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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 2 mai 2017

  Décourager et refouler les exilés

Ce sont les deux mamelles de la « politique d’accueil » à la française. Pour afficher un chiffre de demandeurs d’asile inférieur à 100 000/an, l’Etat met en œuvre des stratégies honteuses, bafouant la loi sans vergogne. Pourtant, la France, en 2016, a enregistré peu de demandes d’asile par rapport à ses voisins : 85 700 contre 722 300 en Allemagne et 121 200 en Italie.

Les méthodes ont de quoi faire dresser les cheveux sur la tête. En effet, l’Etat,  soit fait tout pour ne pas enregistrer les demandeurs, soit fait tout pour les faire partir ou les expulser

La dissuasion silencieuse.

L’Etat éloigne les services d’accueil des exilés. A Calais, le guichet « asile » à la Préfecture a été fermé en octobre 2016 simultanément au démantèlement de la jungle. Pas d’accueil, pas de migrants ? Ils sont là pourtant et doivent aller à Lille. Mohamed, 26 ans, Soudanais, a attendu, à la rue, plusieurs semaines pour obtenir un rendez-vous, enfin fixé au 28 mars ; ce jour-là il tente de prendre le train de 8h33 mais…est arrêté par la police sur le trajet de la gare…ressorti trop tard pour prendre le train, sans billet car confisqué. Pour reprendre un rendez-vous : 3 à 5 semaines d’attente… s’il n’est pas arrêté par la police entre-temps, sans-papiers !

C’est un véritable parcours du combattant pour être enregistré demandeur d’asile. A Paris, nombreux sont ceux qui ne peuvent être hébergés au Centre humanitaire de Transit, trop exigu. Ils tentent d’atteindre, alors, France Terre d’Asile (association habilitée par la Préfecture) pour se faire enregistrer. Pour obtenir un rendez-vous plus rapide ils dorment sur le trottoir devant la porte… Inutile ! La préfecture contingente les accueils à FTDA : il faut au moins 2 semaines d’attente pour entrer + 40 jours pour obtenir le rendez-vous à la Préfecture. Pendant ce temps, vigilance ! Mieux vaut ne pas être arrêté par la police, car, sans-papiers, l’exilé devenu errant peut être envoyé en centre de rétention, voire expulsé. L’Etat est hors la loi, celle-ci précisant que l’attente ne doit pas excéder 10 jours ! Les protestations des associations solidaires n’ayant pas suffi (Cimade, Groupe accueil et Solidarité, Gisti, Dom’Asile), elles ont déposé une plainte contre l’Etat… En attendant, pas d’enregistrement = pas de papiers = pas de ressources. L’Etat économise 6.80€/jour/personne d’allocation d’attente délivrée obligatoirement !

Le refoulement inventif

Les forces de l’ordre refoulent. Ça aussi, c’est illégal et les militants de l’association Roya citoyenne (un certain Cédric Herrou et plein d’autres) s’y opposent mais… ça se passe. Entre Vintimille et Menton, la police renvoie en Italie, systématiquement, ceux qui passent la frontière au prétexte d’accords bilatéraux ? En 2016 ce sont 35 000 migrants qui ont été interpelés et réexpédiés en Italie. La loi ? Celle qui oblige, lorsqu’un migrant demande l’asile en France, à l’orienter vers le service compétent ? Bafouée ! Il a fallu qu’un avocat soit témoin de cette procédure et porte l’affaire en justice pour que le Tribunal administratif, le 31 mars, qualifie cette politique du Préfet de « manifestement illégale ».Quelle condamnation ? A ne pas recommencer !     

La directive «Dublin » par contre est appliquée avec zèle !
Les « dublinés » sont ceux qui ont laissé des empreintes dans le pays par lequel ils sont entrés. La loi prévoit que le demandeur d’asile peut être renvoyé dans le pays de premier accueil. Cela prend du temps et n’aboutit pas forcément car les pays voisins sont de plus en plus réticents à accepter. En 2016, Paris a demandé 25 963 fois à un pays voisin de reprendre des migrants dits « dublinés », en 2015, seuls 14 308 ont été effectivement renvoyés. La procédure-retour n’empêche pas d’enregistrer le demandeur, cela lui permet d’être en règle avec la police, de percevoir l’allocation de subsistance et d’avoir une couverture médicale minimale… sinon : rien ! Mais l’Etat fait du zèle et invente des passages administratifs supplémentaires, véritables labyrinthes incompréhensibles, se terminant en nasses pour refouler un maximum d’exilés. (encart 1)


Inutile de chercher un changement positif en matière de politique d’accueil des exilés de la guerre et de la misère auprès des deux qualifiés au 2ème tour, l’un c’est la peste, l’autre le choléra. Mieux vaut se préparer à nos « obligations » de résister. Faire comprendre la réalité des histoires de vie ou de mort de tous ceux qui quittent tout pour chercher l’asile, la protection, est une première obligation. Dénoncer les illégalités commises par l’Etat et déposer des plaintes est une deuxième obligation. Rétablir la vérité des méthodes et des chiffres, notamment, est une troisième obligation pour ne pas laisser dire et faire n’importe quoi, et laisser prospérer, par le silence, le  terreau de la xénophobie et du racisme.  (encart 2)

Odile Mangeot, le 27.04.17

Sources :
Le Monde Diplomatique avril 2017 – Dossier « Présidentielle », article Embarras de la gauche sur l’immigration de Benoît Bréville
 Le Monde 12 avril 2017 Comment la France décourage la demande d’asile

Encart 1
Un jeune Ivoirien
Arrivé à Paris en janvier, cherchant un hébergement au Centre humanitaire, après quelques nuits dehors, s’est rendu au CESA, qui a engagé une procédure-retour vers l’Italie ; hébergé dans un hôtel en attendant, l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) n’instruit pas sa demande d’asile. A force d’insister, soutenu par la Cimade, il obtient un rendez-vous le 21 avril (au bout de 4 mois !)… mais, entretemps, la préfecture a pris un arrêté l’obligeant à quitter le territoire, et a annulé le rendez-vous…

Encart 2
La vérité des chiffres
En 2016, sur 227 550 titres de séjour attribués, seuls 32 285 l’ont été pour des motifs humanitaires (réfugié, asile territorial ou protection subsidiaire, étranger malade).
Les autres motifs sont :
-        Familiaux 88 010 (dont 48 725 concernent des familles de Français)
-        Etudes : 70 250
-        Economiques : 22 575
-        Divers (visiteur, étranger entré mineur, ancien combattant, retraité…) : 14 430

Le Monde Diplomatique avril 2017