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Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 1 octobre 2020

 

Le lobby des pesticides. Scandaleux et criminel

 

De longue date, des organisations écolos et paysannes dénoncent le lobbying de l’agro-industrie ; elles luttent contre l’usage des produits phytosanitaires provoquant des dégâts importants en matière de santé humaine, mais aussi en matière d’environnement et de biodiversité. L’Union Européenne et les Etats qui la constituent, au service d’une agriculture productiviste sous influence des lobbys agro-chimiques et, en France, du syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, interdisent l’usage des produits phytosanitaires sur leurs territoires tout en autorisant leur exportation. Subtile la nuance, il fallait oser ! Ils assument ce scandale, qui ne fait pas la Une des médias-mensonges, et se dissimulent derrière des gestes symboliques hypocrites : le dernier exemple du gouvernement Macron est la  Convention citoyenne pour le climat, à l’issue de laquelle il s’est empressé d’ignorer l’une de ses conclusions, à savoir le moratoire sur la 5G. Les gouvernements successifs se plient aux volontés de l’agro-business exigeant suspension puis suppression des normes sociales et environnementales au mépris de la santé des hommes et de la disparition inquiétante des espèces animales. Ainsi va la « démocratie » dans nos pays dits avancés et plus particulièrement, la politique du « en même temps » de Macron.  

 

1 - Interdire l’usage et autoriser la production et l’exportation

 

Une enquête menée par l’association suisse Public Eye et la branche britannique de Greenpeace (1) révèle une politique scandaleuse et criminelle de l’Union européenne et des Etats qui la composent. En effet, l’UE autorise chaque année les industriels agrochimiques à produire et exporter des tonnes de pesticides dont elle interdit l’usage sur son territoire, du fait de leur très haute toxicité. Autrement dit, elle produit et exporte des poisons aux pays importateurs, en sachant qu’ils sont dangereux pour la santé de leurs habitants et pour l’environnement.

 

En 2018, plus de 81 000 tonnes de produits phytosanitaires dangereux ont été exportées hors de l’UE, contenant des substances bannies d’usage depuis plus de 10 ans sur son propre territoire.

 

Si le Royaume Uni est le 1er exportateur en volume de produits exportés, la France est n° 1 en nombre de substances prohibées différentes, elle en produit 18. Les 7 principaux pays européens exportateurs outre les deux précédemment cités, sont l’Italie, l’Allemagne, les Pays Bas, l’Espagne et la Belgique. Ils  exportent plus de 90 % de leurs produits dans 85 pays hors UE. En 2018, 41 types de pesticides interdits en UE ont été autorisés à l’exportation, informations couvertes par le « secret des affaires ».

 

Où sont exportés ces produits dangereux ?

 

Dans les pays qui ne les interdisent pas ! En priorité aux Etats-Unis, au Brésil et en Ukraine, mais aussi au Mexique, en Russie, en Asie, en Océanie et en Afrique. Si le premier « client » sont les Etats-Unis, le Brésil a atteint la deuxième place des acheteurs, et ce, depuis l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droitier Bolsonaro.

 

Ils ne manquent pas d’audace ceux qui ont inventé cette scandaleuse exportation des produits alimentaires toxiques, car, au bout du compte, les Européens « profitent », en retour, de ces produits dangereux puisque les pays importateurs sont aussi exportateurs de produits alimentaires : ceux-ci  réapparaissent sur l’étal de nos marchés, sous la forme d’oranges, de mangues, de papayes, de soja brésiliens ou encore de café mexicain ou de blé ukrainien. Ainsi les résidus de pesticides ultra-toxiques s’invitent à notre table.  

 

Ni l’UE, ni les gouvernements n’ignorent la dangerosité de la carbendazine, par exemple, pouvant provoquer des anomalies génétiques et nuire au fœtus, détectée dans les fruits mais aussi dans les haricots et le soja !

Quels autres poisons ingurgitons-nous sans le savoir ? Qui en profite ?

 

Le paraquat. Cet herbicide commercialisé depuis 1962, est massivement utilisé dans les monocultures de maïs, soja ou coton, interdit en UE depuis 2007 pour risques d’empoisonnement mortels pour les agriculteurs qui l’utilisent. Produit par la firme suisse Syngenta dans son usine britannique. Elle en a exporté plus de 28 000 tonnes en 2018 vers l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique.

Le dichloropropène. Classé comme cancérogène probable est utilisé dans la culture de légumes ; il est commercialisé par l’étatsunienne Corteva, notamment pour les tomates du Maroc (15 000 tonnes exportées en 2018).

La cyanamide est un régulateur de croissance utilisé dans la vigne et les fruits. Banni de l’UE en 2008, ce probable cancérogène portant atteinte à la fertilité, est produit par l’allemande AlzChem et exportée au Pérou, au Chili et en Afrique du Sud.

L’atrazine, utilisée comme désherbant du maïs est interdite en UE depuis 2003, potentiel cancérogène ; elle est toujours produite en France par l’usine de Syngenta dans le Gard.

 

Arrêtons-là cette liste qui, nous l’avons compris, permet à quelques dizaines d’industries agro-chimiques d’influencer les décideurs de l’UE et de ses Etats membres.

 

Comment est-ce possible d’interdire sur le territoire européen l’usage de produits dont la dangerosité est prouvée, et en même temps, d’autoriser leur production et leur exportation ? C’est qu’il y a un vide juridique, créé au service de l’industrie des agro-toxiques que les gouvernants européens n’ont pas l’intention de combler d’autant qu’ils n’y voient aucune violation des Droits de l’Homme. Cette politique de l’UE, approuvée par « nos » ministres et « nos » députés européens, ne s’est jamais aussi bien portée. En 2019, l’UE a dit oui à l’exportation de 9 nouveaux pesticides interdits, dont la France est producteur pour un grand nombre d’entre eux et notamment un fongicide interdit d’usage depuis 2017, car soupçonné de dommages sur le génome. Le principe de précaution est à géométrie variable quand il s’agit de faire du profit !

 

2 - Pourtant, la France a annoncé la fin des pesticides les plus nocifs en 2022 !

 

A l’issue des Etats Généraux de l’Agriculture et de l’Alimentation (été 2018), la loi EGALIM (30.10.2018) prohibait différents produits phytosanitaires contenant des substances actives non approuvées par l’UE, mais destinées au marché extérieur. La loi Egalim décidait alors d’interdire au 1er janvier 2022 « la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement conformément au règlement du Parlement et du conseil européen du 21.10.2009 ». Seuls les  Pays-Bas avaient l’intention de soutenir cette initiative, la Commission Européenne, quant à elle, renvoyait la responsabilité sur les pays importateurs.

 

Cette « volonté » française s’est heurtée au lobby agrochimique, et notamment à l’UIPP – Union de l’industrie de la protection des plantes – qui entrait aussitôt en action, jouant de son influence auprès du ministre de l’agriculture Travers, pour modifier le calendrier, ce qui reportait le délai au 1er janvier 2025.

 

Ce lobby, puissant, finit par convaincre le sommet de l’Etat. Aux prétextes de la liberté d’entreprendre et de la sauvegarde de l’emploi dans les usines de fabrication des produits, le ministre se laissa convaincre : la France pourrait exporter quelques années de plus ses poisons agro-chimiques dont les effets sur la santé améliorent… le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques !!!

 

Certains parlementaires, toutefois, saisirent le Conseil Constitutionnel qui maintint la date d’application au 1er janvier 2022. L’UIPP montait aussitôt au créneau et saisissait le Conseil d’Etat, mais le Conseil constitutionnel (le 30 janvier 2020) confirma la mise en œuvre de l’interdiction de produire certaines substances agro-chimiques au 1er janvier 2022. Décision saluée comme historique ! Nous resterons plus prudents et moins enthousiastes, cette interdiction ne s’appliquant que sur les produits « contenant des substances actives non approuvées par l’UE », donc pas sur tous les produits.  Nuance de taille quand on connaît le fonctionnement de l’UE et le lobbying qui la cerne !

 

Et en la matière, l’UIPP pèse lourd. En France, il est le syndicat des entreprises de la protection des plantes : il compte 19 adhérents du secteur agricole, représentant 95 % du marché agricole ; on y retrouve également les « grosses » industries agrochimiques Bayer, Dupont, Syngenta… Par ailleurs, le marché des produits agrochimiques est très concentré : les 10 premières entreprises détiennent 94.5 % des parts et forment un oligopole extrêmement puissant, contrôlant également le marché des ventes de semences commerciales, où 10 entreprises détiennent plus de 75 % du marché mondial. 

 

3 – Prédominance des lobbies au mépris des populations  

 

Les gesticulations de certains parlementaires européens n’y changeront rien. Pour l’UE et ses Etats membres, il n’est absolument pas question de sortir de la politique agricole productiviste. Au contraire, elle se renforce.

 

En 2008, était lancé le plan national Ecophyto, avec l’ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides en 10 ans. Constat d’échec : en 2018 l’utilisation des produits phytos a augmenté de 21 %, malgré plus de 600 millions investis. Le gouvernement Macron a repoussé l’objectif de – 50 % à 2025… L’on peut douter du résultat si l’on écoute la directrice de l’UIPP : « Un monde sans phytos, ce sera comme un monde sans médicaments. Ce n’est pas souhaitable ».    

 

En catimini, la macronie étend le champ du secret des affaires, assouplit les règles sur les marchés publics, multiplie les autorisations de légiférer par ordonnances. Mot d’ordre : déréguler, déréglementer. En ce sens, l’assemblée nationale examine actuellement « la loi d’accélération et simplification de l’action publique », dite ASAP. Le secret des affaires est renforcé. Dans un amendement spécifique (627), il est précisé qu’en matière du code de l’environnement, la loi permettrait au citoyen d’avoir accès aux éléments qui sont de nature à avoir un impact environnemental ou sanitaire, mais « ne peuvent être ni communiqués, ni mis à disposition du public des éléments dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à des secrets de fabrication ou au secret des affaires ». Cet amendement permet aussi aux préfets de délivrer des autorisations temporaires d’installation de sites avec des risques industriels, autorisations qui jusqu’ici relevaient d’autorisations environnementales ministérielles. Le préfet pourra déroger à certaines normes réglementaires en matière de construction, logement, urbanisme, emploi, aménagement du territoire et environnement ; il pourra restreindre la durée d’une enquête publique, passer outre une étude d’impact, limiter certaines consultations préalables ou déroger à la nomenclature dite ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement). 

 

En matière agricole, Greenpeace, la Confédération paysanne ou Générations futures ont dénoncé « les manœuvres menées par les partisans de l’agriculture industrielle ». Le syndicat majoritaire, la FNSEA, et des distributeurs ont instrumentalisé la crise sanitaire pour imposer leur vision de l’agriculture productiviste, en tentant de détricoter la réglementation sanitaire et environnementale. Ils conduisent l’alimentation vers une impasse et les paysans vers la précarité économique, dans un contexte d’émergence d’une crise alimentaire majeure partout dans le monde. Pour exemples : des syndicats agricoles ont déposé en pleine crise des cahiers des charges leur permettant de réduire de moitié les distances nationales minimales entre les zones d’épandage de pesticides et les habitations. La grande distribution a augmenté une partie de ses marges par exemple, sur la viande bovine.

 

Ces quelques faits soulignent que les tenants de l’agriculture industrielle ne reculeront devant rien, au mépris de l’environnement. D’autant que Macron plaide pour la ratification du CETA, cet accord de libre-échange signé entre l’UE et le Canada, qui tire vers le bas les normes sociales et environnementales au profit des multinationales. Farines animales, antibiotiques comme facteurs de croissance et OGM sont, par exemple, autorisés au Canada. Le libre-échange prive chacun de ses droits sociaux et environnementaux au nom du seul développement du marché.

 

La dernière preuve de la puissance des lobbies s’illustre par la décision de la toute nouvelle ministre de la transition écologique (B. Pompili) de ré-autoriser l’usage de semences de betteraves sucrières, enrobées de néonicotinoïdes, par dérogation spécifique : magistral « retournement de veste » ! Dans la même veine de prosternation devant les lobbies, le gouvernement a décidé de ne pas suivre les injonctions du Conseil d’Etat l’obligeant à publier avant le 7 août le décret engageant la réglementation comme OGM des variétés rendues tolérantes aux herbicides de colza. Ce sont autant de signaux désastreux allant dans le sens de la protection d’intérêts économiques particuliers aux dépens de l’intérêt général.

 

Et pourtant, en France, on recense, par an, 2 500 cas de cancers de l’enfant dont 500 en meurent. « Imaginez si un accident de bus tuait chaque mois 40 enfants ? interroge André Cicolella, toxicologue, le problème serait pris au sérieux ». « Mais là, tout se passe comme si, dans les esprits, la priorité en matière de gravité et d’urgence était par principe liée aux risques infectieux, comme si la contamination chimique était par nature incertaine quant à ses effets sanitaires ».  Pour lui, l’augmentation des cancers de l’enfant est la preuve accablante de la dégradation de nos milieux de vie et justifie d’urgence une refonte des méthodes, en développant l’« expologie », science de l’exposition aux polluants, croisée à une approche toxicologique et épidémiologique. Mais l’Etat ferme les yeux, mettant en avant les comportements individuels, niant les facteurs environnementaux. C’est que, pour lui, il est hors de question de chercher la culpabilité dans les doses de produits chimiques épandus dans la nature. 

 

En guise de conclusion

 

Nous relayons l’appel du mouvement des Coquelicots qui réclame la fin du recours aux pesticides de synthèse. Plus d’un million de signatures ont été remises le 15 septembre à la ministre Pompili. « Changer de modèle, c’est l’enjeu à 10 ans pour sortir de l’agriculture industrielle. Nous avons besoin de paysans. Ils ne sont plus que 430 000 alors qu’ils étaient encore 7,4 millions en 1946. Seront-ils demain moins de 150 000 rescapés au milieu d’un désert de machines et de détresse, sur une planète dévastée par la crise climatique, la mort des oiseaux, des insectes… ?»(2).

C’est pas gagné ! Mais, pour commencer, interdisons le lobbying, on interdit bien l’usage des sacs  plastiques, nuisibles à l’environnement !

 

Odile Mangeot, le 23.09.2020

Sources : bastamag.net, Reporterre.net, Mediapart, Confédération paysanne

 

(1)    publiée sur Mediapart (14.09.2020) et dans le Monde (11.09.2020)

(2)    sur bastamag.net

 

 

Encart

CETA

Signé le 30.10.2016 par le Canada et l’UE, entré provisoirement en vigueur le 21.09.2017, il supprime les barrières tarifaires et non tarifaires et permet l’exportation des biens et services. Le Parlement européen a dit oui au traité le 15.01.2017 en excluant le système de règlement des différends entre Etats et investisseurs. Seule la partie relevant de la compétence exclusive de l’UE est applicable (90 %). L’application totale ne sera possible qu’après ratification des parlements des 27 Etats membres. A ce jour, le Canada l’a ratifié et 14 des pays européens sur 27 (Autriche, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Portugal, République Tchèque, Slovaquie, Suède. Chypre a voté contre le 1.08.2020. Le Royaume Uni l’avait ratifié en nov. 2018 mais la sortie de l’UE l’en extraira automatiquement.

En France, l’assemblée nationale a voté pour à une très courte majorité (266 voix contre 213) le 23.07.2019 ; le Sénat a repoussé son examen. La Convention Citoyenne pour le Climat, en juin 2020, a dénoncé l’application provisoire tant que les objectifs Climat de l’Accord de Paris n’y sont pas intégrés.

Les mouvements militants opposés à la marchandisation du monde ont permis d’informer et de lutter contre ces traités : Stop CETA, Stop TAFTA. En ce qui concerne le TAFTA (UE-Etats-Unis), tout est gelé suite aux mouvements sociaux et au refus de Trump. La Commission européenne a ré-ouvert les négociations en avril 2019.  

Si un seul des parlements vote contre le CETA, il ne peut être appliqué. Macron va tout faire auprès du futur Sénat (réélu en octobre 2020) pour l’emporter. 

 

Encart  

Retournement de veste magistral

Barbara Pompili, adhérente des Verts (2000-2010), puis à EELV (2010-2015) puis au Parti Ecologiste (De Rugy) en 2016, puis LREM en 2017. Elle fut en 2016/2017, secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité et, à ce titre, fit adopter en juillet 2016 la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et notamment l’interdiction des pesticides contenant des néonicotinoïdes. 4 ans plus tard, le 6 juillet 2020, nommée par Castex ministre de la transition écologique, elle fait l’inverse…. Va-t-elle obtenir le prix de « prosternation devant les lobbies » ? ça le mérite !