Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 29 mars 2022

 

Con…figurations électorales

 

(Editorial du n° 81 de PES)

 

Que peut-on espérer des élections présidentielles et des législatives qui suivront ? Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine où les citoyens déjà désarmés sont sidérés, pressentant les vents mauvais à venir, les illusions proférées ne sont guère de mise. Et pourtant Macron s’époumone à appeler Poutine à la désescalade et semble croire à la reconduction de son mandat sans débat. Nombreux sont ceux qui subodorent que les jeux sont faits, que la partie est truquée. Dans ce théâtre d’ombres où les petits candidats sont appelés à faire de la figuration pour donner une onction démocratique à la façade républicaine, les spectateurs risquent de ne pas servir la claque. Ils peuvent même troubler la scène. Ainsi peut-on penser qu’au moins trois scénarios sont susceptibles d’égarer les metteurs en scène qui tiennent plus ou moins bien la laisse des acteurs en présence. 

 

Premier scénario. Macron l’emporte au 2ème tour quel que soit son opposant. C’est la conclusion espérée par le CAC 40 et la médiacratie qui agite le landernau. Ils risquent néanmoins de déchanter au vu du nombre d’abstentionnistes. De légale cette élection suprême s’avèrerait illégitime. Surtout si les législatives qui suivent ne confortent pas le petit Bonaparte. Dans cette attente douloureuse, ils sont d’ailleurs fébriles, envisageant même, selon la rumeur, d’avancer le scrutin des législatives pour échapper à cette désagréable réalité. D’autant que leur champion n’a pas ménagé la cohorte des enseignants, les considérant comme des fainéants qui doivent travailler plus, remplacer les absents pour gagner plus et être managés par leur Dirlo tout puissant. Il compte néanmoins que l’épouvantail Le Pen ou leur aigreur vis-à-vis de Mélenchon les rendra raisonnables. En tout état de cause, le futur Parlement croupion risque d’être plus agité, plus rétif que la majorité actuelle des beaufs macroniens. Restera à leur faire avaler la pilule d’un programme néolibéral renforcé, à coup d’ordonnances, de 49-3 et de faire goûter aux irréductibles manifestants le poids de la matraque et l’air irrespirable des gaz lacrymogènes. Dans cette ambiance, le sel de la division raciale est susceptible d’éclaircir les rangs des réfractaires en engageant nombre d’entre eux dans des pugilats inopérants.

 

Deuxième scénario, plus improbable. Le Pen l’emporte. Les antifascistes seront dans la rue à coup sûr. Pour quel effet réel ? Aux législatives, la Marine recentrée risque de ne pas avoir de majorité. La cohabitation entre la droite extrême et l’extrême droite serait ainsi ouverte pour le pire. On nous servira que la France de Jeanne d’Arc ne peut accueillir toute la misère du monde comme le prônait Rocard en son temps. Qui plus est, le bal serait ouvert aux racistes de tous poils. Chaos, répression et mise au pas de l’appareil judiciaire et médiatique seraient à la noce comme chez Orban le Hongrois.

 

Troisième scénario. Mélenchon l’emporte. Le bloc bourgeois hurle, les médias s’hystérisent. Les législatives qui suivent pourraient fournir nombre de dépités rageurs. La cohabitation avec des socialos ralliés ouvrirait la voie à des accommodements avec le programme de l’avenir qui n’aurait plus rien de commun. Se pourrait-il, dans la meilleure des hypothèses, que surgisse un appel d’air à la mobilisation populaire ? La dissolution possible de l’assemblée législative, la convocation d’une assemblée constituante, provoqueraient certainement entre tous les déçus d’avoir perdu leurs maroquins, des rixes mémorables. L’on voit poindre déjà chez les partisans d’Hidalgo et de Jadot des rancoeurs tenaces contre les mélenchonistes qui risquent de leur ravir leurs sièges. Enthousiastes, les citoyens le seraient-ils pour modeler la 6ème République comme du temps de la mobilisation contre le Traité Constitutionnel Européen ? Pas du tout certain… Et quelle pourrait-être la réaction de la police gangrenée par des éléments d’extrême droite, de l’armée de métier, toutes deux acquises à l’ordre républicain d’un exécutif fort par temps troublé ? Tout cela sans compter avec les intrusions, manipulations des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de la Banque centrale européenne.

 

Pour faire bonne mesure, il faut se préparer au pire, tout en sachant, avec plus ou moins de certitude, que le règne des fondés de pouvoir du capital sera certainement troublé dans la séquence à venir surtout si la contestation sociale s’étend dans d’autres pays et pas seulement en Europe. Le retour de la lutte des classes signifierait peut-être que l’heure des compromis sociaux deviendrait l’agenda obligé des classes dominantes pour se maintenir. Reste, dans cette optique, à faire converger les luttes qu’elles soient sociales et écologiques, pour produire un nouveau mode de pensée dominante, une nouvelle hégémonie. Or, pour réaliser cette tâche, le manque de militants chevronnés nuira à cette perspective. Les manifestants de tous ordres, tout en chantant « Il n’y a pas de sauveur suprême, sauvons-nous nous-mêmes », les citoyens déboussolés, les classes moyennes affolées, peuvent comme de coutume, dans ce système représentatif, déléguer leur pouvoir à un homme (ou une femme), fort(e), susceptible de ramener l’ordre. La crédibilité de cette hypothèse repose à la fois sur la défiance des classes populaires pour les appareils des partis, l’absence de démocratie en leur sein, l’atomisation de la société et l’absence de toute culture d’émancipation réelle. En l’espèce, en effet, c’est du changement de rapports sociaux dont il s’agit. Au demeurant, des surprises positives peuvent surgir. Vis-à-vis de l’institué, des volontés instituantes peuvent naître alors même que l’on ne les attendait pas. On l’a vu avec les LIP : on produit, on vend, on se paie et on décide en commun. Et plus récemment on a repéré ces Assemblées des Assemblées des Gilets Jaunes qui ont su produire des revendications de justice sociale et écologique peu compatibles avec l’ordre existant. Il n’en demeure pas moins que ce chemin est escarpé et semé d’embuches quelle que soit la configuration politique qui sortira des urnes.

 

GD le 24.03.2022