Capitalisme
bleu
One Ocean Summit, un sommet pour l’océan pour rien. Un entre soi de
businessmen, à Brest du 9 au 11 février, où se sont croisés scientifiques,
jeunes entreprises, ONG libérales, multinationales (de Total Energie à Nestlé),
banques, assurances et une vingtaine de chefs d’Etats : un festival de la
croissance bleue qui a avalisé l’exploration des fonds marins. Rien sur la
surpêche, sur l’exploitation minière sous-marine. Rien de contraignant sur la
production des plastiques. L’engagement d’une trentaine d’Etats supplémentaires,
une hypocrisie et ce, au nom de la biodiversité, à atteindre 30 % d’aires marines protégées,
principalement dans les pays du Sud, lorgnées
par les multinationales et les industries minières sous-marines puisque le
statut d’aire marine protégée ne leur interdit pas l’extraction ! Rien pour freiner l’expansion des
industries du fret et du tourisme sauf des mesures pour le verdir. Exemple :
une dizaine de ports – comme Marseille – se sont engagés à raccorder les
bateaux au réseau électrique lorsqu’ils sont au mouillage pour éviter de faire
tourner leurs moteurs au fuel !
Des
actions et manifestations ont eu lieu à l’extérieur car « Nous, pêcheurs, on n’est pas invités à ce
genre de sommet » déplore un patron-pêcheur venu de Normandie pour
manifester son désaccord avec les logiques capitalistes, aux côtés d’associations
écologistes et de syndicats « Malheureusement,
l’économie bleue ne comprend pas la pêche, elle va détruire la biodiversité et
industrialiser la mer. La pêche artisanale est en grand danger ». OM.
Fourberies
macroniennes
Cette
vitrine pour le président-candidat Macron fut une « occasion ratée de réfléchir à la façon de réinventer notre rapport à
l’océan » écrit Claire Nouvian – fondatrice de l’association Bloom
pour la défense de l’océan. Les propos qui suivent sont extraits de son article
« Un sommet de l’océan pour pas
grand-chose » le Monde 16.02.22.
« Ce sommet n’a pas servi à grand-chose, sinon
à confirmer la « méthode Macron » : instrumentaliser les annonces
avant les échéances électorales et les calibrer pour optimiser leur effet
médiatique tout en minimisant leur portée environnementale. Ce sommet est un
cas d’école… E. Macron commence par faire de la programmation neurolinguistique
: il martèle des éléments de langage qui
le font passer pour un militant de la planète. Puis il égrène les enjeux de
l’agenda international… appelant avec beaucoup de conviction à la réussite des
négociations de l’OMC visant à mettre fin aux subventions menant à la surpêche dans
le monde. C’est fourbe, ça fonctionne :
sans prendre le moindre engagement, ni même clarifier la position de la France
sur cet enjeu majeur, le président crée
l’illusion d’être courageux sur des sujets structurels qu’en réalité il
évite soigneusement et fait même reculer. Rappelons que son gouvernement a appuyé
la réintroduction des catégories d’aides publiques les plus dangereuses pour
l’océan au moment de la réforme de l’instrument financier européen de la pêche.
La méthodologie présidentielle se poursuit avec des annonces environnementales « à double fond » qui,
appuyées par des chiffres impressionnants, jettent
de la poudre aux yeux, alors qu’elles dissimulent une porte de sortie
permettant de ne pas porter préjudice
aux intérêts financiers, industriels ou commerciaux. Il a annoncé, par exemple,
des objectifs internationaux de protection de 30 % de notre territoire marin…
Qu’en est-il vraiment ? 98 % des zones dites protégées ne protègent pas
les écosystèmes marins des activités extractives à fort impact environnemental,
comme le chalut de fond… Il a parlé de « protection forte », en
évitant de prononcer les seuls mots qui sont sans ambiguïté, « protection
intégrale »… Pour éviter d’aborder les vrais problèmes, il réalisa un véritable slalom… Pas un mot sur la
pêche destructrice émettrice de carbone ni sur le fléchage des subventions vers
ces mêmes pêches industrielles, première cause de destruction de l’océan. Pas
un mot sur la prédation des ressources marines des pays en développement par
nos flottes subventionnées, provoquant insécurité alimentaire et
déstabilisation socio-économique. Silence
assourdissant sur l’exploitation minière dans les grandes profondeurs marines,
le seul endroit de la planète à ne pas avoir été exploité par les humains…
Aujourd’hui, des pays comme la France mettent la pression sur l’agence
onusienne dépositaire de l’autorité sur les fonds marins pour que commence
l’exploitation du dernier biotope vierge de notre planète… Le plan France 2030,
contredisant les objectifs de l’agenda de l’ONU, prévoit d’allouer des
centaines de millions d’euros à « l’exploration » des grandes
profondeurs… Macron voit dans la nature un réservoir de ressources, dans les
ressources une occasion d’exploitation et dans l’exploitation un potentiel de
croissance…
Pour chaque problème, l’humanité a déjà
inventé des solutions, c’est ce qui rend notre époque enthousiasmante. Mais
l’impasse de la volonté politique, voilà ce qui rend notre époque si
angoissante ».