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lundi 29 juin 2020


« Deal du siècle », la paix en Palestine

Le plan Trump, annoncé le 28 janvier dernier, n’est pas autre – sinon qu’il va encore plus loin - que celui d’Israël, déjà à l’œuvre, à savoir, contrôler tout le territoire palestinien et ne laisser place à aucune souveraineté palestinienne. Il s’agit d’annexer définitivement les « territoires occupés palestiniens », et notamment en Cisjordanie, ce territoire en « peau de léopard » constitué de zones à statuts différents pour les Palestiniens et de colonies juives, et la bande de Gaza, cette prison à ciel ouvert.
Que veulent-ils de plus qu’ils n’aient déjà, les Netanyahou et ses « alliés » encombrants, mais indispensables pour garder le pouvoir, ultra-nationalistes et autres extrême droite ? Vont-ils réussir, sans embraser le Proche Orient, à faire disparaître la Palestine et les Palestiniens, considérés déjà, comme de sous-citoyens dans leur pays ? Quelles capacités à résister à cette colonisation ont encore les Palestiniens après tant d’années d’occupation ? Avec quels alliés ?

L’annexion de la Palestine par l’Etat d’Israël

Ça dure depuis 1947, quand l’ONU partage la Palestine en un Etat juif et un Etat arabe, assortis des zones à régime international, Jérusalem et Bethléem. Le 14 mai 1948, naît l’Etat juif avec Ben Gourion. Pour 700 000 à 800 000 Palestiniens qui deviennent des réfugiés, c’est la Nakba. Aussitôt éclatent des combats et la guerre entre Juifs et Arabes, jusqu’à la victoire d’Israël en 1949.

En 1967, la guerre des 6 jours, permet à Israël de quadrupler son territoire en s’emparant du Sinaï égyptien, du Golan syrien, de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Et de former sa « capitale réunifiée » à Jérusalem. L’Etat d’Israël s’étend sur une partie de la Cisjordanie et prévoit l’implantation de colonies dites « de sécurité », notamment dans la vallée du Jourdain.  C’est le lancement d’un mouvement qui va, en un demi-siècle permettre l’installation de 700 000 colons juifs (470 000 en Cisjordanie et 230 000 à Jérusalem). Il s’appuie sur une disposition de la convention de Genève (1949) interdisant « le transfert de population occupante dans les territoires occupés », mais autorisant « l’évacuation de certaines zones pour des raisons de sécurité ». C’est ainsi que sont créées des colonies de peuplement, durables, illégales. 

Malgré la résistance des Palestiniens, l’annexion se poursuit, soutenue par les Etats-Unis et grâce à la puissance militaire d’Israël. Nombre de postures des pays occidentaux ou de la Ligue Arabe, prônant des « solutions » sans l’avis des Palestiniens (un Etat ou deux Etats), etc. ont fait long feu. Trump donne le coup de grâce.

Ce 28 janvier 2020, Trump vient à la rescousse de Netanyahou, empêtré qu’il est dans une réélection impossible et proche de son procès pour fraude, abus de confiance et corruption dans 3 affaires immobilières. Trump annonce le « deal du siècle » : un plan pour la Paix au Proche-Orient. Rien de sensationnel ! Ses prédécesseurs ont tous présenté des plans de paix qui n’ont abouti qu’à la poursuite de la guerre. Nuance, toutefois, à la hauteur de sa réputation, de celui qui se permet tout, Trump rejette explicitement les résolutions de l’ONU et notamment celle qui déclare « inadmissible l’acquisition de territoires par la guerre ». En décembre 2017, il avait déjà déclaré Jérusalem comme « capitale éternelle et indivisible » d’Israël. Aujourd’hui, il va plus loin et définit les territoires. Quant à la capitale palestinienne, il la relègue dans un petit faubourg extérieur à Jérusalem, Abou Dis, totalement éloigné de la vieille ville qui doit rester sous total contrôle israélien.

Ce « plan de paix » a été concocté sans les Palestiniens et rédigé par des Américains (tous sionistes convaincus) et par des Israéliens qui ignorent ou méprisent les aspirations palestiniennes. Selon Alain Gresh (1) « cela nous ramène au 2 novembre 1917 quand Arthur James Balfour (ministre des Affaires étrangères britanniques) disposait de la Palestine en proclamant : le gouvernement de sa majesté envisage d’y établir un Foyer national pour le peuple juif », au mépris de l’engagement : « rien ne sera fait qui puisse porter atteinte… aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine ». Pas plus hier qu’aujourd’hui la population n’a été consultée. Cela a un nom : le colonialisme. Ce système colonial réapparaît dans les propos de Trump : quels que soient sa superficie et son découpage, l’Etat palestinien ne disposera d’aucune souveraineté territoriale, d’aucun contrôle sur ses frontières, son espace aérien ou maritime… puisqu’il devra être démilitarisé. La « peau de léopard » qu’est déjà la Palestine, faite d’enclaves où s’imbriquent les colonies juives, empêche toute continuité territoriale. L’horizon des Palestiniens se résumera donc à mur de séparation, frontières, viaducs, check point, routes emmurées, barrières de sécurité pour circuler sans que se croisent Israéliens et Palestiniens et… pour ces derniers, contrôles de toutes leurs entrées et sorties de ces enclaves.

Washington reconnaît à Israël le droit d’annexer de larges portions des territoires occupés depuis 1967 : toutes les colonies implantées en Cisjordanie et la vallée du Jourdain. Même si, dans les faits, le territoire palestinien est sous contrôle de l’armée d’Israël depuis 1967, l’Etat palestinien sera totalement enclavé, sans frontière avec la Jordanie. En compensation de la perte de territoires en Cisjordanie, des territoires désertiques dans le désert du Néguev, seront dédiés aux Palestiniens, en veillant à ce que la route les reliant à Gaza, ne longe pas la frontière avec l’Egypte.

Depuis 1967, les Palestiniens ne peuvent construire librement leurs maisons qui sont détruites systématiquement par les Israéliens sous mille prétextes. Dans leur futur « Etat », les Palestiniens pourront construire librement, sauf pour les habitations situées dans les « zones adjacentes à la frontière entre l’Etat d’Israël et l’Etat de Palestine » qui « seront soumises à la responsabilité primordiale  d’Israël en matière de sécurité ». Et au regard de la carte, les zones sont toutes adjacentes à l’Etat d’Israël… !

Les prisonniers politiques palestiniens ne seront pas libérés ; même après « la paix », les réfugiés ne pourront pas revenir dans leurs maisons, ne seront pas indemnisés et ne pourront s’installer dans l’Etat palestinien qu’avec l’accord d’Israël.

Les Palestiniens devront reconnaître Israël comme « Etat-nation du peuple juif », confirmant la primauté de la vision sioniste, tolérant les Palestiniens considérés comme des intrus dans cette terre biblique. Il est prévu que 400 000 Palestiniens de 1948 (sur les 2 millions actuels), ces Arabes israéliens citoyens de seconde zone, soient repoussés en dehors des frontières d’Israël : on est proche du concept raciste de « pureté ethnique » ! Car la grande peur d’Israël est le débordement démographique des Palestiniens. Proches de 6.5 millions (2 millions à Gaza, 3 millions en Cisjordanie, 1.5 million en Israël (sans parler des réfugiés : 4 millions rien qu’en Jordanie), les Palestiniens, dans quelques années, seront majoritaires. C’est pour cette raison que l’extrême droite de Liberman et Trump proposent d’annexer les colonies juives, sans englober les zones où s’entassent les Palestiniens, car annexer la totalité de la Cisjordanie pourrait rendre les Israéliens, minoritaires.  

Comment, dans ces conditions, oser défendre encore l’idée de deux Etats. Il est inconcevable d’envisager un Etat arabe, discontinu, soumis à Israël avec tunnels, routes, ponts sous son contrôle où il est impossible de faire communiquer les différents villages entre eux et un Etat juif, peuplé de colons dont le nombre n’a cessé de croître : 105 000 en Cisjordanie en 1991, plus de 730 000 aujourd’hui.

En fait, Trump parachève le processus de colonisation avec ce « plan » comme base d’un « accord de paix israélo-palestinien » mettant un terme définitif au « conflit ». Il boucle, en fait, le projet sioniste de 1948. Trump compte bien enclencher ce processus dès le 1er juillet prochain, pour définir  « l’Etat » palestinien et ses modalités d’exercice, en fait, un projet, copie conforme des bantoustans de l’apartheid sud-africain.

Face à cela, quelles résistances ?


Depuis 1948, puis la guerre des 6 jours, malgré les défaites et la poursuite de l’occupation, les Palestiniens n’ont jamais renoncé à l’idée du retour, contrairement à ce que prophétisait un dirigeant sioniste travailliste, Moshe Sharett, en 1949 : « les réfugiés trouveront leur place dans la diaspora. Grace à la sélection naturelle, certains résisteront, d’autres pas… La majorité deviendra un rebut du genre humain et se fondra dans les couches les plus pauvres du monde arabe ». 72 ans qu’ils espèrent revenir en Palestine ; 53 ans qu’ils résistent, qu’ils subissent défaites, fausses espérances, morts violentes, emprisonnements, vexations… Leurs révoltes et insurrections à partir de 1976, se poursuivent avec les Intifada (1987 puis 2000 puis 2015). Ils s’habituent aux promesses non abouties, des accords d’Oslo (1993 et 1995) déclarant l’autonomie de la Palestine avec un essai de 5 ans, le fiasco de Camp David (2000) etc. En 2001, Sharon, 1er ministre, veut finir « l’œuvre de 1948 ». Ce sont aussi les divisions entre le Fatah et le Hamas, une Autorité palestinienne discréditée avec Mahmoud Abbas accroché au pouvoir, au mépris de la démocratie (son mandat est échu depuis 2009 et renouvelé pour une durée indéterminée)… et aujourd’hui… le coup de grâce porté par Trump/Netanyahou ?

Mais, les pays arabes ne soutiennent-ils pas la Palestine ? Si la Ligue arabe (2), l’Organisation de la coopération islamique  et l’Union africaine ont fait de l’autonomie de la Palestine un axe de bataille, pour autant, leur soutien est de façade, dépendants qu’ils sont de l’économie mondialisée, de la politique internationale et des alliances à préserver en fonction de leur intérêt à agir.

Les trois organisations pré-citées ont rejeté le « plan de paix » de Trump mais peu de capitales arabes osent se dresser contre les USA. Un certain nombre, même, avaient envoyé leurs ambassadeurs à la Maison Blanche, lors de la présentation du plan Trump pour la Paix. De même, lorsque le 6 décembre 2017, Trump déclarait Jérusalem, capitale d’Israël, au-delà du vote de la résolution de l’ONU condamnant, implicitement, l’initiative US, aucun régime arabe ne manifesta ouvertement sa réprobation.

Ils font le choix de leur impuissance face à Israël, incapables d’agir contre l’annexion de la Cisjordanie ou de mettre fin au blocus de Gaza. Le temps où Ryad, sous l’égide de la Ligue Arabe (en 2002 puis en 2007) proposait la paix et la restitution des territoires occupés après la guerre des 6 jours, est révolu. L’Arabie Saoudite, obsédée par la menace iranienne, serait prête à nouer une alliance avec Israël. Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Egypte… sont alliés des Etats-Unis, certains sont même tributaires de leur aide financière. Tous partagent l’hostilité d’Israël envers l’ennemi commun iranien. Et comme on n’est jamais sûr de ses amis, Trump, pour recevoir un bon accueil à son « plan » leur a adressé ainsi qu’aux pays occidentaux, les éléments de langage à utiliser : « Nous remercions le président Trump de ses efforts pour faire progresser ce top long conflit… Nous considérons que le projet est une proposition, réaliste, qui aboutira à des issues positives, etc… » (3). L’Iran, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais ont dénoncé quant à eux la trahison des « frères arabes » envers la cause palestinienne.

Quant aux Occidentaux et notamment la France, ils ont « salué les efforts du président Trump », se contentant d’avertissements auprès des autorités israéliennes. Mais les pays européens n’interviendront pas. La France et d’autres parlent de mesures punitives, sachant que pour qu’elles soient effectives, les 27 pays membres doivent tous être d’accord, ce qui ne peut être le cas : la Hongrie et la République tchèque sont les alliés d’Israël…

Les Palestiniens, à l’ONU, n’ont pas eu assez de soutiens pour faire adopter par le Conseil de Sécurité, une résolution qui, au minimum, aurait rappelé tous les principes enterrés par Israël.

Enfin, les divisions palestiniennes (entre l’Autorité palestinienne et le Hamas) ne facilitent pas la riposte. Mahmoud Abbas, discrédité par les Palestiniens, « se confine dans un immobilisme agrémenté de quelques actions diplomatiques sans conséquences ».

Les réactions « de la rue » sont sans doute les seules qui manifestent leur soutien aux Palestiniens, même si le mouvement de solidarité internationale n’est plus celui des années passées. Au Maroc, des dizaines de milliers de manifestants ont dénoncé « le deal du siècle » de Trump. En France, on n’en est plus aux grandes manifestations aux slogans mobilisateurs « Palestine vivra ! » « Palestine vaincra ! » mais à des actions de soutien comme BDS – Boycott Désinvestissement Sanctions – cette campagne internationale lancée en 2005 par 172 associations palestiniennes. Elle vise à mettre fin à l’impunité d’Israël et dénonce toutes les institutions israéliennes impliquées dans la politique coloniale, d’apartheid et d’occupation. Pour informer, alerter et interpeler les citoyens, partout dans le monde, elle défend le boycott (des produits en provenance d’Israël mais aussi le boycott sportif, culturel, universitaire…), le désinvestissement (afin d’obtenir l’arrêt de la collaboration d’entreprises françaises, notamment, à la colonisation et à l’apartheid), des Sanctions (des institutions françaises et européennes contre l’Etat d’Israël qui bafoue le droit international. Ces campagnes, en France, ont donné lieu à des tentatives d’intimidation des lobbys sionistes, ayant conduit à des condamnations de militants de Mulhouse et à une condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (cf carte parue dans le Monde Diplomatique – mars 2020).

L’initiative de Trump est un pas qu’Israël voudrait définitif dans sa politique colonisatrice, faisant disparaître la Palestine. Il y a donc lieu de se lever pour soutenir les Palestiniens. Car, même si l’annexion de territoires palestiniens par Israël est un fait, il est inconcevable qu’elle soit inscrite dans le droit. Inconcevable que les Palestiniens acceptent de céder Jérusalem-Est à Israël et que leur capitale soit reléguée dans le faubourg éloigné d’Abou Dis. Inconcevable que la seule souveraineté qu’ils puissent exercer soit celle d’aller au travail le matin (en empruntant ponts, tunnel… contrôlés par les Israéliens) et de rentrer dormir chez eux le soir ! Ca, ça ne s’appelle pas un Etat mais une prison à ciel ouvert. Il y a déjà Gaza ! Il y aurait la Cisjordanie totalement mitée par la présence militaire israélienne. Inconcevable que la vallée du Jourdain (27 % de la Cisjordanie) soit exclusivement  dédiée à l’agriculture israélienne.

Seuls les Palestiniens ont été, depuis toujours, le principal obstacle à la politique de colonisation d’Israël. Ont-ils, encore, la capacité de résister ?

Pour Julien Salingue (4), « le plan Trump va servir de caution à l’accélération des politiques coloniales israéliennes, avec une rapide annexion des blocs de colonies et de la vallée du Jourdain. Reste à savoir si le nouveau pas qu’Israël s’apprête à franchir va contraindre les principales forces d’un Mouvement national palestinien moribond et en crise, à faire le « grand saut » et à mettre à exécution une menace maintes fois agitée : annoncer la dissolution, au moins politique, de l’Autorité Palestinienne, étape indispensable pour en finir avec la fiction de « l’autonomie » ou du « proto-Etat » palestinien, et pour mettre Israël devant ses responsabilités de puissance occupante… Une décision qui ouvrirait la possibilité d’une refonte à terme du mouvement national incluant l’ensemble des forces palestiniennes autour d’objectifs de libération et non la gestion d’un pseudo appareil d’Etat…  Il ne fait guère de doute que la page de la lutte « pour un Etat palestinien indépendant au côté d’Israël au terme d’un processus négocié » est définitivement tournée et que les Palestiniens auront besoin d’un puissant mouvement de solidarité internationale dans leur combat contre le régime d’apartheid israélien ».

Odile Mangeot, le 23.06.2020

Sources : Le monde diplomatique (mars 2020), Le Monde diplomatique, Manière de Voir (février-mars 2018) Palestine. Un peuple, une colonisation - Politis


(1)   Dans le Monde Diplomatique - mars 2020
(2)   Ligue arabe – créée en 1945 – par Egypte, Arabie Saoudite, Irak, Jordanie, Liban et Syrie. Compte 22 Etats arabes. Siège au Caire. Organisation de la Coopération islamique (OCI) créée en 1969 – siège : Arabie Saoudite – détient une délégation permanente à l’ONU. L’Union africaine : fondée par Kadhafi en 2002 - 55 membres – siège : Afrique du Sud
(3)   Georges Malbrunot dans le Figaro (février 2020)
(4)   Sur le site du NPA, Julien Salingue, enseignant en sciences politiques, militant politique, auteur d’ouvrages sur la Palestine et notamment « A la recherche de la Palestine. Au-delà du mirage d’Oslo »   


Voir la carte du « deal Trump », parue dans le Monde diplomatique mars 2020