant d’apprendre la discipline, le dressage du corps et la résignation. L’idée est tout de même de former de futurs salariés, de futurs citoyens et de futurs consommateurs. L’enfant est vu comme un moyen pour la perpétuation de la société et non pas comme étant en lui-même le but ultime.

 

Un feu qu’on allume

 

L’éducation consiste à allumer un feu plutôt qu’à remplir un vase, sans projection sociale, voici quelques exemples inspirants.

 

Cinq écoles de Hambourg, qui réunissaient environ 600 élèves ont, à la fin de la première guerre mondiale, prôné l’ « auto-éducation ». Elles refusaient quelque endoctrinement que ce soit des enfants, même pacifiste ou anarchiste. On parlait alors de vivre ensemble et non plus d’éduquer.

 

Dans le village démocratique de Pourgues (2), le mot d’ordre est liberté, les décisions sont prises au consensus et tout le monde – enfants compris- vote.

 

Les écoles Sudbury ont été fondées par Daniel Greenberg en 1969 dans le Massachusetts. Il en existe une quarantaine dans le monde. La pédagogie est un cadre dans lequel les enfants sont auteurs et responsables de leur vie quotidienne, au sein d’un collectif d’âges mélangés de 6 à 19 ans. Sa pédagogie repose sur deux principes :

-        les apprentissages autonomes : les jeunes sont libres de déterminer leurs propres objectifs, avec la même légitimité dans toutes les entreprises et tous les domaines. Ils se consacrent à ce qui les intéresse sans contrainte de programme ni de temps. Les membres du personnel sont garants de cette approche et les traitent en tant que personnes indépendantes.

-        la gestion démocratique : la vision de l’éducation démocratique est celle donnée par l’EUDEC (European Democratic Education Community) « Les jeunes devraient pouvoir choisir  ce qu’ils font, quand, où, comment et avec qui, du moment que leurs décisions ne transgressent pas la liberté des autres de faire de même ». Les statuts de ces écoles attribuent un pouvoir égal à chaque membre, quel que soit son âge, pour participer aux décisions collectives.

 

Les écoles en nature, ou Forest School, sont des structures scolaire où on fait classe dans la nature, un ou plusieurs jours par semaine, qu’il s’agisse d’une forêt, d’un jardin, d’une montagne… Ces écoles reposent sur la pédagogie de l’Outdoor Education, c’est-à-dire une éduction hors les murs. « La nature est un espace d’explorations et d’expériences sans limite », explique Sarah Wauquier, auteure du livre Les Enfants des bois, « un espace de jeu et d’apprentissage pour les enfants, mais surtout un outil pédagogique pour le développement de leur lien à la vie ».

 

Depuis vingt ans, le Clept (Collège lycée élitaire pour tous) accueille à Grenoble une centaine de jeunes qui avaient quitté le système scolaire. Cet établissement public alternatif fonctionne sans surveillant, sans sonnerie, sans carnet de correspondance ni conseil de discipline mais avec du respect mutuel et de véritables relations humaines. Et les résultats sont là : seuls quelques-uns « décrochent » et le taux d’obtention au bac est de 80 à 100%.

 

L’enfermement des enfants

 

Quand un enfant ne « rentre pas dans le rang », le système punitif et la répression carcérale s’appliquent  plutôt que l’innovation éducative. Au 1er Juillet, 670 mineurs étaient écroués, la plupart dans des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), les autres dans les quartiers dédiés des prisons pour adultes. Il faut ajouter aussi les jeunes étrangers qui attendent avec leurs parents leur expulsion en centre de rétention administrative, ainsi que les centaines d’adolescents dans les centres éducatifs fermés (CEF). 80% des enfants incarcérés sont en détention provisoire, majoritairement pour des faits relevant du tribunal correctionnel (vol simple, dégradations, etc.) et venant surtout de milieux pauvres. Les CEF sont des lieux de privation de liberté, avec une fermeture physique et juridique (une fugue étant considérée comme une évasion). La Commission nationale consultative des Droits de l’Homme a estimé qu’ils sont souvent des « antichambres de la prison ».

 

 L’enfermement finit toujours par créer chez ces jeunes un sentiment de révolte, de colère, loin de l’idée qu’il produirait une sorte de choc et de remise en question. Car ces lieux fermés finissent par générer leurs propres règles, les jeunes sont victimes d’atteintes à leurs droits – violences physiques, privations, humiliations. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu de nombreux avis faisant ces mêmes constats.

 

Et il existe d’autres méthodes pour se faire obéir comme le raconte le journaliste Julien Brygo dans son enquête sur « la pilule de l’obéissance » (3), la Ritaline. C’est un médicament cousin des amphétamines, censé « contenir » les troubles de l’hyperactivité que des milliers de parents s’arrachent. Utilisée à tout-va aux Etats-Unis, la Ritaline commence à trouver un marché en France : 62 000 enfants en ont consommé en 2016. C’est que cette « pilule miracle » est aussi prescrite pour délivrer « les enfants d’une liste impressionnante d’imperfections, de la fâcheuse tendance à se cabrer devant une tâche fastidieuse au rejet pur et simple de l’autorité, en passant par l’inattention ou la déconcentration ».

 

Tenue républicaine…

 

Les injonctions sur les mineurs comportent aussi l’habillement, surtout quand il s’agit d’adolescent.E.s. Ainsi, fin septembre, des adolescentes revendiquaient le droit de s’habiller comme elles le souhaitent en classe. Le ministre de l’Education nationale a expliqué qu’il faut venir « à l’école habillé d’une façon républicaine ».  Quid de « la façon républicaine » de s’habiller mais surtout si la tenue des filles est un problème, c’est que le problème de la sexualisation de leurs corps en est un. Ainsi dès que leurs seins apparaissent, les filles se voient immédiatement renvoyées à un corps sexuel. La puberté, c’est l’entrée dans son corps sexué mais aussi la découverte de la condition de disponibilité sexuelle qui est celle des femmes dans une société patriarcale. Les filles subissent la violence des regards et des réflexions qui les réduisent à une sexualité dont elles sont loin. Les mobilisations de ce 14 septembre ont manifesté pour mettre un terme à la réduction des femmes à leur corps. Les filles n’acceptent plus de se laisser dicter ce qu’elles doivent faire, le contrôle social sur leur corps et les mécanismes profondément enracinés du système patriarcal.

 

Ce qui pose aussi problème dans cette affaire c’est de supposer qu’en montrant un peu de leur ventre ou de leur épaules, les filles vont perturber les garçons qui ne vont pas pouvoir se concentrer en cours, face à cette chair « offerte ». Cela perpétue le stéréotype que le désir des garçons est irrépressible, qu’il s’agit d’un désir animal qu’ils sont incapables de maîtriser. Cela perpétue également la culture du viol et cette idée que les filles sont toujours responsables de ce qui leur arrive et notamment des agressions qu’elles subissent. Au lieu de construire une société où il y a désexualisation du corps des filles, on a tendance à les obliger à se conformer aux normes « républicaines ».

 

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Et si, au lieu de chercher sans cesse à brider la fougue de la jeunesse – notamment via le cadre ultra compétitif de la scolarité- on cherchait un peu à la comprendre ? Si on admettait qu’elle a des choses à nous apprendre ? Les sociétés étant vieillissantes, les enfants y représentent une part de moins en moins importante de la population. Ce n’est pas une raison pour ne pas questionner le sort réservé à cette minorité dominée.

 

Stéphanie Roussillon

 

(1)   Documentaire Infrarouge « Bouche cousue » sur les violences intrafamiliales https://mobile.france.tv

(2)   Vidéo sur Youtube : En Liberté ! (Le village démocratique de Pourgues)

(3)   Le Monde Diplomatique - décembre 2019

 

 

 

La méthanisation, c’est du propre !

 

Utiliser les effluents des animaux des fermes pour produire de l’énergie, est « bon pour la planète » ! Cela participe à la recherche d’alternatives pour se passer des énergies fossiles et du nucléaire et pour réduire les gaz à effet de serre. Tout comme on utilise le vent, l’eau, le soleil, pour produire de l’électricité, pourquoi, à partir des excréments des animaux, ne pas produire du gaz ? Jusqu’ici, tout va bien… et c’est bien dans cet objectif qu’un certain nombre de paysans se sont engagés. Mais quand la méthanisation n’est considérée que comme source de profits juteux, rien ne va plus…. En France, le plan de développement de la méthanisation agricole, initié en 2013 par le ministre Le Foll, veut rattraper le « retard » notamment par rapport à l’Allemagne. Il annonçait l’ambition de mise en service de 1 000 méthaniseurs d’ici 2020. Nous y sommes presque. Qu’en est-il de cette énergie « propre » ?

 

1 –  Jusqu’ici, tout va bien… quand l’agriculteur-paysan est maître de sa production

 

Rappelons que le méthaniseur est comme une grosse marmite où l’on met à mijoter

-        des déchets végétaux (herbe, maïs, pailles de céréales, colza, etc.) pour le carbone

-        des déchets animaux (lisiers et fumiers) pour l’azote

auxquels on peut ajouter des déchets de l’agroalimentaire (en provenance des abattoirs, des laiteries…), des boues de station d’épuration, des matières de vidange ou des ordures ménagères !

On pose un couvercle sur la marmite et on laisse chauffer entre 35 et 40° pendant de longues heures (un cycle équivaut à 120 jours). Les bactéries transforment les déchets et produisent le méthane CH4, le « fameux »  biogaz. Récupéré par des grands tuyaux pour être transformé en électricité via un générateur, ou injecté directement dans le réseau gaz de ville, il peut aussi servir à produire de la chaleur (pour les habitations) ou du carburant. Dans la cuve, reste le digestat, composé de déchets solides (le compost) et de déchets liquides (les engrais). Riche en azote, phosphate, potassium, le digestat est épandu comme fertilisant sur les terres agricoles.

 

Faire vivre une ferme sans pétrole a été l’ambition d’un certain nombre de paysans (1), engagés dans les luttes écologiques s’interrogeant sur la valorisation des déchets, en priorité du fumier (mélange des lisières paille, fourrage…) et des excréments des animaux de l’élevage. Le fumier, mis en tas, perd par évaporation 40 % de sa richesse, émet du gaz à effet de serre (dont le redoutable méthane) et s’infiltre dans le sol.

 

Mais un méthaniseur ne peut pas être alimenté qu’avec du fumier, encore moins avec du lisier seulement, il faut des végétaux donc des cultures. Pour Jules, paysan en Dordogne, (1), « la méthanisation est une évolution « dans le bon sens » mais pas une révolution » ; ça lui permet de ne plus être dépendant du pétrole, grâce au méthane récupéré et valorisé ; il produit de l’électricité, chauffe un séchoir en grange, une maison d’habitation, l’objectif prochain est de produire du biogaz pour les véhicules de sa ferme. Des projets collectifs, de petite dimension, ont été lancés par ceux qui défendent une agriculture participant au développement local et à la protection de la nature. Pour eux, la priorité doit rester l’alimentation des animaux et non celle du méthaniseur.

 

Ces expériences positives se réalisent dans des petites unités (moins de 10 000 tonnes/an de matières entrantes et moins de 2 méga/mètres-cubes de biogaz produits) où cela se passe bien : une exploitation valorise ses propres déchets et injecte quelques intrants extérieurs. Ça se complique avec les grosses unités (40 000 à 50 000 tonnes/an) modèle que le gouvernement entend développer. 

 

2 – Rien ne va plus… quand ça devient une usine à gaz... 

 

La méthanisation réduit les émissions de gaz à effet de serre, affirment le ministre de la transition écologique et son bras armé, l’Ademe, précisant que, d’ici 2030, si on atteint 10 % de gaz produit par ce système, on économiserait 12 millions de tonnes de CO2 (3 % de nos émissions) ? Ces chiffres sont à prendre avec précaution et servent « à la propagande » ; il est difficile de les interpréter si l’on n’en connaît pas toutes les bases. Par ailleurs, Il faut rester lucide car 10 % de gaz provenant de la méthanisation implique de sacrifier l’équivalent en surface agricole utile (SAU), de trois départements (environ 18 000 km2), sur lesquels on va cultiver de quoi alimenter les méthaniseurs. S’engager dans une telle production, c’est du délire, selon la Confédération Paysanne. Ce sera la guerre pour l’achat des intrants et la concurrence sauvage pour vendre le digestat en surplus ! Et si on veut atteindre 100 %, de gaz sous forme de biogaz, il n’y a pas assez de SAU en France pour le faire.

 

En Allemagne, la politique de soutien à la méthanisation a développé des projets démentiels nécessitant des surfaces de maïs, qui atteignent 1 million d’hectares/an, pour alimenter les digesteurs ; cela a entraîné une hausse du prix du foncier et a fait disparaître les petits paysans. Actuellement, l’Allemagne compte 9 500 installations représentant 5 % de sa consommation électrique.  Dans le nord de l’Allemagne, les parcs géants de Güstrow et Penkun appartiennent à l’entreprise Nawaro, qui gère aussi des parcs en Croatie, en Lettonie, en Ukraine. Leurs ressources premières sont des cultures alimentaires, du maïs notamment. L’électricité issue du maïs est plus subventionnée par l’État que les produits bio ! En 2014, une réforme a revu à la baisse les soutiens publics au biogaz mais cela ne résoudra pas les effets négatifs de la méthanisation à grande échelle. « Nous avons fait l’expérience de ce développement industriel du biogaz. Il ne faut pas répéter l’erreur ailleurs en Europe » Sébastien von Schie, les Grünen.

 

3 - La France entre tête baissée dans la course

 

Cette méthanisation à marche forcée est tout sauf « propre » écologiquement. En effet, pour alimenter les marmites des monstres, il faut pratiquer des cultures intensives qui appauvrissent les sols. Au lieu de les laisser se reposer, on les fait travailler en permanence sans qu’ils aient le temps de se reconstituer. Cette méthode est encouragée puisque la réglementation autorise l’entrée dans le méthaniseur de 15 % des matières issues de cultures intermédiaires. Et quand le Collectif Scientifique National de Méthanisation Raisonnée (CSNMR) alerte sur le fait que le liquide du digestat entraîne une perte de carbone progressive du sol, l’ADEME (2) trouve aussitôt la solution : semer un couvert végétal intermédiaire entre deux cultures alimentaires, autrement dit, exploiter la terre jusqu’à épuiser totalement son carbone, puis « l’enrichir » avec des engrais. L’agriculteur ou la société privée qui choisit de développer de grosses unités de méthanisation n’a comme objectif que de commercialiser son méthane : plus il en produit, plus c’est rentable. C’est le cercle infernal de l’agriculture productiviste.

 

La loi de transition énergétique (2015) prévoit d’atteindre, en 2030, une part de biogaz de 10 % dans le total du gaz consommé en France. Ceci impliquerait la création de 5 784 méthaniseurs et pour atteindre les 100 % d’ici 2050, 42 800 grosses unités de méthanisation.  A ce jour, 812 unités (des petites unités majoritairement) sont en service et 362 en projet. Cette ambition s’appuie sur la construction de grosses unités, adossées à des élevages industriels.  Pour produire 100 KW électrique, il faut pouvoir alimenter l’installation avec du fumier de 300 vaches. C’est un encouragement au développement des fermes aux 1 000 vaches ou aux 40 000 cochons. Dans la région Bretagne, la méthanisation agricole est utilisée comme une  « pompe » à subventions pour soutenir l’agriculture industrielle et ses exploitations, incorporant dans leur méthaniseur du maïs déjà subventionné par la PAC (Politique Agricole Commune) et bénéficient aussi du tarif de rachat d’énergie. Elles sont payée deux fois (3).

 

La question de fond se pose, de fait, en ces termes : soit on cultive toutes les terres pour faire du gaz, soit on les cultive pour manger !  On doit malheureusement constater que les « décideurs » sont prêts à brader notre autonomie alimentaire (relative) pour gagner un peu de soi-disant autonomie énergétique !

 

C’est la mise à mort des petits paysans contraints à entrer dans une course à la surface cultivée, dans laquelle le foncier se renchérit et la concurrence fait rage sur le marché du fourrage.

 

4 - L’usine à gaz plutôt que l’agriculture paysanne

 

Comment, dans ce carcan, l’agriculture paysanne peut-elle avoir sa place, en produisant les biens alimentaires pour les besoins de la population sur un territoire donné ? En tout cas, elle n’est pas à l’agenda des ministres et gouvernants en France qui, au nom de la transition écologique, financent les grosses unités de méthanisation, sous la pression du lobbying des entreprises gazières (encart 1), très actif pour développer la filière d’injection du gaz en continu. Non seulement, ces modèles bénéficient d’aides financières de l’ADEME et des régions, de l’ordre de 20 % pour la construction (encart 2), mais encore, la société de distribution de gaz GrDF perçoit des aides pour le rachat du gaz. Elle passe contrat avec le producteur et lui rachète le gaz 3 fois plus cher que le prix du gaz pour le consommateur. C’est financé par l’État … donc par le contribuable qui ne voit pas bouger à la baisse le prix du gaz… Au total, en additionnant les contrats existants et à venir, cela représente 18 milliards d’euros, Bercy n’en a inscrit que (!) 8 milliards !

 

Et pour faciliter les procédures d’autorisation de ces usines de fabrication de gaz, Nicolas Hulot, avant de quitter son poste ministériel, a « assoupli » la réglementation ICPE – installation classée pour la protection de l’environnement. L’enquête publique et l’autorisation préfectorale ne s’appliquent pas aux projets en-dessous de 1000 tonnes de matières entrantes/jour. Une déclaration suffit pour les projets en-dessous de 30 tonnes et, pour ceux qui se situent entre 30 et 100 tonnes, le simple avis du conseil municipal et celui de l’inspection des installations classées sont requi. Et après ? Personne n’est chargé de contrôler si les seuils autorisés sont respectés…

 

5 - L’auto-contrôle

 

Des incidents, allant des  pollutions olfactives, déchirement de bâches au-dessus des dômes, incendie, explosion, fuites de méthane sont constatés régulièrement. Les grandes unités présentent des risques accrus et les exploitants ne sont pas formés. Elles peuvent être dangereuses pour les salariés et les riverains. L’étanchéité des  cuves de stockage doit être parfaite sinon du méthane peut s’échapper Le méthane, qu’on ne sent pas, est un gaz à effet de serre très puissant, et les fuites sur les structures peuvent disperser dans l’atmosphère une pollution importante, de même que le gaz ammoniac, le protoxyde d’azote… bref, des matières fort peu  « sympathiques ».. Mais, là encore, aucun contrôle  n’est prévu par un service indépendant.

 

Personne, non plus, ne contrôle la quantité de matières entrantes, ni la qualité du digestat dont l’épandage est censé enrichir les sols. Les grosses unités ont besoin de beaucoup de  matières pour remplir la marmite : maïs, colza et autres sont produits sur place (de manière intensive, avec engrais, pesticides, fongicides….) ou importés.  Peuvent y être ajoutées des boues d’épuration, etc.

 

Les installations ne sont pas classées Seveso mais, pour les riverains, des phénomènes dangereux sont réels, associés au biogaz : risques d’émissions d’ammoniac ou d’hydrogène sulfuré. Qui contrôle ? Personne.

 

Ce modèle de développement est gros de risques environnementaux et sanitaires (déjà réels pour les salariés et les riverains). Le modèle d’agriculture paysanne, appuyé notamment  sur l’élevage en plein air, aura bien du mal à résister, dans ce modèle  prétendant favoriser la transition écologique. Pour optimiser l’unité de méthanisation, le producteur de méthane aura tendance à laisser les animaux en stabulation le plus longtemps possible pour récupérer leurs excréments.

 

 

Pour conclure

 

La méthanisation n’est pas aussi propre que l’on voudrait nous faire croire. Valoriser les effluents des animaux dans les fermes est une bonne idée en soi, à la fois pour l’écologie et aussi pour l’amélioration des ressources des paysans, les exemples en Ariège, dans les Hautes-Pyrénées ou ailleurs, démontrent que la micro-méthanisation à la ferme est possible. Mais le système capitaliste pervertit aussitôt le concept pour permettre à ceux qui commercialisent l’énergie d’en tirer profit. La porte est largement ouverte aux spéculateurs peu scrupuleux qui continueront à accaparer des terres et à faire monter le prix des productions fourragères, du foncier, empêchant l’installation de jeunes paysans et faisant disparaître nombre de fermes en difficultés. De plus, l’effondrement des revenus des secteurs de l’élevage autorise la FNSEA (4) à encourager les exploitants à « aller chercher une source de revenu ailleurs que dans la production de biens alimentaires ». Cela peut donner des idées aux Bigard, Lactalis, et Cie qui pourront encore baisser les prix d’achat de la viande et du lait. La méthanisation s’inscrit dans l’érosion continue des prix payés aux producteurs et dans la disparition totale des petits paysans.  Mais, l’on ne s’en étonne plus !

 

Comment lutter ? Connaître son territoire et surveiller les installations qui poussent comme des champignons dans les campagnes. Contester les projets comme le fait, notamment, la Confédération Paysanne. Exiger des retours des bilans sur le bénéfice pour le climat, réalisés par l’Ademe, mais jamais transmis. Exiger que la méthanisation se fasse à partir des déchets et non des cultures agricoles dédiées. Exiger un débat sur l’utilisation des terres agricoles, car « à quoi ça sert de produire de l’énergie pour nourrir des méthaniseurs à coups de soja qui traverse le monde ?  (René Louail). Exiger, plus globalement, un débat sur le mode de développement des sociétés occidentales énergivores.

 

Pas très « propre » donc, la méthanisation !

 

Odile Mangeot, le 14 novembre 2020

 

sources : campagnes solidaires – bastamag.net

 

(1) Campagnes solidaires magazine de la Confédération paysanne (décembre 2019)

(2) ADEME – Agence de la Transition écologique (ex-agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) – organisme d’État (établissement public) chargé d’accompagner les collectivités, entreprises, particuliers dans leurs projets de transition écologique

(3) René Louail, ancien conseiller régional écolo de Bretagne

(4) Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (syndicat patronal majoritaire)

 

encart 1

Les entreprises gazières aux commandes

GrDF, filiale à 100 % de Engie, joue un rôle prééminent dans cet engouement pour le biogaz. Dans les Hauts de France, la course à la construction de méthaniseurs bat son plein. Cette région compte 100 unités à ce jour et annonce, sous 10 ans, plusieurs milliers d’installations et des millions de tonnes d’intrants. Cet objectif repose sur les « dires d’experts », dont GrDF qui ne ménage pars les discussions informelles, les suggestions, etc.. Derrière GrDF, c’est toute la filière gaz qui pousse : Engie et sa filiale GRTgaz, les lobbies Coénove (association professionnelle du secteur) et France Gaz Renouvelables.

Sur bastamag.net

 

Encart 2

Des financement alléchants

Une SARL d’Ille-et-Vilaine a investi 2,4 millions d’euros dans son unité de méthanisation. Elle a obtenu 470 000€ de subventions publiques, dont 300 000 de l’ADEME, 120 000 de la Région et 50 000 du département d’Ille-et-Vilaine. « On en est à 760 000 € de subvention par emploi direct ». « C’est du délire ! Nos impôts financent la construction de méthaniseurs qui vont devenir la propriété privée d’agriculteurs ou de grands groupes ».

Daniel Chateigner – membre du Collectif CNSMR sur bastamag.net