Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 29 mars 2022

 

Conséquences de la guerre en Ukraine

 

Dans le numéro précédent de PES, la situation de l’Ukraine était évoquée, c’était juste avant l’invasion poutinienne. Le despote russe présente cette réalité meurtrière comme une simple « opération spéciale » destinée à réduire le « terrorisme nazi ». Il vise, de fait, à favoriser ainsi un changement de régime afin de neutraliser ce pays et de réduire toute velléité d’adhésion à l’Union Européenne et à l’OTAN. C’est une entreprise criminelle contre le peuple ukrainien.  

 

Les bombardements des villes et leur encerclement n’ont pas produit, jusqu’ici, l’effet escompté. La «promenade militaire » s’enlise, l’armée ukrainienne ne s’est pas (encore ! effondrée, la résistance nationale n’est pas contestable. Face à la réalité de l’agression, les russophones eux-mêmes, répudient toute russophilie.

 

Va-t-on assister à l’occupation totale ou partielle de ce pays ? Poutine peut-il faire flancher Zelensky et se contenter d’occuper un bout de territoire allant de la frontière biélorusse jusqu’à la mer Noire et Sébastopol ? Ce qui semble certain, c’est que le despote ne veut pas perdre la face, il en va de la pérennité de son pouvoir. D’ailleurs, face à la menace de livraisons d’armes par les pays occidentaux à l’Ukraine, il n’a pas hésité à brandir le recours aux bombes atomiques… Bluff ? Pas sûr, le tabou de l’équilibre de la terreur nucléaire serait-il brisé ? De fait, les USA, l’OTAN, refusent de s’engager dans ce qui serait susceptible d’enclencher une 3ème guerre (mondiale ?) sur le sol européen. Poutine et sa clique peuvent-ils résister aux pressions occidentales ? Les peuples subiront ils sans broncher les conséquences économiques et sociales qui risquent de les affecter ?   

 

Affaiblir, isoler la Russie ?

 

Les sanctions économiques et financières édictées par les pays occidentaux sont motivées par la volonté de déstabiliser le pouvoir russe. Sont visés les oligarques qui le soutiennent. Au-delà des effets de manche, leur efficacité est pour le moins aléatoire. Il s’agit de geler les avoirs de ces kleptocrates et non de procéder à des expropriations, des saisies immobilières et financières. Donc, ils en resteront propriétaires et en retrouveront l’usage… dès la fin du conflit ! Leurs fortunes sont le plus souvent dissimulées dans l’opacité des paradis fiscaux qu’il n’est guère question de mettre en cause. D’ailleurs, nombre d’entre eux, dès l’annonce de ces mesures, ont pris le large avec femmes, enfants, serviteurs, pour être accueillis à bras ouvert dans des hôtels et palaces de luxe aux Emirats Arabes Unis. Assurés que leur portefeuille bien garni sera ainsi à l’abri, ils ont l’intention de laisser passer l’orage  censé les menacer.

 

S’en prendre à l’économie russe, c’est en outre, dans le système d’interdépendance instauré par la mondialisation capitaliste, se tirer une balle dans le pied. On ne sort pas aisément des relations commerciales avec la Russie en matière de livraison de gaz et de pétrole, voire de blé et de maïs avec l’Ukraine en guerre. Importer du gaz liquéfié des USA (gaz de schiste), de la Norvège, de l’Algérie, des pays du Golfe ? Les coûts de transport et de regazéification font tiquer, d’autant qu’il faudrait construire des usines dont on ne dispose pas ou si peu. Les pays de l’OPEP, dont la Russie, ont déjà fait savoir qu’ils n’entendent pas baisser le prix de ces énergies qui s’envole. Quant aux autres pays, ils sont pratiquement à saturation de ce qu’ils peuvent livrer. Déjà des voix se font entendre pour relancer la production de charbon et les centrales destinées à produire de l’électricité. De même, les promoteurs du nucléaire « civil » se réjouissent. Quant à l’agrobusiness, il prétend que la souveraineté alimentaire passe par le productivisme, le recours aux engrais, aux pesticides. En France, la FNSEA déploie en ce sens un intense lobby. 

 

Dans ces conditions, une révolution de palais à l’intérieur du Kremlin est-elle envisageable ? Pour l’heure, rien ne l’indique.

 

Les peuples trinquent

 

Outre les destructions, les tueries, la misère, qui vont affecter les Ukrainiens, leur exil (bientôt 3 millions), les peuples du monde vont ressentir les désordres occasionnés par l’invasion russe.

 

En Europe, pour le plus grand profit des marchands de mort, les dépenses militaires sont déjà en augmentation. L’OTAN, en voie de « mort cérébrale » selon Macron, connaît une nouvelle jeunesse. L’Union Européenne divisée est ressoudée, quoique toujours plus dépendante des Etats-Unis. Le néolibéralisme risque d’en être revigoré. Ne faut-il pas encore plus de « rigueur » budgétaire pour les classes populaires qui coûtent un « pognon de dingue »,  baisser le « coût » du travail pour sortir vainqueurs de la compétitivité, privatiser encore plus afin que l’oligarchie capitaliste trouve de nouveaux relais de croissance ? Bref, la voie semble tracée pour des régressions sociales plus prononcées que celles que nous avons connues jusqu’ici.

 

Toutefois, rien n’est vraiment simple pour la classe dominante ; la baisse du prix de l’énergie, des matières premières, va provoquer l’inflation, des revendications salariales plus offensives qu’il va falloir juguler, réprimer. Contenir la spirale inflationniste conduit inéluctablement à la hausse du loyer de l’argent. La FED et la BCE s’entendent déjà pour remonter le taux d’intérêt, les banques suivront. Les bancocrates se doivent d’agir avec doigté pour éviter une récession, voire une crise financière d’ampleur d’autant qu’ils ont tellement injecté de liquidités que celles-ci sont de plus en plus réticentes à les diriger vers la production, préférant, en effet, recourir à la spéculation.

 

Ce sont surtout les pays du Sud qui vont connaître le pire : augmentation des prix, pénuries de blé (Liban, Egypte, Soudan…), famines. Une nouvelle vague de révoltes et de migrations est d’ores et déjà à l’ordre du jour : l’ONU, la FAO et même le FMI et la Banque mondiale s’en inquiètent pour des raisons d’ailleurs opposées. Les uns se soucient du sort des pauvres, les autres du sort des potentats et autres cerbères africains… L’Asie, la Chine seraient-elles relativement épargnées par ce bouleversement. Rien n’est moins sûr, à moins qu’un improbable compromis soit conclu.

 

Ce qui s’amorce plutôt c’est un processus de renforcement des instruments de répression contre les peuples et le déploiement de tous les moyens pour les diviser. « L’afflux » actuel et à venir des migrants, de ces populations fuyant la guerre, la misère et le désordre climatique seront l’occasion de susciter le racisme, de faire le tri entre les « acceptables » et les « inacceptables » et de décider de mesures coercitives renforcées. Comment s’y opposer ?  

 

Solidarité et internationalisme

 

S’il est indéniable qu’il faille condamner l’agression russe et ses conséquences désastreuses, cela ne peut suffire. D’ailleurs, les manifestations anti-guerre exhortant au retrait de troupes russes, ne sont guère massives et pas seulement en France. Il semble que prévale l’idée que le camp du « Bien » de la diplomatie occidentale soit le moindre mal. Ce « campisme » est de mauvaise augure pour l’indispensable émergence d’un mouvement anti-guerre, voire anti-impérialiste, qui exigerait le désarmement multilatéral, la réforme de l’ONU, et mettrait en cause ainsi le système capitaliste. Et pourtant, la vérité est aveuglante : le « doux commerce », « la mondialisation heureuse » sont de macabres illusions. La logique capitaliste est celle de la concurrence, de l’exploitation qui conduit à l’affrontement d’élites dominantes, à la conquête des marchés sur les rivaux, à l’assujettissement de territoires, à leur conquête et à la guerre. D’ailleurs, la course aux armements, les ventes d’armes de destruction massive sont un business lucratif qui prépare à cette dernière extrémité. Certes, l’interdépendance des nations complique la situation pour… mieux la remodeler.

 

Nous sommes entrés dans une nouvelle phase, celle de la confrontation de blocs de puissances qui ont émergé avec le déclin relatif de l’impérialisme US. Ils sont d’ailleurs de plus en plus agressifs et prêts à tous les retournements d’alliance : USA, Chine, Russie, Iran, Turquie, Inde... Qui plus est, dans la dernière période, on a vu apparaître des dirigeants assoiffés de puissance, multipliant les guerres (Irak, Afghanistan, Syrie, Géorgie, Ukraine) et imposant avec arrogance leur mépris pour leur propre peuple. Et ils sont légion, ils ne se limitent pas aux figures des Trump, Poutine, Bolsonaro, Modi…

 

En revanche, ce qui apparaît le plus certain, dans la séquence qui s’ouvre, c’est le retour de la lutte des peuples. Déjà en Espagne, la mobilisation contre l’augmentation des prix prend corps. Un mouvement pour bloquer les prix des produits de première nécessité peut-il être lancé ? Toutefois, s’il reste encadré dans des revendications économiques, voire corporatistes, s’il ne met pas en cause le pouvoir et le régime capitaliste lui-même, il s’essoufflera ou sera réprimé. D’ailleurs, les forces de transformation sociale sont pour l’heure presque insignifiantes, elles ne peuvent guère politiser un tel mouvement. Engoncées soit dans leurs querelles de chapelle soit dans une vision électoraliste, elles ne sont que les témoins d’un monde qui ne parvient pas à naître. Pourtant, la remise en cause des privatisations, l’aspiration aux communs, désignent en creux que la propriété commune s’oppose à la propriété privée des moyens de production et d’échange, la financiarisation débridée appelle à la socialisation des banques, la dépendance suggère l’indépendance, le souverainisme industriel et alimentaire, l’entraide et la coopération entre les peuples plutôt que leur affrontement concurrentiel.

 

Gérad Deneux, le 24.03.2022

 

 

Jérôme - Je partage avec vous cette vidéo que j'ai trouvée très bien faite sur les
impérialismes qui conduisent à la guerre :



https://www.youtube.com/watch?v=8lLdAsYRpr0