Nous
avons lu
La
grande braderie de l’Est
Pour
plus de reculs par rapport aux bouleversements provoqués par l’agression russe
en Ukraine, il est peut-être temps de (re)lire cet ouvrage paru en 2005. Les
historiens dressent le constat des évènements qui se sont enchaînés après le
démantèlement du mur de Belin et l’implosion de l’URSS. Si les idéologues nous
ont vendu un avenir radieux, marqué par la prospérité, la paix, la démocratie,
la réalité fut tout autre. La vague de privatisations vit émerger un
capitalisme sauvage, liquidant les prestations sociales, culturelles, des
services publics. Ce fut le hold-up du siècle, la corruption et le règne des
escroqueries de toutes natures pour s’emparer des biens publics et nationaux
ainsi que l’apparition d’une caste kleptocrate. Dans le même temps, on a assisté
à l’intrusion, dans les pays de l’Est européen, des multinationales
occidentales avides de conquêtes de nouveaux marchés et attirés par une main
d’œuvre à bas coût. Résultat : ces pays virent une partie de leur jeunesse
migrer vers l’ouest, leurs populations se réduire, les nationalismes resurgir,
les idéologies réactionnaires refleurir et de nouveaux despotes, tel Orban en
Hongrie, s’installer durablement à la tête des Etats. Les auteurs signalent
d’ailleurs que la nomenklatura évincée (et/ou) reconvertie disposait de
privilèges médiocres si on les compare aux oligarques et chefs des réseaux
maffieux qui ont prospéré et qu’il est bien difficile de juguler.
Cet
essai historique balayant différents pays de l’Est, y compris ceux issus de la
guerre de l’OTAN contre l’ex-Yougoslavie, renvoie, sans la traiter, à la situation
de la Russie poutinienne, au rêve tyrannique de reconstituer l’empire
territorial de la Russie tsariste. L’histoire qui s’est déroulée des années
1990 à aujourd’hui n’est pas celle diffusée par la bien-pensance, elle est bien
plus tragique. GD.
Sous
la direction de Claude Karnooh et Bruno
Drweski, Le temps des cerises, 2005, 18€
Ombre
invaincue.
La
survie de la collaboration dans la France de l’après-guerre (1944-1954)
L’auteur,
historien, nous plonge dans les méandres de récits méconnus : ceux des
réseaux fascistes et collaborationnistes, issus du régime de Vichy. Les partisans
français du fascisme et du nazisme ont déployé toute une ingénierie sociale
pour échapper aux tribunaux et négocier leur réapparition publique. Ils se sont
appuyés sur des réseaux anticommunistes durant la guerre froide, se sont
impliqués dans des structures favorisant la construction européenne puis, dans
les années 1950, redressant la tête, ont réorganisé l’extrême-droite. Dans cette
histoire troublante faite de complicités et de compromissions, on croise nombre
de personnages connus, tels Mitterrand et Le Pen. Toutefois, ce qui est plus
troublant c’est la réintroduction des idées pernicieuses que l’on pensait
récusées. Elles sont désormais installées dans de nombreuses sphères du
pouvoir. C’est à travers l’évolution de 13 mouvances décrites que s’ordonnent
la survie et la réapparition de troubles personnages : le Parti Populaire
Français de l’ex-communiste Jacques Doriot, le Rassemblement National Populaire
de Marcel Déat, les Cagoulards d’Eugène Deloncle, les miliciens de Joseph Darnand.
Si ces tristes sires ont disparu, les réseaux reconstitués furent actifs pour
écrire une histoire largement méconnue, passée, et toujours bien présente que
l’on ne peut réduire aux épouvantails Le Pen ou Zemmour. L’héritage de Vichy est
bien partagé. GD
Christophe Bourseiller, ed. Perrin, 2021, 23€