Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 3 novembre 2021

 

La parole aux AES

 

Les Amis de l’Emancipation Sociale (réunis en AG le 16 octobre 2021) ont débattu des orientations de l’association (extraits ci-dessous). L’association devient Alliance pour l’Emancipation Sociale 

 

Entrons-nous dans l’ère des turbulences ?

 

La mondialisation du capitalisme financiarisé a fait émerger des aristocraties prédatrices et une croissance des inégalités, rarement vue dans l’histoire. Elle s’est accompagnée du surgissement de son contraire, à savoir l’apparition de blocs de puissances étatiques, USA et Chine, et, dans une moindre mesure, la Russie de Poutine. Par ailleurs, des impérialismes secondaires, comme la Turquie, s’engagent également dans la conquête de marchés et d’une influence contredisant l’hégémonie des deux superpuissances qui s’affrontent à fleuret moucheté et participent à une nouvelle course aux armements. L’Europe reste un nain politique en voie de fracturation et sous dépendance des USA, de la Russie et de la Chine. La crise de 2007-2008 a fait apparaître, de manière flagrante, des inégalités dans les pays centraux, tout en accentuant déclassement et appauvrissement des classes populaires. Les USA et leurs alliés occidentaux tentent désormais de contenir la Chine, ce nouvel impérialisme commercial et mercantile. Toutefois, ils sont confrontés au déchirement du tissu social et à la difficulté de promouvoir une forme de relance de leur économie dégradée qui repose essentiellement sur le complexe militaro-industriel. En Chine, on assiste à un dirigisme d’Etat qui conjugue capitalisme d’Etat et économie privée en expansion ; sa force réside essentiellement dans sa capacité d’exportation mais c’est aussi sa faiblesse, ce qui la conduit à étendre son économie dans la partie ouest du pays. Quant à la Russie, dont l’économie est extrêmement fragile, elle tente de déstabiliser le camp occidental dans l’Europe de l’Est, en Syrie et en Afrique.  Ces rivalités s’exercent dans le cadre d’une crise climatique où certains experts annoncent, si rien n’est fait, des températures de + 2.7° en 2050. Dans ces conditions, des dégâts économiques et humains seraient considérables en particulier dans les zones côtières, comme le Bangladesh.

 

Dans la dernière période, face aux inégalités, on a assisté à des rebellions massives, notamment au Moyen-Orient, qui ont conduit à des répressions impitoyables et au retour des dictatures encore plus féroces. Les populations dominées qui se sont mobilisées ne sont parvenues qu’à exiger le départ des dictateurs les plus en vue. Ce dégagisme et l’emprise des religions n’ont pas permis le surgissement d’une stratégie anticapitaliste et anti-impérialiste. En Europe, notamment dans les pays de l’Est, on assiste à la montée de nationalismes régressifs (négation d’une justice indépendante, antiféminisme, rejet du césarisme européen). En tout état de cause, les mobilisations sociales ne parviennent pas à sortir du parlementaro-capitalisme et à faire prévaloir une vision collective du Bien Commun. Elles s’en tiennent le plus souvent à la lutte contre les aspects les plus repoussants du capitalisme réel, à savoir : antiracisme, défense des services publics, lutte contre la précarisation, pouvoir d’achat…  

 

En France, on assiste à une forme de désespérance sociale, de rejet des partis qui ont mis en œuvre la mondialisation puis son programme d’austérité ainsi que la casse de son système de protection sociale. On n’a certainement pas fini de faire le bilan catastrophique du point de vue des espérances sociales, des épisodes de la « gauche de gouvernement » qui ont provoqué ressentiment et fracturation des classes ouvrières et populaires. C’est dans ces conditions que l’extrême-droite a pu brandir des boucs émissaires et cultiver la  haine. Entrons-nous dans l’ère des démagogues ? Et en particulier de ceux, comme Zemmour, qui favorisent une ambiance de guerre civile. L’expérience du fascisme démontre, s’il en est besoin, qu’une fraction des classes populaires peut être séduite par un nationalisme chauvin, au vu des dégâts produits par le système lui-même. La question est de savoir si le capitalisme, tel qu’il est, a véritablement besoin, dans la période, d’un régime autoritaire et fascisant. En tout état de cause, l’échec des néo sociaux-démocrates (Podemos, Syriza) ne peut qu’engendrer de nouvelles frustrations, d’autant que la seule voie dominante, promue dans la période, se réduit à un électoralisme conduisant vraisemblablement à de nouveaux échecs. Le mouvement France Insoumise peut-il parvenir à ouvrir une brèche dans laquelle s’engouffreraient les classes ouvrières et populaires ? Rien n’indique, pour l’heure, que l’abstention massive puisse se réduire. La leçon qu’on peut tirer de l’épisode des Gilets Jaunes démontre que les classes régnantes et dominantes feront tout pour se maintenir au pouvoir, y compris par une répression féroce. Les manifestations, les occupations de places ne peuvent être suffisantes en elles-mêmes. La classe dominante ne peut céder sur certains aspects de sa politique que par le blocage de l’économie (grève). Le bloc bourgeois d’un point de vue électoral, ne représentant pas plus de 20% des votants, peut-il s’effriter sans qu’émerge un intellectuel collectif, organisé, issu et enraciné dans les classes ouvrières et populaires ? On n’en est pas là. Toutefois, le capitalisme français, dans son mode de domination impérialiste, se trouve de plus en plus en difficultés ; c’est un empire qui ne veut pas mourir, notamment dans la Françafrique où il connaît des reculs importants (Centrafrique, Mali, Burkina Faso…). Cet effritement de la domination française a amené dernièrement Macron à tenter d’utiliser la diaspora africaine, dans l’espoir qu’une partie d’entre elle, à l’occasion d’un coup d’Etat puisse prendre le pouvoir tout en restant dans le giron français.

 

Assiste-t-on plus globalement à une situation de chaos difficilement maîtrisable où les impérialismes dominants cherchent à détruire les Etats-Nations, alors même que rien de conséquent n’est tenté pour réduire l’emploi des énergies fossiles, la déforestation, et apaiser les tensions guerrières qui s’exacerbent ? Les peuples sont confrontés à la nécessité de concevoir une lutte de longue haleine qui puisse tirer le bilan des expériences révolutionnaires et de leurs échecs, pour faire resurgir une vision partagée de l’émancipation de l’Humanité (...). Toutefois, il ne faut pas se laisser gagner par la sinistrose : on a vu apparaître, dans la dernière période, des médias indépendants et alternatifs, des manifestations contre le démantèlement du code du travail, des services publics, contre la précarité et les lois liberticides, ainsi que des manifestations d’écologistes radicaux, de féministes et d’antiracistes qui n’ont pas dit leur dernier mot. Il faut arriver à vaincre l’apathie, tout en s’appuyant sur le rejet des partis néolibéraux (…). Enfin, dans la séquence immédiate, marquée par l’électoralisme présidentialiste et l’emprise du corporatisme, de l’économisme (pouvoir d’achat, emploi…), il conviendra d’insister sur l’idée qu’il n’y a pas de sauveur suprême, que seule la lutte des exploités et des dominés peut modifier le rapport de force et poser la question politique : quel pouvoir populaire ? Nous allons assister à des turbulences importantes, pour le meilleur ou pour le pire, où la lutte des classes va se faire plus intense.

 

AES, le 11.10.2021      

 

Pour soutenir et adhérer, à l’association AES - Alliance pour l’Emancipation Sociale

-        25€ (actifs et retraités) 

-        5€ (étudiants, sans travail et faibles revenus)

 

par chèque libellé à AES à envoyer à Odile Mangeot 43 j rue Jean Jaurès 70200 Lure

 

Capitalisme chinois, première crise

 

Il convient de porter une attention toute particulière à la première crise du capitalisme chinois pour se défaire de la représentation occidentale dominante. Après la mort de Mao (1976), la voie capitaliste l’a emporté en Chine, surtout après la répression de Tienanmen (1986), conduite par Deng Xiaoping. Le tournant qui s’est opéré a consisté d’abord dans l’ouverture aux capitaux et multinationales étrangères. La main d’œuvre chinoise fut, dans un premier temps, exploitée dans les zones économiques spéciales, dispensées d’impôts pour, ensuite, gagner tout le continent. Les usines chinoises ont pu bénéficier de transferts de technologies étrangères. Sous l’impulsion du Parti Capitaliste Chinois (PCC), de telles clauses étaient imposées. La Chine n’était plus seulement « l’atelier du monde » mais devint une nation capitaliste en plein essor. La crise mondiale de 2008 a pu être surmontée, en Chine, par la surproduction industrielle suscitée par un afflux de crédits qui a entraîné également un essor démesuré du secteur immobilier. Il représente désormais 15 % du PIB chinois. La création d’entreprises privées, de conglomérats financiers, a fait surgir des inégalités abyssales, une classe moyenne et une corruption endémique. L’entrée de « l’Empire du milieu » à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et son adoption du libre-échange, a ouvert la voie aux routes de la soie, c’est à-dire à la conquête des marchés mondiaux. Avec la crise de l’immobilier, le « rêve chinois », la « société de moyenne aisance » prônée par Xi Jin Ping, tournera-t-il au cauchemar ?

 

Evergrande en quasi-faillite

 

Cette entreprise privée qui compte 200 000 salariés, plombée de 200 à 300 milliards de dettes, ne parvient plus à les rembourser. Bâtie sur le schéma de Ponzi, où les dettes nouvelles servaient à rembourser les anciennes, elle est victime du tour de vis imposé par le PCC, visant à réduire la spéculation effrénée du secteur immobilier. Elle n’est pas la seule à subir ce tarissement du crédit, imposé par les banques et institutions d’Etat, mais la plus grande à côté de ses concurrents. D’autres promoteurs sont surendettés (Sinic, Fantasia, Modern Land). Ce modèle de développement, outre l’abondance de crédits, s’est construit par l’achat de terrains aux gouvernements locaux, à l’encontre de l’adage marxiste indiquant que le foncier nu n’a pas de prix, aucune force de travail ne s’y étant exercée, il n’existe qu’un droit d’usage. Si les gouvernements locaux se sont ainsi enrichis, les firmes comme Evergrande, vendant les appartements sur plan, avant toute construction et payables d’avance, trouvaient ainsi l’affaire lucrative, tout comme ceux, notamment les particuliers qui les revendaient empochant ainsi une prime spéculative. Résultat de cette frénésie de surproduction : en 2020, 100 millions d’appartements vides, 30 millions d’invendus, de quoi loger 140 millions de personnes…

 

L’exemple de la ville de Jurong

 

Cette cité, proche de Nankin, a vu grand avec Evergrande qui promettait de la transformer en ville culturelle et touristique. La municipalité de Jurong lui avait vendu 124 hectares de terrain et avait, à cette occasion, empoché 8 milliards de yuans sur un budget de 13 milliards. Jackpot ! Quant à Evergrande, elle devait réaliser 56 immeubles dans des tours dont la moitié devait atteindre 24 étages, le tout comportant restaurants, cinémas et un parc d’attraction. Résultat : malgré 200 000 appartements pré-vendus, les chantiers se sont arrêtés, laissant dans cette ville fantôme, des squelettes de béton armé et les propriétaires, dans l’impossibilité de revendre à des fins spéculatives leurs biens, bien dépourvus.

 

Eviter la spirale récessive et les révoltes sociales

 

La décision du gouvernement chinois de stopper cette folie spéculative s’est traduite par le tarissement du crédit, les banques chinoises étant des institutions d’Etat, la croissance immobilière exponentielle fut ainsi cassée brutalement. Le coût politique de ce revirement est néanmoins énorme malgré la propagande qui laisse entendre que la faillite d’Evergrande serait « ordonnée » et la « correction » économique maîtrisée ». En résultera-t-il une déstabilisation du système financier ? Evergrande brade déjà ses appartements, réalisés ou non, mais ne trouve guère preneurs. S’achemine-t-on vers la création d’un comité de créanciers chinois et étrangers, chargé de restructurer la dette, pour vendre ce qui peut l’être et rembourser ce qui ne peut pas l’être et à une reprise par l’Etat des 778 projets immobiliers en cours afin de livrer les appartements commandés ? Les autorités vont-elles favoriser les créanciers privés, au détriment des étrangers ? Va-t-on assister à des mesures de création d’emplois par une relance dans d’autres secteurs et à des transferts de création monétaire pour compenser les pertes des épargnants, ou faire la différence entre ceux qui comptaient spéculer par la revente et ceux qui souhaitaient trouver un meilleur logement ? Autant de questions que doit affronter le système du Parti-Etat.

 

Il semblerait que les banques d’Etat puissent absorber une partie des pertes de l’immobilier et racheter une partie des créances. Toutefois, le tarissement du crédit risque de toucher également des conglomérats financiers ; ainsi, la compagnie d’assurance Ping An accuse une perte de 3.2 milliards de yuans et se trouve au bord de la faillite. La politique de désincitation de l’endettement va provoquer un ralentissement de la croissance chinoise, affectant, du même coup, les marchés financiers mondiaux. L’économie globale est en effet tributaire de la Chine et ce, depuis 30 ans. Entre 2013 et 2018, elle a apporté directement 20 % de croissance mondiale.

 

Qu’en conclure ?

 

Le Parti du Capitalisme Chinois va devoir affronter de nouveaux troubles sociaux et économiques. Xi Jin Ping va devoir manier la lutte contre la corruption et la surveillance généralisée de la population pour maintenir la paix sociale. Cette reprise en main dirigiste a déjà commencé. Elle s’appuie, pour obtenir le consentement au « rêve chinois », sur une idéologie particulière : un mélange d’apologie de la civilisation chinoise millénaire, de patriotisme nationaliste résultant des invasions étrangères (guerres de l’opium, concessions à la France et à la Grande Bretagne…, occupation japonaise) et sur un maoïsme édulcoré. La fierté nationale retrouvée se conjugue avec l’apologie de la pensée de Confucius (combattue pendant la révolution culturelle). Les mandarins, ces lettrés conseillant les dignitaires, l’Empereur, sont les « maîtres du ciel et de la terre » et les seuls dépositaires du pouvoir éclairé contre lequel on n’a pas de raison de se révolter, contrairement à ce que préconisait le maoïsme. Avec la pensée de maître Xi, le passé fait retour sous de nouvelles formes pour imposer un capitalisme dirigiste d’Etat et un impérialisme commercial qui, avec les routes de la soie, ne connaît pas de frontières. Jusqu’à quand ?

 

Gérard Deneux, le 26.10.2021

 

 

 

Thomas Sankara. Un procès pour l’histoire

Appel international

Vous n’ignorez pas que le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons s’est ouvert le 11 octobre 2011, hélas  en l’absence de celui qui en est sans doute le principal instigateur, Blaise Compaoré. Après une première interruption, les séances ont repris le 25 octobre. Ce procès historique est attendu depuis 34 ans par l’opinion nationale, africaine et internationale.  Pour les associations (Survie, Comité Sankara, Cadtm, etc..) et les personnes (Bruno Jaffré, Mariam Sankara son épouse, et bien d’autres), il est très important pour la mémoire historique et les archives que ce procès soit filmé. C’est le sens de la pétition ci-dessous qui est lancée.

 

Nous, historiens, chercheurs, juristes, artistes, journalistes, militants associatifs ou politiques, citoyens, du monde entier, avons appris avec stupeur que, malgré la réquisition favorable de la procureure arguant du « but démocratique, historique et mémoriel », le Tribunal militaire a refusé que le procès soit filmé et enregistré. De nombreuses voix se sont élevées au Burkina Faso pour demander que le procès soit diffusé et filmé en vue de la constitution d’archives historiques. Dans un communiqué daté du 15 octobre 2021, Mariam Sankara s’élève vigoureusement contre cette décision : « Nous osons croire que le tribunal militaire se ravisera et espérons qu’il accèdera à cette requête. Car il s’agit non seulement de juger les acteurs de ce crime, mais également d’informer le peuple, de mettre en mémoire, avec les moyens de communication modernes, ce moment important de notre Histoire collective et individuelle. Nous devrons y tirer à jamais des leçons en termes de respect mutuel et du caractère sacré de la vie pour les générations actuelles et futures ». Le procès comporte en effet, des enjeux tant pour l‘histoire du Burkina Faso, de l’Afrique et au-delà, que pour la construction nationale. C’est pourquoi, nous exhortons le tribunal militaire à revenir sur sa décision et à accepter que le procès soit filmé et confié aux archives nationales du Burkina Faso à des fins documentaires et historiques. Nous exhortons également les avocats de la défense à ne pas s’y opposer.

https://www.thomassankara.net/cbxpetition/appel-international-proces-de-lassassinat-de-thomas-sankara-de-compagnons-soit-filme/