Ci-dessous, éditorial du PES n° 33
pour s'abonner : aesfc@orange.fr
Dans ce dernier numéro
- un dossier sur "les migrations d'aujourd'hui. Comprendre"
- le poids de la migration mexicaine sur l'économie états-unienne
- Décourager et refouler les exilés
- Le 8 mars ? Plus que jamais !
- Lanceurs d'alerte : faux acquittés, vrais condamnés
- élections présidentielles : nos lecteurs réagissent - Contre analyse du 1er tour
et nos rubriques Ils, elles luttent et Nous avons lu
Les
surprises et les impasses
Décidément, cette élection
présidentielle n’en finit pas de nous surprendre en bonnes et mauvaises
nouvelles.
Parmi les cadors des partis
d’alternance c’est l’hécatombe : Sarko, Juppé éliminés, Hamon enfoncé,
Fillon renvoyé avec ses casseroles en son château après avoir pris une dernière
veste. Ce dernier a montré à quel point la caste politicienne des vieilles
badernes est corrompue à force de vouloir ressembler à l’oligarchie qu’elle
sert depuis tant d’années. Empêtrés dans leurs vaines querelles pour ravir les
subsides des appareils qui leur servent de marchepied pour conserver leurs
places, ils semblent tous sonner le tocsin du système bipartisan de la 5ème
République. Ni le scrutin uninominal à deux tours institué pour la faire
perdurer, ni l’invocation d’un improbable front républicain, ne seront
certainement capables pour l’heure de restaurer la suprématie de LR, encore
moins du PS en miettes, aux législatives à venir.
Surprenant d’enthousiasme fut, par
contre, le score des Insoumis de
Mélenchon, le seul d’ailleurs à faire réellement reculer le FN sur ses terres
de conquête. On l’attendait à 14% des suffrages exprimés, il est allé mordre
les mollets de Fillon à 19%. Même si cette espérance électorale n’est pas à la hauteur
de certaines attentes démesurées, elle la fait revivre car elle trouve sa
source dans le creuset des mobilisations altermondialistes, contre le TCE, des luttes
sociales et Nuit debout… C’est là le début d’un processus politique qui, à
terme, peut changer la donne. Mais l’on sait que le chemin sera semé
d’embûches, les expériences grecques et espagnoles en témoignent.
Restent les mauvaises nouvelles :
Le Pen comme dernière carte à jouer de l’oligarchie régnante. Depuis 30 ans,
les classes dominantes s’en servent comme épouvantail pour maintenir le système
bipartisan tout en lui traçant un boulevard sur les champs de la désolation des
délocalisations, du chômage et de la précarité. Et le FN, dédiabolisé, s’est
adapté : de reaganiens libéraux et antisémites, les nostalgiques de Vichy
et de l’OAS se sont délestés de leurs oripeaux originaux. Leur mue
« national-socialiste» est bien plus dangereuse. Marquée par le népotisme,
la dynastie familiale des Le Pen, assujettie à l’ISF, est totalement décomplexée
vis-à-vis de la captation de l’argent public. Quoiqu’on en dise, son heure
n’est pas (encore !) venue, les liens avec les milieux financiers sont
insuffisants, la capture des débris des conservateurs droitiers à peine
entamée. Il n’empêche, son score au premier tour, dans les milieux populaires
déshérités, désorientés, xénophobes, constitue un indéniable succès. Elle peut
espérer une présence non négligeable à l’assemblée nationale.
Et puis, il y a Macron, l’oligarque
nouvelle-génération, star bling-bling de l’uberisation accélérée du processus
de démantèlement dudit « Etat social », pour être en phase avec
Merkel. Son fallacieux programme vise à reclasser quelques vieux chevaux de
retour au sein des nouveaux visages technos. Cette union sacrée rafraîchie augure
d’une régression sans précédent. Financé (et applaudi) par les banques
anglo-saxonnes et états-uniennes, Macron s’apprête à continuer avec plus de
vigueur le travail entrepris par Hollande et Sarko, casser le droit du travail,
réduire à portion congrue l’influence des appareils syndicaux, supprimer l’ISF,
étrangler les collectivités locales et les services publics, paupériser encore
plus les perdants de la mondialisation… Bref, l’impasse.
Cynique et arrogant, ce jeune loup
ambitieux pourrait très vite en rabattre. Il n’est nullement assuré de disposer
d’une majorité à convenance pour lancer ses ordonnances antisociales. Ses
opposants gouvernementaux veulent lui tenir la dragée haute pour continuer
d’exister et lui disputer des postes ministériels. A cette ingouvernabilité
plus que probable, le mouvement social, à l’exemple de la Guyane, pourrait
s’inviter tout en bousculant les appareils syndicaux. On peut du moins
l’espérer, tout comme la possibilité d’acquérir des victoires qui fassent
reculer le pouvoir et démasquer par la même occasion l’imposture lepéniste.
Demeure toutefois, comme un frein à cette mobilisation souhaitée, la xénophobie
gangrenant les esprits, l’apathie légitimiste de la délégation de pouvoir face
au besoin de démocratie bouillonnante par en bas : se convaincre qu’il n’est
point de sauver suprême pour mieux déborder, destituer pour instituer la transformation
sociale en marche.
Le 29.042017