Paysage électoral chamboulé
(éditorial
PES n° 82)
Le
déblaiement fut sévère. La comtesse Pécresse en pleine détresse (4.78 %) est
obligée de faire la manche. Le Jadot est sur le dos (4.63 %). Hidalgo c’est Allo, maman les bobos sont macroniens.
Quant à Roussel, l’insipide sans sel, il rêve toujours d’être le satellite du
PS. Au-delà de l’humour sarcastique vis-à-vis des caciques et de la tentative
d’un buffet rameutant Hollande, Aubry et autres solfériniens autour d’Hidalgo,
pour une tentative de coup d’Etat contre Faure qui s’acharnait à désigner les
prétendants aux futures législatives, la lutte des places continue alors même
que tout est chamboulé.
Trois blocs se font face.
Les
mélenchonistes font une percée remarquable dans les grandes villes
universitaires et dans les quartiers populaires, notamment parmi les jeunes. On
ne peut nier la réalité du programme altermondialiste structuré et l’orateur
qui n’a pas ménagé sa peine. Force est de constater, néanmoins, que l’Avenir en commun est moins radical que
le programme de 1981 et qu’il peut être exaspérant, pour certains, que
Mélenchon fasse encore référence à Mitterrand, le vichyste néocolonialiste et à
Jospin qui a privatisé plus que ses deux prédécesseurs. Il n’empêche, la
nébuleuse insoumise s’est installée dans le paysage, même si son implantation
locale n’est pas à la hauteur de ses ambitions.
Le
vote lepéniste, ce deuxième bloc, s’est répandu en France dans les petites
villes et les campagnes, dans le nord, l’est et le midi, dans les zones
sinistrées, désindustrialisées, qui s’illusionnent sur la réalité du
social-nationalisme de l’extrême droite. Mais Cette situation est alarmante
pour l’Union Populaire dans la mesure où 65 % du vote exprimé des ouvriers et
55 % des employés se sont portés sur le Pen. En d’autres termes, la peur de l’épouvantail,
l’idée de faire barrage, ont prouvé leur inefficacité car elles sont
profondément apolitiques et ne s’attaquent pas à la nature des mesures programmatiques de l’extrême droite. Malgré
tout le tintamarre fait autour de Zemmour, on ne peut que se réjouir, non
seulement de son faible score, mais aussi de la composition de son
électorat : de vieux nostalgiques du vichysme, encadrés par de jeunes
fascistoïdes.
C’est
dire que la victoire de Macron, le troisième bloc, surtout au 2ème tour,
est une victoire par défaut. Son électorat est constitué de ceux qui pensent
passer entre les grêlons foudroyants de la crise qui vient. D’ailleurs, le
résultat final tend à prouver qu’au-delà des trois blocs, les abstentionnistes
ne sont pas négligeables : 18 779 000 voix pour Macron,
13 297 000 pour Le Pen et 16 675 000
d’abstentionnistes, de votes blancs et nuls !
On
ne s’étonnera pas, sinon par méconnaissance, de l’apparent retournement de
situations dans les confettis de l’empire. Les départements, régions et
collectivités d’Outre-mer ont donné leurs suffrages à Mélenchon au premier tour
puis à Le Pen au second. Ce vote antisystème, anti-macron, suggère la colère
latente de ces territoires en déshérence où les révoltes peuvent éclater à tout
moment.
Est-il
encore besoin de démontrer que les présidentielles n’ont pas été inventées pour
consacrer le pouvoir populaire mais bien pour le contrecarrer. Instauré en
1848, ce système visait à faire contrepoids à la puissance populaire pour
aboutir finalement à la consécration de l’Empire de Napoléon III. Rétabli en
1962, il ne vise qu’à soumettre les populations à un homme prétendument
providentiel, tout le contraire de l’axiome « Sauvons-nous nous-mêmes ». Dans ces conditions,
l’assemblée nationale n’est qu’un
parlement croupion, phénomène renforcé encore par la loi Jospin qui fait
succéder les élections législatives aux
présidentielles.
Le chamboule-tout peut-il se reproduire les 12 et 19 juin prochains, lors des
législatives ? Rien n’est moins sûr. Le mode de scrutin uninominal à deux
tours peut très bien favoriser les barons en déshérence. Il suffit de se
rappeler que le premier tour des législatives de 2017 a été marqué par une
abstention record : 51.30 %. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, il faudrait,
pour le moins, décaper le vernis social du lepénisme dédiabolisé, qui donne
désormais des gages au capitalisme, se veut respectable, n’envisage nullement
de remettre en cause les lois de régression du droit du travail et prétend
augmenter les salaires en baissant les cotisations sociales pour mieux casser la
Sécurité sociale.
Il
sera désormais de plus en plus difficile
de prétendre que l’Europe c’est la paix, alors même que c’est une guerre de
classes contre les classes populaires dont l’enjeu est de choisir quel type
d’oligarques doit gouverner le continent européen (occidental ou poutinien). En
fait, l’Europe c’est la guerre,
d’abord économique, que les classes populaires subissent et subiront.
Il
n’empêche, comme si de rien n’était, de vieux bourrins sont déjà sur la ligne
de départ pour la course à l’Elysée… de 2027 : Edouard Philippe, Bruno Le
Maire, François Bayrou, veulent remplacer le Macron… Dérisoire.
Attendrons-nous
5 ans pour expulser le locataire de l’Elysée et modifier ce régime présidentiel
en bout de course ? Nous contenterons-nous des sempiternelles promesses
des politiciens d’instiller une dose de proportionnelle pour tenter de maintenir
ce régime obsolète ?
Gérard
Deneux, le 29.04.2022