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Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 29 mars 2022

 

Libérez Libre-Flot

 

Le 27 février, un homme de 37 ans, début une grève de la faim en prison. Il veut protester contre son incarcération de 14 mois, à l’isolement total, sans jugement (1).

 

« Cela fait 14 mois que je suis enterré vivant, dans une solitude infernale et permanente, sans avoir personne à qui parler, à juste pouvoir contempler le délabrement de mes capacités intellectuelles et la dégradation de mon état physique et ce, sans avoir accès à un suivi psychologique ». « Cet isolement, la torture blanche, est considéré comme inhumain et dégradant par plusieurs instances des droits humains ».

 

Arrêté le 8 décembre 2020 avec 7 autres personnes, il est mis en examen pour association de malfaiteurs. Il lui est reproché d’avoir « envisagé » des actions violentes contre des policiers et des militaires.

 

Dans quel pays un individu peut-il être incarcéré, à l’isolement, pour avoir peut-être envisagé des actions violentes ? Sans doute dans un pays bafouant les droits de l’Homme, avec un régime autoritaire.

 

C’est en France que ça se passe.

C’est en effet à Bois d’Arcy que Libre Flot est emprisonné.

 

Il lui est reproché par la Direction Générale de la Sécurité Intérieure d’avoir possédé, dans le camion où il vivait, des produits chimiques pouvant entrer dans la composition de bombes artisanales, comme, par exemple, du peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée), du nitrate d’ammonium (présent dans les engrais chimiques), de l’essence (qui peut servir aussi à faire tourner un groupe électrogène) ainsi qu’un fusil de chasse. Il lui est également reproché, sous couvert de pratiquer l’Air-soft (tir au pistolet à billes), de s’entraîner au maniement des armes.

 

Donc, si vous pratiquez l’air-soft, si vous avez quelques sacs d’engrais, de l’eau oxygénée, des bidons d’essence pour votre tondeuse, et si vous avez conservé le fusil de chasse de votre grand-père, il serait peut-être plus prudent de quitter immédiatement le territoire français car la police anti-terroriste risque de vous mettre hors d’état de nuire et de vous incarcérer à l’isolement.

 

Cette police est celle qui, en 2008, a démantelé le « dangereux » groupe de Tarnac dont tous les membres furent…. acquittés quelques années plus tard. Seul Julien Coupat fut condamné à 4 mois de prison avec sursis pour « refus de se soumettre à un prélèvement biologique ». Le jugement était motivé de la façon suivante : « l’audience a permis de comprendre que le groupe de Tarnac était une fiction »…. Le premier synonyme que le dictionnaire donne pour fiction est  « invention ».

 

Ce petit rappel étant fait, l’affaire de Libre Flot apparaît totalement improbable, incompréhensible, incroyable. Un autre élément du dossier permet de la voir sous un autre angle.

 

Libre Flot s’est en effet rendu en Syrie. Pas pour combattre avec Daech, mais contre Daech avec les forces kurdes du Rojava. « Cela fait plus de 14 mois que je comprends que ce sont mes opinions politiques et ma participation aux forces kurdes des YPG dans la lutte contre Daech qu’on essaie de criminaliser ».

 

Pourquoi l’Etat français voudrait-il donc, criminaliser,

 réduire au silence les individus qui ont rejoint les forces armées kurdes ?

 

Serait-ce pour faire oublier que le Rojava est certainement l’expérience d’organisation sociale, politique et humaine la plus intéressante, la plus prometteuse de notre époque ? Cette région rebelle autonome est située dans le nord de la Syrie. Les milices kurdes ont profité du choc de la guerre civile syrienne pour y prendre le pouvoir. Ils ont mis en place une politique laïque, fondée sur des principes démocratiques, une forme de socialisme démocratique ; l’égalité des sexes et l’écologie transparaissent dans sa Constitution (qui est plus un contrat social). Ce système politique est inspiré par le confédéralisme démocratique théorisé par Abdullah Ocalan, leader du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan).

 

Au Rojava, vivent en plutôt bonne harmonie, ce qui est exceptionnel pour la région, 6 millions de personnes dont des Kurdes, des Arabes, des Turkmènes. Trois langues officielles y sont enseignées, le kurde, l’arabe et le syriaque. Des conseils populaires sont élus par des assemblées de  communes ; chaque conseil gère les ressources agricoles, énergétiques, de manière autonome, coopérative et écologique. Ce n’est certes pas le paradis sur terre mais un exemple très intéressant en matière d’organisation sociale.  

 

Dans une telle organisation, pas de multinationales qui financent, soutiennent des partis politiques, pas d’oligarques, pas de médias aux mains des marchands d’armes, pas d’homme seul qui décide que son pays (la Russie) de 144 millions d’habitants va attaquer son voisin…  

 

Le Rojava, un exemple à ne pas suivre si les élites en place veulent garder le pouvoir.

 

Serait-ce, également, pour faire oublier les trahisons des Occidentaux vis-à-vis des Kurdes ?

 

La promesse d’un Etat kurde en 1920, sur les restes de l’empire ottoman (traité de Sèvres) pour finir par une répartition des Kurdes sur trois Etats (Turquie, Syrie, Irak) qui pratiquèrent chacun l’assimilation forcée et violente. Comme par exemple l’attaque aux armes chimiques contre les Kurdes irakiens par le régime de Saddam Hussein (180 000 morts en 1987).

 

Le lâchage des milices kurdes par les Occidentaux dans la lutte contre Daech plus récemment a tué 11 000 Kurdes pour libérer Kobané, Raqqan et vaincre les djihadistes. Les Occidentaux ont certes soutenu logistiquement et financièrement les milices mais les morts étaient kurdes. Et quand le travail a été terminé, Daech vaincu, les Occidentaux sont rentrés à la maison et ont laissé les Kurdes seuls face aux Turcs qui ne se sont pas fait prier pour les attaquer et prendre une partie de leur territoire : la région d’Afrin.

 

Ou encore, est-ce pour passer sous silence le dernier « cadeau » laissé aux milices kurdes,

à savoir la surveillance, la gestion des prisonniers de Daech ?

 

Près de 60 000 djihadistes, dont des Occidentaux et, parmi eux, plusieurs centaines de français ainsi que leurs familles, ont été laissés aux bons soins des Kurdes. Les Kurdes n‘ont bien sûr pas les moyens d’assurer correctement cette mission. Donc les djihadistes sont soit, pour les combattants, entassés dans des prisons dans des conditions sanitaires catastrophiques, soit, pour les familles, parquées dans le camp de Al Hol, où 55 000 personnes sont détenues - dont beaucoup d’enfants - de 57 nationalités.  Il y aurait dans ce camp environ 80 femmes françaises et 200 enfants. La France en a rapatrié une quarantaine. Laisser ces gens à la charge des Kurdes est cynique et dangereux, car ces camps sont de véritables « pépinières de djihadistes », des bombes à retardement laissées dans la région. Car Daech a, certes, était vaincu mais de nombreuses cellules dormantes demeurent dans la région et les prisons bondées sont une cible privilégiée pour eux afin de libérer leurs camarades. Comme celle de Ghwaryan attaquée le 20 janvier. 3 500 djihadistes y étaient retenus. Le bilan est dramatique : près de 300 prisonniers et près de 100 gardiens y ont perdu la vie.

 

On comprend mieux pourquoi le pouvoir préfère qu’on ne parle pas trop du Rojava et des Kurdes. Ceux qui pourraient témoigner sont priés de se taire et s’ils ne le font pas sont, comme Libre Flot, broyés par la machine judiciaire.

 

« Puisque l’on cherche à criminaliser les militants et militantes ayant lutté avec les Kurdes contre Daech »

« Puisque l’on utilise la détention  soi-disant provisoire dans le but de punir des opinions politiques »

« Puisque cette histoire n’existe qu’à des fins de manipulation politique »

« Puisque aujourd’hui on ne me laisse comme perspective que la lente destruction de mon être »

« Je me déclare en grève de la faim depuis le dimanche 27 février 2022 à 18h. Je ne réclame à l’heure actuelle que ma mise en liberté en attendant de démontrer le caractère calomnieux de cette honteuse accusation ».

 

Le 16 mars, Libre Flot a donné de ses nouvelles : « Après 17 jours de grève de la faim, les institutions, bien conscientes de ce qui se passe, restent totalement indifférentes (…) alors, dégradation pour dégradation, séquelles pour séquelles, autant que ce soit mon choix, autant que ce soit pour pousser ce cri de vie, autant que ce soit pour lancer cet appel à l’aide

 

 Sortez-moi de ce tombeau ! »

 

On peut lui écrire via les comités de soutien locaux : Comité 812 Paris : LAP 393 393 rue de Vaugirard 75015 Paris

Pour se tenir informé : https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/

 

Jean-Louis Lamboley 

 

(1)   toutes les parties entre guillemets sont des extraits d’une lettre écrite par cet homme le 28 février 2022

 

encart

 

Abdullah Ocalan, également connu sous le surnom d’APO est un homme politique kurde de nationalité turque. Il est le leader du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). Ce parti revendique un Kurdistan unifié, indépendant et socialiste. Il se lance dans la lutte armée jusqu’en 1984. A partir de cette date, il donne la priorité à une solution politique pacifique et démocratique à la question kurde. Ce parti est considéré comme terroriste par les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Turquie, entre autres.

 

APO est arrêté en 1999, emprisonné en Turquie et condamné à la peine de mort. Le pays abolissant la peine de mort en 2002, sa peine est commuée en prison à vie. C’est au cours des premières années de prison qu’il élabore, en collaboration écrite avec Murray Bookchin, écologiste libertaire états-unien, l’idée du confédéralisme démocratique.

 

Le PYD (Parti de l’Union démocratique) est la branche syrienne du PKK

Les YPG (Unités de protection du Peuple) et les YPJ (unités féminines de protection) en sont les branches armées qui comptent environ 40 000 combattants et combattantes.