JEU DE RACKET !
Dans PES n° 65, nous évoquions le Tour
de France, cette « magnifique » épreuve populaire, gratuite, qui
diffuse les valeurs humanistes du sport… mais qui est, en fait, un barnum privé
dont le principal objectif, avec le concours du Service Public de la télévision,
est d’abrutir les classes populaires et au passage de gagner beaucoup d’argent
que se partagent les coureurs, les entraineurs, les organisateurs… tous plus
tricheurs les uns que les autres. L’objectif était cette année qu’un Français
remporte (enfin) cette épreuve, 35 ans après Bernard Hinault - celui qui disait
éprouver de la jouissance à dominer les autres. Le but étant de relancer l’intérêt
du public français surtout jeune, et les audiences TV et amener de nouveaux
sponsors. Pour cela, un parcours sur mesure avait été tracé pour favoriser les
coureurs français. Raté ! la dernière étape (Lure/La Planche des Belles
Filles), qui devait voir un Français triompher dans la liesse populaire a vu,
en fait, s’affronter pour la 1ère place, deux coureurs slovènes et
un coureur né en Tasmanie ; cela aura au moins permis de réviser sa
géographie. Le 1er Français est à la 11ème place.
La moyenne d’âge des téléspectateurs est
de 62 ans et beaucoup disent regarder cette course pour voir des paysages… Il
semble donc que cette épreuve « machiste et polluante », selon
le nouveau maire de Lyon – premier homme politique ayant osé critiquer cette
institution - va perdre de sa notoriété. Les temps de retransmission TV
vont sans doute diminuer et l’épreuve perdre donc de son impact. Mais les
classes dirigeantes ne vont pas laisser le cerveau des masses ouvrières sans
occupation. Celles-ci risqueraient de lire, parler à leurs voisins, échanger,
s’enrichir mutuellement, réfléchir sur les conditions de leurs exploitations et
chercher des solutions pour y échapper. Face à un tel danger, il leur faut
réagir rapidement : TF1, BFM TV, CNEWS assument toujours leur part de
« boulot » mais il faut des évènements exceptionnels, des pics
d’émotion pour être plus efficaces.
Le tournoi de
tennis Roland Garros
Il semble être l’événement en passe de surpasser
le Tour de France. Un signe qui ne trompe pas, est l’investissement énorme du service
public : plus de 200 heures de retransmission en France et des droits d’images
d’environ 20 millions d’euros. Le chiffre exact est difficile à connaitre car,
si le cyclisme nage en eau trouble, le tennis lui c’est carrément dans les eaux
noires. Si les sommes d’argent brassées par le cyclisme (prime au vainqueur du
Tour de France = 35 années de Smic) vous procurent des haut-le-cœur, prenez
préventivement des anti-nauséeux, car pour les tennismen (tenniswomen), c’est
de l’argent de poche !
Au cours de ce tournoi les 200 joueurs
et joueuses vont se partager 42 millions d’euros. Ceux qui sont
éliminés au premier tour, donc qui n’ont fait qu’un seul match, empochent
60 000 euros. Celui et celle qui vont gagner le tournoi empocheront chacun.e
1,6 million d’euros. A noter que le
tennis est le seul sport où les primes distribuées sont les mêmes pour
les joueurs que pour les joueuses.
Le vainqueur du tournoi cette année est
un espagnol, Raphaël Nadal, dont la fortune est de plus de 200 millions d’euros. La montre qu’il portait
pendant cette finale est une édition limitée d’une grande marque vendue
650 000 euros. Il possède une
école de tennis sur l’île de Majorque où les jeunes peuvent
pratiquer cette discipline ; il vaut tout de même mieux qu’ils aient des
parents un peu fortunés puisque la cotisation est de 56 000 euros/an. Ses
revenus journaliers sont estimés à environ 13 000 euros.
Ce tournoi se déroule au stade Roland
Garros, situé dans le bois de Boulogne à Paris. En 2015, des travaux
d’agrandissement prévoyaient de détruire une partie des serres d’Auteuil
(classées monument historique). Heureusement, des associations locales s’y sont
opposées et cette extension a été revue à la baisse. 350 millions d’euros y ont
tout de même été consacrés pour construire 2 nouveaux courts et des gradins qui
ne sont utilisés que 15 jours
par an.
150 personnes sans domicile fixe ont été dénombrées dans cette forêt, au cours de la nuit de la
solidarité du 30 au 31 janvier 2020,
Pendant les 15 jours du tournoi, ces
personnes n’ont pas été conviées dans le public. Pour protéger les jambes des
spectateurs de la fraîcheur, on n’utilise pas des couvertures du Secours
Populaire : la mode cette année, c’était le plaid Louis Vuitton à 1030
euros pièce. C’est l’élite fortunée parisienne qui s’y retrouve. A
Roland Garros, pas d’agitateurs, pas d’idéologues… que des gens bien- pensants
et sympathiques ! Parmi les habitués qui viennent se montrer dans les
tribunes et qui bien évidemment sont invités : Patrick Bruel, Louis
Sarkozy, Arthur, la famille Belmondo, Dominique de Villepin, Jérôme Cahuzac…
Que du beau monde… !!
Pas de risque d’y voir des drapeaux
palestiniens !
Si je vous parle de drapeaux
palestiniens c’est que, pendant le Tour de France, pour protester contre la
présence de l’équipe Israël Start-up
Nation, des militants ont tenté de protester en les déployant. La
télévision a « bien » joué son rôle, a « bien » censuré, et
donc, aucun de ces drapeaux n’a pu être vu à l’écran. A Roland Garros, aucun
risque d’en voir dans les tribunes, des drapeaux israéliens peut-être … !
Les sponsors
Concernant l’éthique des principaux
sponsors il faut reconnaitre que le tournoi de Roland Garros a frappé très très
fort. En effet les 2 sponsors principaux sont BNP Paribas et la compagnie
aérienne des Emirats Arabes Unis.
BNP PARIBAS est une banque
française visée par une enquête pour complicité de crimes contre l’humanité,
pour sa participation active au financement du gouvernement soudanais d’Omar El
Bachir, impliqué dans le génocide du Darfour. Elle est également visée
par une autre enquête lors du génocide du Rwanda. Dans ce dernier cas,
elle a déjà été condamnée à verser une amende de 8,8 milliards de dollars pour
ne pas avoir respecté les sanctions édictées par l’ONU, les USA et l’Union
Européenne.
Les Emirats Arabes Unis, quant à eux, sont
décrits par l’ONG Human Rights Watch comme un
pays ultra réactionnaire et conservateur, dont le système social est
« un système archaïque exposant les travailleurs émigrés à des conditions
proches de l’esclavage ». Les ouvriers sont sous la tutelle d’un
patron responsable des démarches pour les visas. Ces derniers sont confisqués
systématiquement à leur arrivée, les empêchant de repartir librement. Bien
évidemment, manifestations et syndicats sont
interdits. Dans ce charmant pays on peut être condamné.e à mort pour avoir menacé
« la paix sociale ». A noter que les Emirats Arabes Unis possèdent
une équipe cycliste professionnelle et c’est d’ailleurs un de ses coureurs qui
a gagné le Tour de France cette année. Entre coquins, pardon, copains, on se
retrouve dans la pratique sportive.
Un autre sponsor important est la société PSA. Peugeot met gracieusement à disposition
des joueurs, des organisateurs, des VIP, 250 véhicules. Que des véhicules
de très haut de gamme ! Les ouvriers de PSA, qui n’ont quasiment pas le
temps d’aller aux toilettes pendant leur travail, apprécieront.
Concernant l’éthique des joueurs, là c’est
presque parfait… De très rares cas de dopages sont avérés ; pourtant
certains joueurs qui pèsent 55 kg à 17 ans en font 80 à 18, mais bien sûr rien
que de très naturel dans ce changement … ! André Agassi, joueur
américain, numéro 1 mondial dans les années 90, a reconnu, dans son
autobiographie, qu’il avait été contrôlé positif à un produit dopant et que la
Fédération Internationale de Tennis lui avait proposé d’étouffer l’affaire, de
ne pas la rendre publique, en échange d’un éloignement de quelques mois des
courts afin de ne pas salir l’image de ce sport. Il semble que cette pratique
soit généralisée dans ce sport car beaucoup de joueurs disparaissent
momentanément du circuit quelques mois, voire une année, puis réapparaissent et
reprennent leur participation aux compétitions, tout naturellement. La
Fédération, les organisateurs, sont complices d’un dopage quasi systématique,
mais les affaires sont méthodiquement étouffées pour ne pas nuire à l’image du
tennis et surtout pour ne pas réduire les sommes astronomiques que ce sport
engendre.
Dans l’article
sur le Tour de France
je demandais, symboliquement, aux travailleurs exploités de se mettre sur la
route pour empêcher l’épreuve de se dérouler mais pour le tennis, ce sera
beaucoup plus difficile puisque, pour accéder aux courts, il faut payer son
entrée (prix des places pour la finale entre 155 et 325 euros), alors que les
membres de la Haute Société Parisienne sont invités gratuitement.
Malgré tout le mal que se donnent les
journalistes pour vanter les mérites du tennis, celui-ci est, comme tous les
sports de compétition professionnels avant tout un spectacle, un moyen
d’aliéner les travailleurs exploités.
« Du pain et des jeux », cette
formule vieille de plus de 20 siècles semble hélas toujours d’actualité.
Jean-Louis
Lamboley