Viser, tuer,
profaner
(édito PES
n° 83)
Tel
semble être le dicton de toutes les soldatesques, et pas seulement en Ukraine. En Palestine, c’est une réalité qui,
avec l’occupation, dure depuis la création de l’Etat d’Israël. Et ce mois de
mai 2022 en est la confirmation.
Shineen, cette journaliste chrétienne de 51 ans, était la
voix, l’œil qu’il fallait faire disparaître. Elle est venue s’ajouter à la
liste des 35 journalistes palestiniens
abattus depuis 2001. Shireen Abu Akleh était aussi le visage de la
Palestine, visage que l’on retrouvait sur la chaîne Al Jazira. Elle y tenait la chronique des petites et des grandes
misères de ce peuple colonisé.
Shireen avait pris soin d’avertir, comme son compagnon, les
autorités militaires israéliennes. Elle couvrait le raid prévu dans le camp de
réfugiés de Jénine, en Cisjordanie. Elle portait, comme Ali Sanodi, un
gilet pare-balles barré d’un bandeau Presse.
Elle et lui ont été délibérément visés
pour tuer. Lui, dans le dos, il a survécu, elle, dans la gorge. L’ordre
donné au sniper était, comme l’on dit dans les armées, une opération homo, pour
homicide. En fait, un crime de guerre.
Face à la rage impuissante des Palestiniens désespérés, attaquant des
Israéliens (18 morts), cette « opération » manifestait la volonté de punition collective, toujours
renouvelée. En représailles, lors des ratissages massifs, 30 Palestiniens furent tués
avant ce 11 mai fatidique.
Le 13 mai, à Jérusalem, le cortège funèbre transportant le
corps de Shireen fut attaqué par la police sioniste. Faisant irruption dans la
cour de l’hôpital St Joseph, la flicaille s’en prit, à coups de matraques et de
grenades assourdissantes, à la procession visant les femmes, les enfants comme
les porteurs. Il s’agissait de faire taire les chants palestiniens, d’arracher
les drapeaux palestiniens et d’empêcher de rendre hommage, dans les rues de
Jérusalem, à Shireen, symbole de l’existence du peuple colonisé. Le droit
d’être enterré dans a dignité était bafoué, le cercueil de Shireen n’était pas
encore enterré qu’il était profané.
Après
moult mensonges, l’armée israélienne « reconnaissait », à la radio
militaire que, si des affrontements armés n’avaient pas eu lieu, les
Palestiniens étaient armés… de caméras. L’entreprise de blanchiment des crimes
en vient à prendre des allures grotesques.
Mais,
peu importe pour le gouvernement sioniste : le 13 mai, soit le jour même de cette profanation, il annonçait la construction de 4 400 logements supplémentaires dans les territoires
palestiniens.
Le 15 mai, la Cour suprême israélienne a rejeté les requêtes des
Palestiniens et autorisé, par conséquent, l’édification d’un téléphérique permettant de passer de
l’ouest de Jérusalem à un centre géré par une organisation de colons. Il s’agit
de la perspective de s’approprier l’histoire
de la Palestine, d’éviter, pour les futurs touristes, tout contact avec les
Palestiniens de la vieille ville. Histoire
révisée, profanée, vieille ville
meurtrie par une série de pylônes de
200 mètres de haut qui permettront de survoler, « d’observer comme des animaux »,
une population vouée à disparaître.
Rêve
loufoque ? La vieille ville compte 90 % d’Arabes et la population
palestinienne, qui ne représentait que 25 % en 1967, dépasse désormais le taux
de 40 % sur l’ensemble de Jérusalem. Comme dit le vieux chant palestinien :
« J’écris ton nom sur le soleil » qui durera plus longtemps
que l’entité sioniste.
Gérard
Deneux, le 26.02.22