Guadeloupe. Mé 67, Vérité, Jistis,
Réparasyon !
Deux mois
après une première vague de débrayages, le 24 mai 1967, les ouvriers du
bâtiment entrent en grève pour réclamer 2% d’augmentation et la parité avec la
métropole en matière de droits sociaux. La Guadeloupe est un département
français depuis 1946. Le 26 mai matin, la mobilisation des ouvriers donne lieu
à une « répression énergique » : bastonnades, coups de crosse,
tirs tendus sur les ouvriers qui se rassemblent, encore plus nombreux, à la
chambre de commerce de Pointe-à-Pitre où se tiennent les négociations. Le
patronat, représenté par Brizzard,
refuse toute augmentation et déclare : « Quand les nègres auront faim, ils
reprendront le travail ! ». La colère monte. Les CRS, les
« Képis rouges » envoyés par le gouvernement de De Gaulle s’apprêtent
et c’est l’affrontement ! A 15h35, le commissaire Canalès désigne un
manifestant du doigt. Rafales de fusils automatiques. Un homme tombe, Jacques
Nestor, 26 ans militant du GONG (Groupe d’Organisation nationale de la
Guadeloupe, indépendantiste) puis un deuxième, puis un troisième. Les
armureries sont prises d’assaut par la résistance populaire. De nouvelles
troupes de parachutistes arrivent en renfort. A 20h, la décision est prise
d’envoyer des jeeps militaires équipées d’une mitrailleuse avec le mot
d’ordre : « tirer sur tout ce
qui bouge, qui est noir ou qui tire ses origines de cette couleur ». A
minuit, un avion militaire en provenance de Martinique vomit d’autres assassins
pour « finir le travail ».
A 2 heures du matin, le silence se fait. Le bilan officiel est de 8 morts. En 1985,
Lemoine, ministre de Fabius, lâche le chiffre de 87 morts. Taubira évoquera 100
morts. Certains parlent du double. Quant aux responsables de cette tragédie, ils
n’ont jamais été inquiétés ; sont cités les noms du commissaire Canalès, du
préfet Bollotte, des ministres Pierre Billotte, Christian Fouchet ministre de
l’Intérieur et Pierre Messmer, ministre des Armées et surtout Jacques Foccart,
alors secrétaire de l’Elysée aux affaires africaines et malgaches. Foccart
était le fils d’une béké guadeloupéenne de Gourbeyre (Elmire de Courtemanche de
La Clémandière) et d’un planteur de bananes d’origine alsacienne (Guillaume
Koch-Foccart). Mais personne n’a jamais osé accuser le 1er ministre
Pompidou, ni le général De Gaulle. Dans
la mémoire collective guadeloupéenne, les séquelles sont d’autant plus vivaces
que le massacre a été occulté dans l’histoire de la 5ème République.
Le Kolèktif Doubout Pou mé 67 revendique Vérité
et Justice : la reconnaissance de ce crime colonial, l’ouverture des archives,
des réparations pour les victimes et leurs familles, la condamnation de l’Etat
responsable. 50 ans après, il
organise une grande marche le 27 mai 2017 à Paris. Infos sur http://paris-luttes.info