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mardi 31 mai 2022

 

Viser, tuer, profaner

(édito PES n° 83)

 

Tel semble être le dicton de toutes les soldatesques, et pas seulement en Ukraine. En Palestine, c’est une réalité qui, avec l’occupation, dure depuis la création de l’Etat d’Israël. Et ce mois de mai 2022 en est la confirmation.

 

Shineen, cette journaliste chrétienne de 51 ans, était la voix, l’œil qu’il fallait faire disparaître. Elle est venue s’ajouter à la liste des 35 journalistes palestiniens abattus depuis 2001. Shireen Abu Akleh était aussi le visage de la Palestine, visage que l’on retrouvait sur la chaîne Al Jazira. Elle y tenait la chronique des petites et des grandes misères de ce peuple colonisé.

 

Shireen avait pris soin d’avertir, comme son compagnon, les autorités militaires israéliennes. Elle couvrait le raid prévu dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie. Elle portait, comme Ali Sanodi, un gilet pare-balles barré d’un bandeau Presse. Elle et lui ont été délibérément visés pour tuer. Lui, dans le dos, il a survécu, elle, dans la gorge. L’ordre donné au sniper était, comme l’on dit dans les armées, une opération homo, pour homicide. En fait, un crime de guerre. Face à la rage impuissante des Palestiniens désespérés, attaquant des Israéliens (18 morts), cette « opération » manifestait la volonté de punition collective, toujours renouvelée. En représailles, lors des ratissages massifs, 30 Palestiniens furent tués avant ce 11 mai fatidique.

 

Le 13 mai, à Jérusalem, le cortège funèbre transportant le corps de Shireen fut attaqué par la police sioniste. Faisant irruption dans la cour de l’hôpital St Joseph, la flicaille s’en prit, à coups de matraques et de grenades assourdissantes, à la procession visant les femmes, les enfants comme les porteurs. Il s’agissait de faire taire les chants palestiniens, d’arracher les drapeaux palestiniens et d’empêcher de rendre hommage, dans les rues de Jérusalem, à Shireen, symbole de l’existence du peuple colonisé. Le droit d’être enterré dans a dignité était bafoué, le cercueil de Shireen n’était pas encore enterré qu’il était profané.

 

Après moult mensonges, l’armée israélienne « reconnaissait », à la radio militaire que, si des affrontements armés n’avaient pas eu lieu, les Palestiniens étaient armés… de caméras. L’entreprise de blanchiment des crimes en vient à prendre des allures grotesques.

 

Mais, peu importe pour le gouvernement sioniste : le 13 mai, soit le jour même de cette profanation, il  annonçait  la construction de 4 400 logements supplémentaires dans les territoires palestiniens.

 

Le 15 mai, la Cour suprême israélienne a rejeté les requêtes des Palestiniens et autorisé, par conséquent, l’édification d’un téléphérique permettant de passer de l’ouest de Jérusalem à un centre géré par une organisation de colons. Il s’agit de la perspective de s’approprier l’histoire de la Palestine, d’éviter, pour les futurs touristes, tout contact avec les Palestiniens de la vieille ville. Histoire révisée, profanée, vieille ville meurtrie par une série de pylônes de 200 mètres de haut qui permettront de survoler, « d’observer comme des animaux », une population vouée à disparaître.

 

Rêve loufoque ? La vieille ville compte 90 % d’Arabes et la population palestinienne, qui ne représentait que 25 % en 1967, dépasse désormais le taux de 40 % sur l’ensemble de Jérusalem. Comme dit le vieux chant palestinien : « J’écris ton nom sur le soleil » qui durera plus longtemps que l’entité sioniste.

 

Gérard Deneux, le 26.02.22