Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 2 mai 2022

 

Paysage électoral chamboulé

(éditorial PES n° 82)


Le déblaiement fut sévère. La comtesse Pécresse en pleine détresse (4.78 %) est obligée de faire la manche. Le Jadot est sur le dos (4.63 %). Hidalgo c’est Allo, maman les bobos sont macroniens. Quant à Roussel, l’insipide sans sel, il rêve toujours d’être le satellite du PS. Au-delà de l’humour sarcastique vis-à-vis des caciques et de la tentative d’un buffet rameutant Hollande, Aubry et autres solfériniens autour d’Hidalgo, pour une tentative de coup d’Etat contre Faure qui s’acharnait à désigner les prétendants aux futures législatives, la lutte des places continue alors même que tout est chamboulé.

 Trois blocs se font face.

 Les mélenchonistes font une percée remarquable dans les grandes villes universitaires et dans les quartiers populaires, notamment parmi les jeunes. On ne peut nier la réalité du programme altermondialiste structuré et l’orateur qui n’a pas ménagé sa peine. Force est de constater, néanmoins, que l’Avenir en commun est moins radical que le programme de 1981 et qu’il peut être exaspérant, pour certains, que Mélenchon fasse encore référence à Mitterrand, le vichyste néocolonialiste et à Jospin qui a privatisé plus que ses deux prédécesseurs. Il n’empêche, la nébuleuse insoumise s’est installée dans le paysage, même si son implantation locale n’est pas à la hauteur de ses ambitions.

 Le vote lepéniste, ce deuxième bloc, s’est répandu en France dans les petites villes et les campagnes, dans le nord, l’est et le midi, dans les zones sinistrées, désindustrialisées, qui s’illusionnent sur la réalité du social-nationalisme de l’extrême droite. Mais Cette situation est alarmante pour l’Union Populaire dans la mesure où 65 % du vote exprimé des ouvriers et 55 % des employés se sont portés sur le Pen. En d’autres termes, la peur de l’épouvantail, l’idée de faire barrage, ont prouvé leur inefficacité car elles sont profondément apolitiques et ne s’attaquent pas à la nature des mesures programmatiques de l’extrême droite. Malgré tout le tintamarre fait autour de Zemmour, on ne peut que se réjouir, non seulement de son faible score, mais aussi de la composition de son électorat : de vieux nostalgiques du vichysme, encadrés par de jeunes fascistoïdes.

 C’est dire que la victoire de Macron, le troisième bloc, surtout au 2ème tour, est une victoire par défaut. Son électorat est constitué de ceux qui pensent passer entre les grêlons foudroyants de la crise qui vient. D’ailleurs, le résultat final tend à prouver qu’au-delà des trois blocs, les abstentionnistes ne sont pas négligeables : 18 779 000 voix pour Macron, 13 297 000 pour Le Pen et 16 675 000 d’abstentionnistes, de votes blancs et nuls !

 On ne s’étonnera pas, sinon par méconnaissance, de l’apparent retournement de situations dans les confettis de l’empire. Les départements, régions et collectivités d’Outre-mer ont donné leurs suffrages à Mélenchon au premier tour puis à Le Pen au second. Ce vote antisystème, anti-macron, suggère la colère latente de ces territoires en déshérence où les révoltes peuvent éclater à tout moment.

 Est-il encore besoin de démontrer que les présidentielles n’ont pas été inventées pour consacrer le pouvoir populaire mais bien pour le contrecarrer. Instauré en 1848, ce système visait à faire contrepoids à la puissance populaire pour aboutir finalement à la consécration de l’Empire de Napoléon III. Rétabli en 1962, il ne vise qu’à soumettre les populations à un homme prétendument providentiel, tout le contraire de l’axiome « Sauvons-nous nous-mêmes ». Dans ces conditions, l’assemblée  nationale n’est qu’un parlement croupion, phénomène renforcé encore par la loi Jospin qui fait succéder les élections  législatives aux présidentielles.      

 Le chamboule-tout peut-il se reproduire les 12 et 19 juin prochains, lors des législatives ? Rien n’est moins sûr. Le mode de scrutin uninominal à deux tours peut très bien favoriser les barons en déshérence. Il suffit de se rappeler que le premier tour des législatives de 2017 a été marqué par une abstention record : 51.30 %. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, il faudrait, pour le moins, décaper le vernis social du lepénisme dédiabolisé, qui donne désormais des gages au capitalisme, se veut respectable, n’envisage nullement de remettre en cause les lois de régression du droit du travail et prétend augmenter les salaires en baissant les cotisations sociales pour mieux casser la Sécurité sociale.

 Il sera désormais de plus en plus difficile de prétendre que l’Europe c’est la paix, alors même que c’est une guerre de classes contre les classes populaires dont l’enjeu est de choisir quel type d’oligarques doit gouverner le continent européen (occidental ou poutinien). En fait, l’Europe c’est la guerre, d’abord économique, que les classes populaires subissent et subiront.

 Il n’empêche, comme si de rien n’était, de vieux bourrins sont déjà sur la ligne de départ pour la course à l’Elysée… de 2027 : Edouard Philippe, Bruno Le Maire, François Bayrou, veulent remplacer le Macron… Dérisoire.

 Attendrons-nous 5 ans pour expulser le locataire de l’Elysée et modifier ce régime présidentiel en bout de course ? Nous contenterons-nous des sempiternelles promesses des politiciens d’instiller une dose de proportionnelle pour tenter de maintenir ce régime obsolète ?  

 Gérard Deneux, le 29.04.2022